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ladytelephagy
21 avril 2011

Regard d'outsider

C’est un peu comme si tous les blogs que je fréquente connaissaient Game of Thrones avant que la série ne pointe son nez. Quant à moi, c’est plutôt la même situation que pour le comic de The Walking Dead : si je n’ignorais pas que l’histoire soit antérieure à la série, je n’avais pour autant pas lu le support original. Et pour tout vous dire, je n’ai pas de regret, car là encore, comme pour The Walking Dead, ce n’est pas mon genre de lecture, de par l’univers comme le format. Il faut dire que la fantasy, moi, c’est pas ma tasse de thé, si cela était encore à démontrer après mon post sur le Siqueur (je pourrais vous mettre un lien, mais vous êtes grands, hein, vous savez utiliser les tags).
D’ailleurs, si mes camarades La Sorcière et Livia ont hésité avant de regarder le pilote de Game of Thrones, craignant que l’adaptation télévisée ne soit pas à la hauteur de l’œuvre originale, de mon côté, j’ai hésité pour d’autres raisons : une allergie assez profonde au genre. Obstacle d’autant plus difficile à contourner, quelque part. Mais j’ai fini par me lancer, en ne sachant rien d’autre de la saga que ce que j’en avais vu sur les quelques affiches promotionnelles de la série, me disant que si je refuse de voir un pilote sortant autant des sentiers battus, je n’ai plus le droit de me plaindre à chaque saison des séries fades (et souvent policières) qui semblent tourner en rond. Mais la méfiance était là.

La première scène m’a laissée… de glace. Pas de problème avec la réalisation, évidemment, mais avec cette forêt enneigée, cette ambiance morne et ces quelques soldats perdus en territoire ennemi, je n’ai pas eu l’impression de voir quelque chose de bien différent. Je ne sais pas à quoi je m’attendais mais de toute évidence, pas à ça. D’ailleurs, que cette scène finisse sur une variante moyennageuse des zombies n’était pas fait pour aider (je le jure, mes comparaisons avec The Walking Dead s’arrêteront là).

Fort heureusement, c’est là qu’est intervenu le générique, et là je peux vous dire que, si la première scène ne m’avait pas conquise, toute ma mauvaise humeur s’est envolée dans l’instant. Quelle merveille ! Même si ces mécanismes font plus penser à du steampunk que de la fantasy, tout ça est du plus bel effet, et pédagogique par-dessus le marché, ce qui ne nuit pas parce que, croyez-moi, quand on aborde l’histoire sans rien en savoir, on ne crache pas au moins sur une petite carte.
Car la question se posait, naturellement, de savoir si j’avais besoin d’être initiée pour comprendre la série. Je m’étais refusée à lire la pourtant copieuse documentation fournie chez La Sorcière, parce que, je ne sais pas comment l’appeler autrement, mais j’ai cette espèce d’orgueil téléphagique, qui prétend que si je suis obligée de potasser de la documentation pour comprendre une série, c’est que la série est mal gaulée et puis c’est tout. Mais je partais nécessairement avec un handicap tout de même. Et si la pédagogie se borne, en définitive, à cette carte du générique, pendant ce pilote, il faut quand même admettre qu’elle est très éclairante. La position géographique des personnages (et Dieu merci, leurs couleurs de cheveux) suffisent à permettre de mémoriser la dynamique de chaque famille.

AutumnfotheWinterthatsComing
Mais je l’ai dit, la pédagogie sur l’univers de la série est ultra-rare dans ce premier épisode. Ça ne me choque pas de ne pas retenir tous les noms des personnages : c’est quelque chose que je suis infoutue de faire pour n’importe quelle série avant deux à trois épisodes, de toute façon, donc c’est pas le soucis. Par contre, ne pas réussir à distinguer certains personnages (ici plus particulièrement l’aîné de… la famille rousse, et son demi-frère le bâtard), c’est déjà plus gênant. Et puis, dans le fond, pas mal de visages secondaires sont passés trop vite (je n’ai, en gros, retenu que celui du frère du… père de la famille rousse) (il est vraiment trop tôt, ya pas moyen) (nan mais par contre, vraiment, merci pour le code couleur, les mecs).
Après, ce qui me laisse pantoise, c’est d’expliquer si peu l’univers. Comment les deux gamins aux cheveux de nacre se sont-ils retrouvés de l’autre côté de la Narrow Sea et pourquoi ? J’ai eu du mal à adhérer à la soif de vengeance et de reconquête du frérot sans avoir cette information. Ce qui est d’autant plus gênant que le frérot en question est excessif (mignonnette petite phrase sur sa sœur qui peut bien passer dans un gang bang, il s’en tape, l’essentiel c’est de récupérer le trône), et donc qu’il faudrait au moins connaître la raison de son amertume pour comprendre un peu ce qui se joue chez lui. Bien-sûr, ça peut être expliqué ensuite et j’ai envie de dire qu’il y aurait intérêt, mais quand même, quelques éléments basiques de compréhension manquent. Pour résumer, le méchant est bien trop méchant, et si la seule chose qui donne du relief à son personnage, c’est qu’il soit blond, ça fait peu (parce que j’ai bien conscience que d’habitude le méchant est brun et le gentil blond, mais casser ce seul stéréotype ne suffit pas). Donc là, on tombe dans quelque chose d’un peu manichéen, de la même façon que la famille rousse, ce sont les super gentils qui vivent au creux des robustes montagnes dans une grande, large et saine famille où on s’aime tous (pourvu d’être du même sang). Bon alors moi, j’aime les roux, vous le savez, mais pour autant je ne pense pas que le choses doivent nous apparaître si caricaturales d’entrée de jeu, ce n’est pas vraiment partir d’un bon pied.
En fait, on sent bien que la série a une énorme mythologie à présenter et qu’elle va s’ingénier à le faire très lentement, en distillant des éléments. Ce qui est probablement le signe que pour pouvoir détailler un peu le passé, l’intrigue sur les évènements à venir va arriver de façon très lente, je suppose. Parce que faire les deux en même temps et au même rythme, ça va être difficile, vraisemblablement.

Alors attention. Là je sens que je cours le risque de me faire lyncher, "t’as aucune patience", machin, bon, je le répète : je devine bien que tout ça va s’étoffer ensuite, et prendre du rythme probablement aussi. Mais normalement, l’épaisseur d’un personnage n’attend pas le nombre des épisodes, j’ai envie de dire.

Et en fait justement si. J’ai de la patience. Car je ne me suis pas laissée démonter. Vous voyez comme vous êtes mauvaises langues ? Car malgré tous ces défauts pas vraiment affriolants, progressivement, on est pris dans l’épisode, on commence à développer une certaine fascination pour certains personnages (la… euh, fille là, et le euh… lui, vous savez ?), et même si ça reste assez superficiel puisqu’on en sait très peu sur eux et leur background, on a progressivement envie de les suivre, même quand on a du mal à suivre.

Globalement, certaines choses se devinent, mais deviner n’est pas assez. Et finalement, on peut considérer que si j’ai envie d’en savoir beaucoup plus, c’est bon signe.

Hot
En fait, je suis sortie de ce visionnage avec le regret terrible de ne pas avoir attendu plus pour regarder Game of Thrones. Parce qu'une heure, c’était en fait très court, et c’est typiquement le genre de séries qui gagne à être dévorée plusieurs épisodes à la suite, pour compenser le rythme auquel les choses avancent (ou pas), et les mystères encore trop épais autour de plein d’éléments de mythologie.
Oui, au final, et ça n’était pourtant pas acquis, Game of Thrones m’a plu, m’a captivée, m’a envoûtée. Le fait qu’il y ait peu d’éléments magiques a joué, c’est sûr, car je ne suis pas certaine que j’aurais autant accroché si de tels artifices étaient apparus dés le début (mais je pense deviner que ce sera le cas ensuite).

Mais c’est essentiellement l’attachement à certains personnages qui fonctionne, et qui donne envie de rester. Le potentiel est là, dans ces caractères forts et pourtant touchants. Il faut maintenant l’exploiter et développer l’histoire pour que le fil se déroule de façon plus fluide. C'est à cette condition que je finirai la saison.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Game of Thrones de SeriesLive.
Que je n'ai pas faite moi-même, ça fait du bien, pour changer.

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17 avril 2011

Home Bittersweet Home

C'est une vieille fascination née par hasard. Ou peut-être révélée à ma conscience par hasard.
Un documentaire. Des décors merveilleux de rudesse et de beauté simple. De la lumière comme s'il en pleuvait, et une nuit opaque et confortable. Une langue envoûtante aux claquements et roulements intimes.
J'ai une certaine fascination pour la Suède, et par extension pour la Scandinavie. Ca fait bien 10 ans. Et ça fait aussi 10 ans que je me promets qu'un jour, j'apprendrai le Suédois. Que j'irai (alors que je n'ai pas envie d'aller au Japon). Que je m'installerai, même, peut-être (pour mes vieux jours, si je me débrouille bien). Mais je n'en fais rien, et je crois que j'aime l'idée que j'y viendrai plus tard, beaucoup plus tard. Que c'est quelque chose qui m'attend. Un horizon qui correspond au moi que je ne suis pas encore. Alors je ne tente rien de lire ou d'écouter. Je ne regarde pas le prix des billets d'avion et je ne me lance pas dans l'achat de méthodes diverses et variées. La Scandinavie peut attendre.

Ce qui a tout changé, c'est Scénaristes en Séries. J'avais vu quelques pilotes scandinaves à l'occasion des articles pour SeriesLive, mais très peu avec des sous-titres.  Et puis, je n'avais lancé les articles que pour Scénaristes en Séries, de toute façon.
Et me voilà dans le matin d'Aix-les-Bains, sous la bruine, à découvrir des séries sous-titrées dont je n'attendais pas tant. Ah, il faudra que je vous reparle de Borgen, d'ailleurs, faites-moi y penser dans quelques semaines lorsque les choses se seront calmées. Il y a eu, donc, les coups de coeur Borgen, Kommissarie Winter, et dans une moindre mesure, Alamaailma Trilogia. Depuis, il y a eu Forbrydelsen et Lykke, pour ne mentionner que ces séries. Et s'il est vrai que je n'ai pas forcément eu de coup de coeur devant Lulu og Leon, je dois admettre que j'avais bien aimé le pilote (a contrario de En God Nummer To, pas vraiment ma came). Bref depuis le mois d'octobre, je me sens pousser des ailes, comme si on me poussait à être impatience, à ne plus attendre de venir à ma vieille obsession que je pensais laisser couver encore un peu.

C'est qu'il y a de quoi s'enthousiasmer ! Chaque fois que je regarde une série scandinave (là, tout de suite, ne me vient aucune exception à l'esprit), j'y trouve une forme d'exotisme, ce qui est quand même ce que je cherche quand je regarde une série étrangère, même si cet exotisme peut prendre des formes très diverses, et en même temps il y a un côté particulièrement familier. Si je proteste chaque fois qu'on me dit que la fiction scandinave reflète bien le côté froid de ses pays de provenance, c'est tout simplement que pour moi, ce n'est pas froid du tout. Je m'y sens très facilement chez moi, et si ce n'était la barrière de la langue, je trouverais ça aussi confortable que quand je regarde des séries américaines ; qui, elles aussi, à bien y réfléchir, présentent de l'exotisme, et à vrai dire je m'en rends encore plus compte maintenant que je m'aventure toujours plus loin.
Mais si vous le permettez, j'aborderai éventuellement le ressenti que j'ai avec la fiction de chaque pays dans un post futur, car ce n'était pas l'objet de mon post. Je voulais simplement poser le cadre, pour bien vous faire comprendre dans quelles circonstances j'ai abordé Koselig Med Peis. Car maintenant, la fiction scandinave, je m'y sens vraiment bien, et je n'ai plus envie d'attendre pour m'y mettre (et du coup, reviennent au galop les plans linguistiques et les envies de voyage, mais passons).

KoseligMedPeis_Title
J'ai regardé le pilote de Koselig Med Peis (sans sous-titres, mais je songe sérieusement à y remédier) en ayant l'impression de me retrouver dans le même genre d'univers qu'un film indépendant. Genre Juno, mais plus indé. Il y avait un côté "on est un peu hippie sur les bords et on aime bien utiliser des meubles vintage partout" qui était un pur régal, et qui en même temps s'inscrivait totalement dans la démarche de la série. Et il est franchement rare que, d'ailleurs, la forme participe autant au fond.

Car l'histoire est la suivante : après une rupture difficile (et encore, ça ne s'est pas tout-à-fait calmé) avec une jeune chanteuse populaire, Georg retourne rendre visite à ses parents. Enfin, non, pas tout-à-fait, car ils ne vivent plus ensemble : sa mère, Bente, est partie vivre avec une autre femme, laissant son père Frank seul dans la maison familiale où Georg et son frère Terje ont grandi. Lorsque Georg passe une tête dans ladite maison familiale, il découvre une vieille bâtisse qui semble restée bloquée dans les années 80, à la différence près que la poussière, elle, a continué de s'accumuler. Et au milieu de ce lambeau de maison, il y a Frank, son père, qui très franchement ne marche plus bien droit : Georg va apprendre que son père est frappé de schizophrénie, et il faut bien que quelqu'un se charge de lui, tout désagréable et bougon soit-il. Et surtout, en dépit du fait que Georg n'a pas franchement de bons souvenirs avec son père. Le revoilà donc à s'installer dans la vieille maison avec son père qu'il imagine déjà impotent, une perspective qui ne fait pas grand'chose pour lui remonter le moral.

KoseligMedPeis_Maison
Cette maison figée presque 30 ans en arrière, c'est une trouvaille superbe. Un vrai personnage. On a l'impression de faire le plongeon dans l'enfance de Georg contre son gré, tant la maison est habitée, plus ou moins littéralement, par des fantômes de cette époque. Et je suppose que ça a d'autant plus fonctionné sur moi que je suis de la même génération que Georg, en plus.
Et Georg a une relation très intime avec son enfance : il se voit enfant, et Georg-adulte et Georg-enfant passent des moments côte à côte, soit paisiblement, comme à la fin de l'épisode, soit, et c'est peut-être moins subtil mais plus efficace, au début, lorsque Georg explique au petit la séparation, avec une espèce de douceur mêlée d'embarras, jouant à la fois sur le côté ambigu de la scène et sur l'émotion qui transparait à travers ce rapport qu'il a au passé. Symboliquement, il emmène le petit Georg partout, en fait, et c'est très touchant. Mais il ne sait pas trop non plus comment lui parler et ça, c'est touchant aussi, mais d'une autre façon.

KoseligMedPeis_Enfants
Et puis, il y a le reste de la famille, et notamment le rapport à Terje. Là encore, une relation fraternelle très réaliste, entre taquineries et confidences, deux adultes qui ont été enfants ensemble, qui ont pris des chemins différents mais qui sont encore liés, dans le fond. D'autant que Terje est vraiment un drôle d'animal, qui en essence vit devant son ordinateur, pour son grand projet multimédia... qui consiste en fait à se filmer en train de chier sur tous les drapeaux du monde, à commencer par le sien propre. Enfin, propre. Je me comprends.
Du coup inutile de vous dire au passage qu'entre le vieux grincheux schizophrène, le geek scatophile et le fiston qui s'est fait plaquer par une popstar, la mère devenue lesbienne, c'est presque la référence de normalité !

Ce qui m'a fascinée aussi, c'est d'avoir lu pendant que le pilote cagoulait (et ça a pris des semaines et des semaines, c'était interminable) que le créateur de la série avait été inspiré par Six Feet Under. Et vous, quand vous lisez un truc comme ça, instinctivement vous regardez l'épisode ensuite en cherchant les traces de cette paternité. Et là où je suis bluffée, c'est que j'arrive à comprendre d'où est venue l'inspiration (fils qui revient au bercail, famille fragmentée et étrange, mélange entre réalisme et éléments surréalistes), mais qu'à aucun moment je ne me suis dit "mais attends mais c'est trop Six Feet Under, ça !". Devant Borgen, c'est la même : l'équipe de la série n'a aucune honte à avouer de but en blanc que, oui, l'inspiration vient d'A la Maison Blanche, pour autant ce n'est ni une copie, ni une adaptation, et les sujets sont différents et abordés différemment.
En fait, c'est ça une fiction locale qui a réussi : savoir prendre l'inspiration, mais sans copier à l'identique. Je crois que c'est ça qu'on n'arrive pas à faire en France : quand on veut s'inspirer d'un truc, on a tendance à le copier bêtement en espérant qu'une polycopie fera le même effet que ce qui nous a donné l'idée. C'est faux. Et des séries comme Koselig Med Peis le prouvent bien : il y a une véritable personnalité, quelque chose de très intime dans l'histoire et la façon de la raconter, pour autant, le visionnage de Six Feet Under a peut-être déclenché un savoir-faire dans la narration, pour révéler une histoire qui aurait été sensiblement la même, je pense, mais avec peut-être moins d'outils pour la transmettre. Ce qui a été appris, c'est le moyen seulement, la technique.

KoseligMedPeis_Tandem
Je suis bluffée, en fait, d'avoir ressenti tant de choses, d'avoir vu tant de choses, alors qu'encore une fois, je n'avais pas de sous-titres. Il y a quelque chose d'universel dans cette histoire d'enfance à la fois perdue et retrouvée, dans le parcours de Georg qui n'est ni vraiment parti ni tout-à-fait revenu à la maison, et la réalisation intimiste, poussiéreuse, un peu jaunie mais incroyablement efficace, et rythmée comme il faut, permet de partager cette expérience avec lui.
Du coup inutile de vous dire que l'acquisition du DVD de Koselig Med Peis, je fais plus qu'y songer. J'en suis à envisager le moyen de paiement.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture (mais ça va aller en s'améliorant) : la fiche Koselig Med Peis de SeriesLive.
Pareil, elle est toute neuve cette fiche... c'est bizarre quand même !

13 avril 2011

Fossé des générations

Mildred, oh, Mildred. Ca y est, j'ai compris. J'ai mis le doigt sur ce que je n'aimais pas chez toi. Mais alors, vraiment pas !

Définir ce qui m'a plu a par contre été rapide : ton époque. Un délice de musiques, de vêtements et, surtout, quel bonheur, de voitures. Si j'avais vécu à ton époque, Mildred, j'aurais conduit une voiture (alors qu'à la mienne, vraiment, rien à faire). Une charmante petite traction avant toute rutilante... mais je m'égare.
Donc oui, pendant 5 épisodes, je suis essentiellement revenue pour ces petits éléments, ceux qui, dans la plupart des autres fictions historiques, ont d'habitude la particularité de me donner le sentiment qu'on a passé plus de temps à la reconstitution du cadre qu'à l'histoire, mais là, les voitures sans doute, toujours est-il qu'on ne m'a pas vue me plaindre. Les voitures, certes, mais aussi l'espoir de te revoir cuisiner, Mildred, comme dans le pilote, si ce n'est plus. Mais sur ce chapitre, mes espoirs ont été bien déçus.

MildredPierce_Head
Donc, Mildred, j'ai compris le problème de fond. C'est que tu es une faible.
C'est sans doute dur à entendre, désolée, mais le coeur du soucis est là.

Oh bien-sûr, ponctuellement, tu tapes du poing sur la table. Mais en général, c'est après avoir serré les dents un peu plus longtemps qu'à ton tour.
En fait, ce que je voudrais te dire, c'est que tu as infiniment plus de patience que la spectatrice que je suis. Bien que je ne sois pas sûre qu'on puisse encore parler de patience à ce stade. Sauter à la gorge de ta sale môme ? Si j'avais été à ta place, la série serait déroulée en prison dés le début du pilote. Détestable petite créature... Te débarrasser de ton profiteur d'amant ? Pardon mais tu as vraiment pensé avec ton entrejambe, sur ce coup. Et entre nous soit dit, il y a quelques personnes de ton entourage que j'aurais remises à leur place.

Est-ce un problème d'interprétation, ou d'écriture ? Ton personnage se bat pour s'en sortir, et pour progresser socialement, et pourtant il apparait comme faible, manquant de détermination, influençable, naïf. Et en fait, j'ai bien senti que tu t'étais donnée du mal, que tu avais travaillé dur à un moment, mais dans le fond, je n'ai pas saisi pourquoi. Pour satisfaire les désirs démesurés de ta fille aînée ? Parce que l'alternative, c'était de servir des tables toute la journée ? Tu n'as pas d'envie, pas de but, pas d'objectif bien à toi, tu n'avances qu'une fois qu'on t'a indiqué dans quelle direction le faire, en bon petit soldat. Si ce n'était pour Veda, jamais tu n'aurais construit ton petit empire ; la vérité c'est que sans cette odieuse gosse, tu n'aurais été capable de rien.

Mais je ne t'en veux pas, Mildred. Je crois que notre incompatibilité fondamentale vient des générations qui nous séparent. Mildred Pierce n'a pas connu la révolution sexuelle, les temps forts du féminisme, ou le girl power. Et je ne peux tout de même pas te reprocher d'être née à une époque que j'aime tant. N'avoir pas connu tout cela n'implique pas que tu devais nécessairement devenir une chiffe molle, et ça n'a pas été le cas, simplement il te manquait, pour prendre tes décisions, cette assurance et ces acquis sur lesquels moi, je peux à peu près compter.
Je crois que c'est en cela que nous différons, Mildred : les combats qui nous séparent, et m'autorisent à penser différemment, juste un peu, juste assez. Mais personne ne t'a appris à ne pas te laisser faire, Mildred, et c'est pour ça que tu ne réagis (excessivement, bien-sûr, comment en serait-il autrement ?) que quand la couple est vraiment pleine, et que tu ne peux plus prendre sur toi, plus regarder ailleurs, plus serrer la mâchoire, plus articuler un soupir pour éviter le conflit.
Tu es faible à mes yeux, parce que d'une certaine façon, tu étais seule. Indépendante, intelligente, et en phase avec tes désirs de femme : pas une chiffe molle, je l'ai dit. Mais il te manquait les clés.

Alors, tout bien réfléchi, je ne suis pas si fâchée que ça. J'ai presque de la tendresse pour toi, et j'apprécie que tu nous aies dévoilé ces quelques années de ta vie, nous montrant honnêtement le parcours d'une femme qui n'était ni complètement soumise, ni tout-à-fait une battante, pas une femme pleine d'audace et de détermination prête à retrousser ses manches pour faire ce qu'elle a décidé quoi qu'il arrive, juste une femme qui n'allait quand même pas se laisser aller, mais qui n'avait pas l'âme d'une courageuse. Une femme comme il y en a tant, qui a dû faire avec les circonstances, et qui a fait du mieux qu'elle pouvait.

Oui, souvent, tu m'as irritée. Mais finalement, je voudrais en voir plus souvent à la télévision, des héroïnes comme toi. Des femmes qui ne sont pas des warriors, des Catherine Courage qui ont un but dans la vie que rien ne saurait en détourner, des femmes fortes et charismatiques, assurées et ambitieuses pour elles-mêmes, qu'on a envie d'admirer.
Mais qui ont un je-ne-sais-quoi de "trop" fort pour être vraies.

Il y a eu bien plus de Mildred Pierce qu'il n'y aura jamais de Buffy Summers.
Ou de Veda Pierce.

MildredPierce_Veda
Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Mildred Pierce de SeriesLive.

9 avril 2011

The Spy Next Door

La seule chose dont je me rappelais, à propos de Breaking In, avant d'en lancer le pilote, c'était d'avoir lu Dieu sait où qu'il s'agissait d'un InSecurity américain. Certes, je m'intéresse à peu de projets, préférant généralement l'effet de surprise, mais en plus je vous avoue que je confondais un peu avec Breakout Kings. Et quand on voit la gueule du pilote de Breakout Kings, eh bah ça donne pas envie de pousser plus loin les investigations !

BreakingIn
Je ne sais plus qui a avancé cette analogie avec InSecurity, donc, mais on fait difficilement plus exact. En cela que Breaking In reprend un thème similaire (quoique pas absolument le même non plus), que c'est assez efficacement troussé... mais que ça manque quand même d'âme. On s'y amuse vaguement des blagues, mais sans grande conviction. Tout ça n'est pas naturel, il n'y a pas de fantaisie, et si peu de réelle originalité !
Bien-sûr, InSecurity n'est pas parfaite non plus, loin de là. Mais son humour est aussi teinté d'une sorte de sincérité touchante, comme pour nous dire que ce qu'on va voir n'est pas hilarant, mais c'est pas grave, on n'a jamais voulu nous épater, juste nous faire passer un bon moment sans se prendre la tête. Breaking In se donne au contraire un mal fou. Trop de mal. Christian Slater et les grosses cylindrées donnent l'impression qu'il faut en rajouter pour nous impressionner, or c'est tout le contraire : qui peut le plus, peut le minimum. Je serais impressionnée si la série acceptait de se passer de cette esbroufe.

Il y a toutefois de bonnes idées, notamment dans le renversement d'un certain nombre de clichés. Et pour un investissement assez limité de 30 minutes par semaine, je pourrais bien tenter de rester, pour voir si ce sont ces bonnes idées qui vaincront, ou si les "petites scènes à gros moyens", ni drôles ni utiles, mais sortant l'artillerie lourde, l'emporteront sur l'humour, pour faire de Breaking In un festival de blagues beauf autour des voitures, des outils high-tech et des filles belles mais dangereuses.

Peut-être aussi que Breaking In, dans le paysage des comédies américaines en single camera, était une trop grosse prise de risque, et que c'est cette crispation qu'on ressent dans le pilote. Comme s'il avait fallu penser à ajouter artificiellement tout un tas d'éléments permettant à la série de ne pas sembler trop imperméable au public, comme s'il fallait faire ces concessions pour obtenir la commande d'une saison. Accordées à contre-coeur, elles donnent l'impression d'un manque de naturel qui a peut-être une chance de s'estomer ensuite. C'est ce sur quoi je mise quand je dis que je tenterai peut-être encore un peu le coup, mais s'il n'y a pas de changement, alors vraisemblablement ça n'aura rien à voir avec des concessions.

J'ai envie, donc, de laisser une chance à Breaking In. Son côté totalement barré mais un peu particulier me rappelle, dans une moindre mesure, les univers étranges de The War Next Door ou Manhattan, AZ. Il y a quelque chose de décalé dans ces séries qu'on ne trouve pas chez les autres du même format. Un côté un peu kamikaze, peut-être, et une espérance de vie à l'avenant... Le pilote de Breaking In m'a moins fait rire que les séries sus-mentionnées, qui sont de véritables classiques de ma téléphage-o-thèque, mais j'ai quand même envie de tenter le coup. Mais si je ne suis pas convaincue après le deuxième épisode, par contre...

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Breaking In de SeriesLive.

1 avril 2011

All about Reed

C'est difficile de s'attacher à une série au fil des semaines, pour finalement n'en dire que du mal. Ca ressemble un peu à une trahison. On aimerait pouvoir être positif... après tout, on vient de regarder toute une saison, à rire et parfois pleurer avec les personnages, à guetter chaque semaine les épisodes et à se montrer fidèle, et régulier (une qualité téléphagique par laquelle, qui plus est, je ne brille pas). Alors au final, pourquoi avoir été là, devant ces épisodes, plutôt que devant d'autres ? Il devait bien y avoir une raison mais là tout de suite, elle ne nous apparait pas. On ne peut même pas dire qu'il s'agisse d'une raison honteuse, mais simplement on ne voit pas trop comment défendre l'indéfendable.

Je me retrouve dans cette épineuse et un peu triste situation avec Fairly Legal. Pendant 10 semaines, j'ai été présente aux côtés de Kate, mais à l'heure du bilan, je n'ai pas envie de mentir : il n'y a pas grand'chose dans la série qui ait justifié cela.
A part, précisément, mon attachement.
Si la personnalité pétillante de Kate a instantanément ravi mon coeur, c'est progressivement devenu la seule raison pour laquelle je revenais.

Concrètement, Fairly Legal a tout faux. Le soi-disant fil conducteur de la saison n'est qu'un coup d'épée dans l'eau, une esbrouffe qui se révèle stérile aussi bien dramatiquement que sur le plan de l'évolution de l'histoire ni de l'évolution du personnage de Kate. La relation conflictuelle avec la belle-mère n'évolue pas ; pire, Lauren est un personnage qui s'appauvrit après avoir dans un premier temps montré des signes prometteurs sur ses différentes dimensions. La relation à l'ex-mari Justin piétine et effectue de constants aller-retours, perdant toute crédibilité au passage et ne surprenant ni n'émouvant plus au bout d'un coup de grisou par épisode. Même la mini-histoire amoureuse de Leo n'aboutit pas.
Tout ce qui pourrait apporter à la série richesse et profondeur se montre incapable de tenir sur la longueur. Un comble pour des éléments feuilletonnants !

Le problème n'est pas le ton ultra-léger de la série, il n'est pas nécessaire d'être sombre pour obtenir de bonnes intrigues. Mais il faut du courage, et de la constance, deux qualités qui font cruellement défaut à Fairly Legal, et qu'illustre bien le final de la saison, où les deux dernières scènes sont en décalage total l'une avec l'autre.
Pas de questionnement sur la Justice, les limites de la médiation, ou les implications de certains cas abordés ? Je peux en faire mon deuil. Mais la résistance de la série au test du temps, lorsqu'on accepte de se distancier du plaisir immédiat de la présence de Kate à l'écran, cela j'ai du mal à le pardonner.
On a pu entendre que c'était typique des séries d'USA ; il me semble pourtant que Royal Pains, par exemple, se débrouille bien mieux dans ce domaine. Et que la futilité du propos, surtout, ne devrait pas signifier que l'écriture ne soit pas solide.
Ce qui m'ennuie, ce n'est pas de regarder une série légère, c'est d'avoir l'impression que son élaboration est prise à la légère.

Et pourtant j'ai adoré ces 10 épisodes passés avec Kate Reed. Et j'ai pleuré à chaudes larmes lorsqu'elle s'est pris un revers. Tout au long de l'épisode, j'ai senti monter son épuisement. Mais que, pour un bon mot final, une image de fin rigolote et encore, la série se refuse à assumer les directions prises, me semble impardonnable ! La sympathie et l'empathie ne suffisent pas, non plus que le culte de la personnalité de l'héroïne, pour satisfaire nos besoins téléphagiques primordiaux...

FacingKate
"I'll be back !"
Très franchement, Kate, je ne sais pas encore si j'en ferai autant.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Fairly Legal de SeriesLive.

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23 mars 2011

Grandeur et décadence

Difficile de savoir sur quel pied danser avec Malenfant, une mini-série québécoise en quatre épisodes qui s'est achevée jeudi dernier et qui se base sur la vie de Raymond Malenfant, l'un des entrepreuneurs les plus médiatiques de la seconde moitié du XXe siècle.

Mais avant de vous parler de la série elle-même, laissez-moi vous parler d'abord de l'étonnante expérience que cela peut être que de regarder une série à vocation historique québécoise. Il n'y a pas, ou disons presque pas, de barrière de la langue. Du coup on peut être conduits à penser qu'on comprendra tout ; c'est une erreur qu'il ne faut pas faire.

Lorsque j'avais regardé la première saison de Mirador, à la fin de l'année dernière (et maintenant j'en ai pour plusieurs mois à attendre la deuxième saison, d'ailleurs...), je n'avais pas autant été frappée par ce phénomène. Tout simplement parce que les différences culturelles qui pouvaient exister étaient minimes, et n'avaient pas vraiment d'incidence sur l'intrigue. Mais dans le cas présent, j'ai réalisé, pour la première fois, que regarder une série francophone n'impliquait pas de la comprendre réellement.
On a tellement l'habitude d'assimiler la différence culturelle à la langue que quand on regarde une série en français, on s'attend à ne rencontrer aucun obstacle. Pourtant, j'ai dû me rendre à l'évidence : Raymond Malenfant a certainement fait bien du raffût en son temps, mais je n'avais pas le moindre embryon d'idée de qui il était en lançant le pilote. C'était à la fois excitant, pour l'aspect découverte, et effrayant, parce que je n'avais aucun outil pour prendre du recul sur ce biopic, finalement. Mais je me suis lancée, décidant d'aller me documenter une fois le visionnage de la série achevé, découvrant l'histoire telle qu'on avait voulu me la livrer, quitte à la nuancer ensuite avec des éléments non-fictionnels que j'irais chercher. C'était un pari comme un autre ; c'est peut-être ça aussi que je cherche quand je lance le pilote d'une série étrangère, allez savoir.

Malenfant
Alors Malenfant, finalement, de quoi ça parle ? Si comme moi vous ne connaissez pas le personnage, la série se charge d'en dresser un portrait plus que détaillé. Raymond Malenfant est un homme ambitieux, un self-made man qui part du bas de l'échelle pour bâtir un empire immobilier. Dévoré par son envie de réussir, il va connaître la richesse et le pouvoir qu'apporte cet argent... mais aussi ensuite tout perdre. Loin d'être un sujet pour faire rêver sur les miracles qu'on peut accomplir quand on se donne du mal et qu'on travaille dur, l'histoire de Raymond Malenfant est plutôt une fable sur l'ambition et la folie des grandeurs, au bout du compte.

C'est avec un luxe infini de détails que la série s'attache à montrer son personnages avec un maximum de relief. Ambitieux, oui, mais pas mauvais homme. Et finalement, plus qu'un bête biopic qui s'intéresserait à retranscrire sa trajectoire, Malenfant parle de son personnage principal presque avec admiration, comme si, en écrivant, l'auteur avait réussi à approcher toute l'humanité de la personne, avec ses qualités comme ses défauts, et s'était attaché à lui ; la tendresse n'empêche pas la critique, parfois acerbe, de l'ambition, l'orgueil et l'obstination de l'entrepreneur, mais permet de ne jamais oublier l'homme derrière.

A la lecture de la biographie de Raymond Malenfant (comme par exemple, pour commencer, du côté de Wikipedia), toutefois, un bémol surgit : la série indique être "librement adaptée" de la vie de l'homme d'affaires, elle est en fait bien souvent dans la totale réécriture. Romançant un peu plus qu'à son tour, Malenfant pose la question : à quel point une série sur un personnage ayant vraiment existé a-t-elle le droit de prendre des libertés ? Si je n'ai jamais été partisane de l'exactitude documentaire pour les séries historiques, il faut tout de même admettre que changer certains éléments du tout au tout, au-delà de la simple volonté de dramatisation, est un peu perturbante. Par exemple, il me semble tout-à-fait acceptable de prétendre que Colette était Madame Malenfant, alors qu'en réalité elle a toujours conservé son nom de jeune fille ; ça ne prête pas à conséquence, c'est typiquement un élément qui permet simplement de servir le récit, et notamment de renforcer le lien extrêmement puissant qui lie les deux personnages, l'attachement sans borne de Malenfant à sa compagne faisant partie des tours les plus touchants que peuvent prendre les explorations du personnage. Par contre, changer la chronologie, voire même zapper sciemment une bonne décennie de la vie de la famille Malenfant (les années 90, comme passées en avance rapide par la toute fin du dernier épisode, alors que c'était au moins aussi intéressant, mais forcément moins glamour), donne à penser que certaines questions sont restées taboues, et qu'on a préféré taire les zones d'ombre plutôt que de tenter de les éclairer un peu. Ca refroidit un peu, ce petit manque de courage.

Mais il n'empêche. Servie par une bonne écriture, une grande fluidité dans le passage d'une époque à une autre (plus que tout sensible dans le pilote), et un cast impeccable, au premier rang desquels les interprètes du couple Malenfant, la série éponyme a tout de même beaucoup de mérite par elle-même, celle de montrer un personnage qui n'est ni un monstre, ni une victime, juste un homme quelque part entre les deux, qui a tout construit par sa seule volonté de se sortir de la misère, et dont au final le mental d'acier a causé la perte, mais qui reste un être humain touchant de sincérité (la dernière petite scène tendant à nous laisser conserver cette image). C'était donc une bonne mini-série que Malenfant, et au diable l'exactitude historique !

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Malenfant de SeriesLive.

22 mars 2011

We're not quite there yet

Des blogs téléphagiques pour vous reviewer le pilote de Breakout Kings, vous en trouverez facilement ; certes, celui que vous avez actuellement sous les yeux n'en a pas fait partie, du fait du rythme de publication hebdomadaire et tout simplement de mes envies. Mais en tous cas, ça n'a pas manqué, et si les 720 news sur le pilote, la commande de la série, le casting, les guests, la diffusion et les trailers ne vous ont pas fait penser à vous intéresser à Breakout Kings, les reviews s'en sont chargées, et nul ne peut ignorer l'existence de cette série. Que vous choisissiez ensuite de regarder ou non vous appartient, mais en tous cas, ce choix est informé. C'est le cas de bien d'autres séries américaines, et on a souvent l'impression de savoir, maintenant, tout ce qui (se) passe outre-Atlantique.

Et pourtant, non. Pour vous parler du pilote d'une série ayant démarré en janvier sur BET, désolée de vous le dire mais il n'y a pas grand'monde. Je ne lis peut-être pas les bons sites/blogs, c'est possible aussi, mais il me semble néanmoins que les téléphages tenant un blog ont, comment dire ? Une sorte de mémoire sélective... C'est un peu le même problème que pour l'information, en fait : on veut bien vous faire des news à la pelle sur les séries que tout le monde connaît, mais hors de question de faire une news sur une série peu connue (exception soit faite des audiences et parfois des diffusions, d'ailleurs encore une fois, on ne le dit pas assez, merci à Critictoo qui s'efforce de laisser moins de poissons échapper aux mailles du filet).

Eh bien pour les reviews c'est pareil. Personne ne peut prétendre à l'exaustivité, mais force est de reconnaître que peu s'y emploient vraiment.

C'est totalement par hasard que je suis tombée sur une cagoule du pilote de Let's stay together. Là où je l'ai trouvée, j'étais venue y chercher tout autre chose. Mais je tombe sur ce lien et je me dis "diantre, un pilote américain récent dont j'ignorais l'existence", et je ne me vois pas ne pas cliquer, voyez-vous, c'est dans ma nature de pilotovore de ne pas résister.
Je sens bien, en regardant la photo de promo, ou ne serait-ce que vu la chaîne sur laquelle cette série est diffusée (BET, pour Black Entertainment Television, on fait difficilement plus explicite), que je ne suis pas dans son public-cible. Je sais aussi que la plupart de ces comédies ne partagent pas... ma conception de l'humour, dirons-nous. D'un autre côté, je suis blanche (et même pas une américaine blanche), alors culturellement ça s'explique. Mais enfin, est-ce une raison ? Alors je clique, enrageant de savoir que ce pilote a été diffusé en janvier et que je n'en savais même rien.

Ah ça, il n'y a pas grand'monde pour reviewer, ne serait-ce qu'au stade du pilote quitte à laisser tomber ensuite, des séries comme Let's stay together, Are we there yet?, Meet the Browns, House of Payne et toutes ces comédies tellement ciblées que, oh bah écoutez, on va pas en parler, on n'est pas concernés (ce qui me fait vraiment penser qu'il n'y a que des blancs dans la blogosphère téléphagique).

Les séries que nous ignorons plus ou moins délibérément en disent sans doute autant que celles auxquelles nous choisissons d'accorder du temps (et de l'espace sur nos sites et blogs), finalement.

LetsStayTogether
Let's stay together est-elle un bijou insoupçonné à côté duquel la communauté téléphagique francophone est tristement passée ? Je vais pas vous raconter des conneries : non, mais elle est définitivement dans la moyenne supérieure comparée à la plupart des séries que je viens de citer (ya que dans ses rêves que TBS est "very funny").
Je partais, finalement, avec un certain a priori négatif dû à mes expériences précédentes, souvent malheureuses comme les tags de ce post en attestent, et je m'attendais en toute sincérité à ne pas rire du tout. Ajoutez à cela que j'étais quand même un peu fâchée par le facteur "il y a les séries dont on veut bien parler, et il y a les autres", et vous avez une idée de mon humeur en lançant le pilote, que je m'apprêtais à regarder sur la seule base du principe que merde, si je ne suis curieuse que pour les trucs alléchants, c'est trop facile, et que c'est pas parce que personne n'en a parlé que je ne vais pas me faire une opinion.

Eh bien, figurez-vous que j'ai souri une fois ou deux, et même ri, une fois. Une seule, d'accord, mais c'était un rire franc, pas un petit rire genre "ouais allez, accordons-leur ça", un peu condescendant, qu'on accorde à une comédie qui se donne du mal, peut-être un peu trop, mais qui n'a pas totalement atteint son but.

Et finalement, c'était au moins aussi "exotique" que de regarder un épisode d'Outsourced ou de The Circuit. On sent un grand attachement à une subculture américaine qu'au bout du compte, à bien y réfléchir, on connait mal, et où les rôles de l'homme et de la femme (puisqu'il s'agit d'une comédie basée sur la vie amoureuse de 5 personnages) sont codifiés de façon différente par rapport aux protagonistes auxquels nous sommes habitués dans d'autres séries moins ciblées.

C'est vrai, c'est le genre de série où les acteurs ont légèrement tendance à surjouer (mais le surjeu, parfois ça peut fonctionner, après tout). Il est bon de noter que : pas tous. Les persos masculins, en particulier, m'ont bien plu, ils avaient quelque chose de moderne pour une comédie de ce genre ; j'ai craint un côté un peu macho qui en fait ne s'est jamais présenté, pas de clownerie exagérée non plus, juste deux personnages masculins pris dans des contradictions - et parfaitement à l'aise avec le fait de les montrer, et donc d'afficher une certaine vulnérabilité sans s'excuser, mais sans les masquer pour paraitre plus viril. C'est quelque chose qui est appréciable même sans parler du public ciblé auquel la série est destinée, et qu'on ne voit pas tant que ça dans un sitcom aussi classiquement réalisé que celui-ci (quand Better With You, par exemple, et que pourtant j'adore pour d'autres raisons, fait régulièrement la gaffe de tourner en ridicule la moindre faille de virilité de ses personnages masculins, et notamment Ben ; c'est une des facilités qui m'agacent un peu chez cette série à l'occasion).
Quant aux personnages féminins, qui sont plus irritants de mon point de vue de nana pas très gonzessifiée, elles présentent au moins l'avantage d'être des modèles différents de ceux qu'on voit dans la plupart des autres séries (un aspect qui, quitte à passer par tous les clichés possibles sur les afro-américains, est récurrent dans ce type de séries, où les femmes ressemblent à des femmes et pas à des mannequins, tout en étant légèrement au-dessus du niveau de la femme de la rue histoire de quand même apporter une touche de glamour). Ce sont d'ailleurs elles qui offrent les plus grosses impressions de fossé culturel, avec l'attention exagérée qu'elles portent à certaines choses, comme dans l'histoire de la bague de fiançailles. Il y a un côté Bridezilla chez la réaction des filles vis-à-vis de cette bague... et en ne tournant pas non plus ces personnages-là en ridicule (une tentation à laquelle Damon Wayans n'aurait pas résisté, tel que je le connais, par exemple), la série valide à la fois ma théorie selon laquelle c'est culturel et donc parfaitement acceptable pour le public regardant la série, et mon impression d'une nuance dans cette série, en tous cas plus que dans la plupart des autres de son genre.

En regardant ce pilote, j'ai donc voyagé dans un endroit des Etats-Unis que je connais mal, où on n'applaudit pas mais où on claque des doigts, où les restaurants sont fréquentés uniquement par des noirs... mais qui est aussi curieusement confortable parce qu'ultra-codifié, tout en s'autorisant quelques petites touches d'innovation et de subtilité çà et là. Et avec, donc, une scène vraiment drôle, ce qui n'était pas garanti au départ, la plupart des autres scènes se contentant d'être sympas, sans plus.

Non, Let's stay together n'est pas une perle. Ce n'est pas la série dont il faudrait que tout le monde parle mais à laquelle pas assez de monde ne prête attention (c'est Portlandia, ça...). Mais quelque part, ça remet les idées en place, ce genre d'expérience. Ca rappelle que même pour se tenir au courant de ce qui se fait aux USA, rien n'est acquis, et il y a encore des angles morts.
Si ce n'était pas une série indispensable, pourquoi m'être donné la peine d'en parler, me direz-vous ? Surtout quand ça me demande de faire un effort dans mon rythme de publication, revenu à "un post chaque vendredi. Minimum". Eh bien... c'était un pilote (raison n°1), un pilote récent (raison n°2), et enfin, un pilote sympathique (raison n°3). Donc ne pas en parler, quelque part, ç'aurait été dommage. Et puis, parfois il n'y a pas besoin d'aller chercher au Brésil ou en Pologne des séries à (faire) découvrir, et c'est pas plus mal de se le rappeler une fois de temps en temps.

Let's stay together, ce n'était pas extraordinairement bon, mais ce n'était pas du tout mauvais. Il fallait simplement le regarder pour le savoir. J'espère vous avoir convaincus d'aller vérifier par vous-mêmes, vu que vous ne pouvez pas compter sur les autres pour vous tenir au courant de tout.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Let's Stay Together de SeriesLive.

18 mars 2011

Il n'y a qu'un pas

Ce qu'il y a de formidable avec les découvertes, c'est que par définition, ça ne s'arrête jamais.
Investie par l'un de vous d'une mission épineuse, me voilà à farfouiller le net en quête d'une série... irlandaise. Une première. Pour l'instant, je n'ai pas trouvé le pilote de Raw, ma cible désignée, mais chemin faisant, je suis tombée sur Love/Hate, une série de 4 épisodes écrite par le même scénariste, et diffusée à l'automne dernier sur RTÉ.

L'Irlande... pourquoi n'étais-je pas encore allée trop fouiner par là-bas, déjà ? Ah, j'y suis : les accents. Ouh, nom d'un chien...!
Bon, mais à part les accents ? Pas une seule raison ne me vient à l'esprit pour éviter les séries irlandaises, et donc, ça tombe bien, j'ai cliqué sur Love/Hate, d'abord parce que ça ne dure que 4 épisodes, donc si vraiment c'est mauvais, dans le pire des cas, je suis tirée d'affaire en 4 heures (bien que nous sachions tous qu'en réalité je n'attends pas si longtemps dans le cas où le pilote est miteux), et en plus, le résumé disait : avec Aidan Gillen. Et là comment vous dire ? J'ai oublié de lire la suite avant de cliquer.

Il faudra pourtant s'armer de patience avant de voir Aidan Gillen débarquer dans cet épisode, mais quelle n'a pas été ma surprise lorsque j'ai reconnu un autre visage... puis un troisième ! Vous vous rendez compte que vous commencez à trouver vos repères lorsque vous en êtes à votre troisième "bah merde alors !!! salut, toi !"...
Patience récompensée, donc, car voici quels sont ces deux autres visages :

LoveHate_2 LoveHate_3

Deux acteurs de Misfits dans une même série, c'est pas mal quand même, non ? Pis pardon, mais Robert Sheehan est franchement impossible à ignorer ; il est lumineux, il vole toutes les scènes, il n'y en a que pour lui, c'est fou ! En tant que Nathan, il est drôle et plein d'énergie, en tant que Darren, il est écorché vif et terriblement attachant. Je préfère amplement Darren, mais je ne vous empêche pas d'aller en juger par vous-mêmes.

Bon mais alors, passé le générique, de quoi parle Love/Hate ? Eh bien, exactement de ça. D'un mélange brut d'amour et de haine, de tendresse et de violence. Nos protagonistes sont des gangsters, et lorsque l'un d'entre eux est abattu en pleine rue, la famille endeuillée du défunt se retrouve pour pleurer, mais on commence aussi à parler vengeance.
Il parait que l'idée de la série est venue à son créateur lorsque celui-ci a lu des messages sur divers réseaux sociaux, suite à la mort de gangsters. Le contraste entre la vie de violence et la vie familiale lui est apparu comme intéressant. Je souscris complètement, et j'ajoute que la douleur est extrêmement bien retranscrite. En fait, rarement un épisode aura aussi bien parlé de deuil que le pilote de Love/Hate ; loin de se focaliser sur les guerres de gangs irlandais, le pilote s'attarde sur les obsèques en y consacrant près d'un tiers de son temps.

L'idée, ce n'est pas de se lancer encore une fois dans une démonstration de violence, d'escalade et de baston, après tout on l'a déjà tant vu ! Non, le but du jeu, c'est de nous faire pleinement prendre la mesure du prix à payer. On nous l'a sorti suffisamment longtemps, le refrain des gangs qui vont s'entretuer tout en enterrant leurs morts, sur fond de lutte de pouvoir et de fierté mal placée. Love/Hate mise sur un côté plus humain, la vraie question dramatique, et pas juste sur le spectacle excitant des flingues quipétaradent et des règlements de comptes dans des ruelles sombres.

Car avec Love/Hate, pas de grand spectacle. Tout simplement parce que nos gangsters sont, du moins en majorité, des petits rigolos. Ce sont des petites frappes, pas du tout de gros caïds. Ils vivent en marge de la loi, mais ils n'ont pas la gloire de Don Vito Corleone, et même pas la barraque de Toni Soprano. Ils se rêvent en gros durs, mais l'épisode commence alors que l'un d'entre eux s'entraine à monter son flingue devant Youtube ! Ce sont juste des mecs qui ont mal tourné, mais pas au point d'être devenus importants dans leur milieu, même pas au point de faire peur. Love/Hate s'essaye à une forme de réalisme que j'ai rarement observée lorsqu'on parle de gangsters, où les gens malhonnêtes n'ont pas forcément le mal ancré en eux au point que ça les porte vers une vie excitante et glamour. En cela, le casting est bon, d'ailleurs, parce qu'avec leurs grands yeux, on comprend bien que nos gaillards sont relativement inoffensifs. Mais ils sont tout de même armés, et tout de même dans l'illégalité. J'ai énormément aimé cette ambiguité.

La réalisation joue aussi sur cette contradiction, mais je ne sais pas à quel point c'est à dessein. La musique est souvent outrancière, le premier des trois actes qui constituent le pilote est tourné comme un thriller, presque comme un film d'angoisse, limite d'horreur, les musiques sont à l'avenant, le sentiment d'oppression est constant et donc perd vite son effet, les premières scènes tentent de nous indiquer qu'un évènement terrible va se produire mais l'évènement ne se produit qu'à la 12e minute... On se demande un peu pourquoi ce pilote s'excite autant. Et puis arrive le second acte, justement, et là on est dans l'excès inverse : c'est extrêmement long, on a une impression de silence, de longueur... c'est d'ailleurs très bien comme ça, ça colle parfaitement aux obsèques, dont on ne nous épargnera rien. Le troisième acte, dédié à la réception donnée au pub suite aux funérailles, reprend un peu des deux univers présentés dans les précents actes, comme une synthèse un rien plus équilibrée de deux facettes de la série.

LoveHate_1J'ai déjà fait ce rêve étrange et pénétrant... tiens, je me referais bien volontiers le pilote de Queer As Folk.

Si on se doute qu'il va être question de vengeance ensuite, et que le "parrain" local (Aidan Gillen, ENFIN !) va certainement passablement contribuer à compliquer la vie de tout ce petit monde (parce qu'un personnage porté par le regard d'Aidan Gillen semble voué à une certaine forme de perversion), et qu'il va être difficile de faire taire le désir de "justice" qui anime les protagonistes, il est appréciable de voir ces personnages évoluer avec les femmes de leur vie, les enfants qu'ils ont eu (ou vont avoir) avec elles, et les liens du sang qui les lient. Il y a quelque chose de profondément humain chez Love/Hate qui en fait une histoire radicalement différente de celles que j'ai pu voir précédemment. Mais il faut dire que je ne suis pas fan des gangsters en général.

Vous savez quoi ? A la fin du mois, tout ce petit monde se lance dans le tournage de la saison 2 (eh non, ce n'était pas une mini-série, il y a vraiment des endroits où on commissionne des aisons de 4 épisodes !), ce qui signifie que rendez-vous est pris, le temps que je termine la première saison. Et pourtant, comme je le disais, je ne suis pas fan des gangsters en général.
J'ai juste encore un peu de mal à me faire au rythme des séries outre-Manche, avec ces saisons si courtes et tellement espacées (ce qui ne serait pas un problème si elle n'était que l'un ou que l'autre, mais l'accumulation a tendance à m'agacer). Cependant, une chose est sûre : je commence petit-à-petit à y prendre mes habitudes.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Love/Hate de SeriesLive.

11 mars 2011

Danse macabre

Laid
Alors même qu’il y a quelques semaines, je prenais de la distance avec… plein de choses, en fait… débutait la série australienne Laid, à laquelle j’ai fini par consacrer du temps il y a quelques jours à peine.
Il faut dire que le principe était assez peu alléchant, la série revenant sur le passé (et donc le présent) sexuel d’une célibataire trentenaire. Inutile de dire que, quand déjà la motivation manque pour d’autres choses, trouver en soi la force intérieure de se lancer dans une série au sujet si convenu relève de la gageure. Avec combien de célibataires à la vie plus ou moins catastrophique nous faudra-t-il compatir avec qu'on trouve un sujet plus original ?

Et pourtant, force est de reconnaître que Laid a le potentiel pour offrir quelque chose de différent… mais il faudra attendre la fin du pilote pour s’en rendre compte. Et c’est sans doute là le plus gros défaut de la série pour le moment.

Tout commence donc quand Roo, l’héroïne, apprend que l’un de ses ex vient de passer l’arme à gauche. Enfin… « ex », si on veut : elle admet bien volontiers n’avoir couché avec lui que deux fois, à l’université, et n’avait pas renouvelé l’expérience au vu des performances plus que médiocres du jeune homme. Mais enfin, voilà : il est décédé, et ça lui fait quand même un petit quelque chose. Roo commence donc à développer une espèce d’obsession, ressassant inlassablement ses quelques souvenirs (et puisqu’ils ont tous en commun de dresser un portrait très peu flatteur du garçon en question, leur évocation a donc tendance à paraitre déplacée vu les circonstances), et allant chercher sur internet des renseignements sur ce type qu’elle n’a pas vu depuis 10 ans, et dont elle découvre soudainement l’intimité.
Avec son ton de dramédie à l’humour pince sans rire, Laid ne fait pas grand’chose pour se démarquer du lot de dramédies similaires qu’on a l’impression d’avoir vues dix fois (pas forcément à raison, mais l’impression n’en est pas moins persistante). On sent bien que Roo va continuer de se retrouver dans des situations impossibles qui vont faire ressortir ses traits de caractère les moins flatteurs, et pourtant, totalement naturels et compréhensibles, nous donnant l’occasion de la trouver profondément imparfaite, pas forcément attachante, mais en tous cas, humaine. Quelle serait votre réaction, après tout, si vous appreniez que le type qui est resté dans votre mémoire comme votre plus mauvais coup, n’avait cessé de penser à vous pendant tout ce temps ?

Complètement déboussolée, le parcours de Roo va aller de Charybde en Scylla, et si ça ne provoque pas l’hilarité (c’est bien trop proche du côté humiliant de séries comme The Comeback, où l’héroïne s’entête dans un comportement qui va nécessairement mal tourner), au moins c’est relativement divertissant.

C’est donc la chute de ce pilote de 30mn (oui, autant dire que c’est un peu longuet) qui va nous faire comprendre qu'en fait, on a largement dépassé l'habituelle série misérabiliste sur la nana qui n'arrive pas à trouver chaussure à son pied mais qui va se rendre ridicule à force d'essayer. Je vous donne le retournement de situation ? Disons simplement que cet ex qui est décédé n'est pas le dernier cadavre de son entourage... Je n'en dis pas plus mais sur les dernières minutes, l'humour noir se développe à pleine puissance et, aussi macabre et dérangeant que ça puisse être, c'est là que Laid devient jouissif.

Alors à la fin du pilote, la question qui se pose, c'est de savoir à quel point Laid va tirer partie de son univers morbide, et se tourner vers le feuilletonnant en exploitant cette étonnante direction, ou si la série va, dans l'épisode suivant, simplement aborder un autre sujet en rapport avec l'histoire amoureuse de Roo. Je vous avoue que j'ai une nette préférence pour la première option, mais vu que la fiction australienne est rugueuse, difficile d'en être sûre avant d'avoir regardé. Car oui, en dépit de la sensation de malaise et des scènes parfois un peu trop attendue qui jalonnent ce pilote, j'ai décidé de voir la suite. Comme quoi finalement, tout n'est pas complètement mort...
Tiens, pis faites-moi penser à vous parler du générique une prochaine fois.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Laid de SeriesLive.

25 février 2011

Innocent no more

Difficile de ne pas regarder Harry's Law sans éprouver une certaine tendresse complice, teintée d'admiration. On y retrouve un David E. Kelley à la patte reconnaissable entre mille, et pourtant en pleine mutation. Je n'ai pas lu que des compliments sur cette nouvelle série, et après avoir formulé moi aussi mon lot de critiques et de louanges, j'avais envie de revenir sur les 6 premiers épisodes diffusés par NBC, et "réhabiliter" cette série qui est loin d'avoir fait l'unanimité depuis son lancement.

Plaidoyer_2

Historiquement, Kelley a toujours semblé vivre une relation d'amour/haine avec les sujets de société : ses séries sont construites autour d'un seul postulat, celui qui permettra d'aborder un maximum de thèmes en les intellectualisant, et en les confinant à l'absurde dans le même temps. Pour cela, il choisit un cadre confortable, protégé, au sein duquel il peut s'ébattre et s'adonner à son petit jeu de joutes d'idées et de répliques cinglantes. Mais ses séries souffrent précisément, sur le long terme, de la façon dont elle sont conçues : à trop chercher à disserter impertinemment sur mille choses, l'exercice devient à la fois ridicule et conventionnel. Il devient difficile de se heurter à la réalité du monde que Kelley cherche à commenter, quand il enferme ses personnages dans des tours d'ivoire clownesques ! Plus que la "Kelleyrisation" de leur cast, c'est ce qui perd systématiquement ces séries : une évolution vers une déconnexion du réel, alors que l'idée de départ était de se confronter à des sujets sensibles et/ou polémiques pour en décortiquer les tenants et les aboutissants.

Chaque fois que Kelley se lance dans une série (et qu'elle survit à la dure loi des annulations prématurées), on retrouve ce même vœu pieu. Et on attend de voir combien de temps les bonnes résolutions vont durer.

Plaidoyer_3

Mais cette fois, c'est promis : ce sera différent. Harry's Law est une tentative de sortir du schéma habituel tout en exploitant ce qui a fait le succès de Kelley. Et surtout, Harry's Law transpire l'humilité. Une humilité qui ne passe pas par l'auto-flagellation (qui serait pourtant tentante), mais qui s'exprime simplement par un aveu honnête des limites du système Kelley, et des tentatives pour en sortir.

Kelley/Korn : même combat.
Les deux se retrouvent dans une situation dans laquelle, malgré leur expérience et leur assurance, ils manquent de repères. Kelley tente de se frotter à des réalités que jusque là il avait peu voire pas abordées, et des thèmes qu'il avait laissés sans discuter à la concurrence, comme la question des quartiers et les thématiques attenantes de violence, de pauvreté et de gangs. Le monde parfait de Kelley n'envisageait ces choses que de façon lointaine, quand il fallait défendre un dealer ou se débarrasser d'un personnage. Le reste du temps, tout n'était qu'idées : comment empêcher un jeune venu d'un quartier défavorisé de sortir du système scolaire ? Comment juger quelqu'un qui n'a connu que la rue ? Belles idées bien propres en vérité, avec lesquelles il était facile de jouer pour construire des intrigues, sans pour autant réellement se mettre en danger.

Cette fois, en ancrant l'action de Harry's Law dans un de ces quartiers, en plongeant ses personnages dans des violences quasi-quotidiennes et des problèmes plus difficiles à éviter en détournant les yeux, Kelley s'oblige à aborder des questions jusqu'alors soigneusement désincarnées. Et utilise le personnage d'Harriet avant tout pour dire combien il est désemparé devant des problématiques à distance desquelles il s'était soigneusement tenu jusqu'alors.

Harriet est sans aucun doute une excellente avocate, mais il lui manque vraisemblablement les outils pour comprendre le milieu dans lequel elle s'est plongée. Avec la petite Fée Clochette adorable qui lui sert d'assistante, elle a toujours vécu au Pays Imaginaire, sans rien craindre, drapée dans d'inébranlables certitudes, barricadée derrière de nobles principes, lovée dans de belles idées. Elle incarne au tout début du pilote tout ce dont Kelley parle depuis environ 20 ans : des enclaves préservées d'où on garde une vue imprenable, mais distante, sur les problèmes du monde, et où est convaincu d'être un esprit pragmatique alors qu'on est à l'abri.
Et elle ne comprend RIEN à ce nouvel univers. Son expérience, sa force de caractère, sa ténacité ne valent pas grand'chose.
Harriet Korn découvre ce qui a toujours été mais qu'elle n'a jamais vu, et tombe des nues en se découvrant incapable de changer le monde avec de beaux discours, quelques one-liners fins, et des froncements de sourcils quand le ciel se couvre.

Allez me raconter qu'il n'y a pas de facteur Mary Sue...! Au contraire, on imagine aisément Kelley se prenant la tête lors de l'écriture de ses scénarios pour tenter de ne pas succomber à ses penchants habituels, et garder à l'esprit qu'il a choisi un contexte qui ne les lui permet plus autant. Les maladresses ponctuelles des épisodes prouvent combien il lui est difficile de s'engager sur ce terrain avec les gadgets qui ont fait sa renommée, mais aussi combien il essaye de se discipliner pour ne pas faillir à la mission qu'il s'est fixée cette fois.

Plaidoyer_1

Arrivée à mi-parcours, Harry's Law raconte avant tout le parcours d'une avocate qui n'a plus envie de se consacrer au droit tant elle est dépassée par ce à quoi elle assiste. Et si Kelley laisse si volontiers la plupart des intrigues judiciaires à ses autres personnages (qui de toute façon s'y montrent bien plus brillants), c'est pour que Harriet ait tout le "loisir" de se heurter à la réalité, qu'elle avait jusque là pu traiter comme une abstraction ; sa présence devant une cour n'étant requise que pour mettre en lumière ses doutes sur l'efficacité, voire le bien-fondé, du système judiciaire pour régler des problèmes bien réels.

Pour qui regarde, depuis les années 90, les productions de ce bon vieux David E. Kelley, Harry's Law est l'incarnation de la crise de la cinquantaine, avec ce qu'il faut d'expérience pour livrer un travail efficace et juste (la partie strictement judiciaire, qu'il maîtrise certainement mieux que personne), et suffisamment de remise en question pour battre les cartes et explorer, clopin-clopant, l'inconnu (c'est-à-dire le quotidien d'un quartier plus que sensible).
Il y a donc des maladresses, tout comme il y a des moments de grâce. Sous ses dehors en apparence conventionnels, hérités de plus de deux décennies de savoir-faire, Harry's Law est l'une des séries les plus casse-gueule du moment, et certainement l'une des plus courageuses de la part de Kelley (l'autre étant The Practice). Cela ne va pas sans quelques tâtonnements, et ne va pas sans quelques loupés. Mais cela transpire aussi une sincérité qu'on n'avait plus décelée depuis de nombreuses années dans les productions de l'ancien avocat.

Si l'étincelle de génie que nous connaissons bien n'est pas toujours présente dans les épisodes un peu inégaux de ce début de saison, concédons à Harry's Law qu'elle relève d'une initiative courageuse dans laquelle, pour la première fois depuis bien longtemps, Kelley se met un peu en danger.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Harry's Law de SeriesLive.

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