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ladytelephagy
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2 juillet 2010

Valait-il mieux seule que mal entourée ?

Bon eh bah, ça y est, dites donc. Après, quoi... six ans ? A force de voir passer les saisons, les news, les projets de film... Au bout de longues années pendant lesquelles d'autres blogueurs téléphagiques ont l'ont mentionnée encore et encore... Au terme d'une quête qui a nécessité le cagoulage et la gravure répétés du pilote...

J'ai enfin vu un épisode d'Entourage.

Entourage

Du coup, comme on peut l'imaginer après pareilles tribulations, j'ai un sentiment de beaucoup de bruit pour rien.

Ironiquement, pendant le pilote d'Entourage, j'ai fait régulièrement la comparaison avec How to Make it in America, preuve que l'analogie de Livia m'avait marquée. Et de ce point de vue là, Entourage n'est pas décevant. How to Make it in America apparait comme vain, et n'apporte rien de nouveau sur quoi que ce soit, ne porte de regard particulier sur aucun univers en particulier. C'est juste New York, des potes, point barre. Entourage tente tout de même de tirer partie de son hollywoodien contexte, avec les spécificités inhérentes à ce milieu.

L'idée est finalement plutôt bonne, d'ailleurs : le quotidien à Hollywood d'une étoile montante, mais aussi et surtout des anonymes qui gravitent autour de lui. Une opportunité de ne pas voir que le côté glamour de cet univers. Et je dis : pourquoi pas ?

Oui, tiens, d'ailleurs... pourquoi pas ? Pourquoi, au terme de ce pilote, ne suis-je pas plus férocement enthousiaste ?

Comme souvent lorsqu'il s'agit de Hollywood, je trouve d'abord que ça manque de vitriol. Mais ça, c'est mon côté "j'ai trop regardé Action! quand j'étais petite". Même si je n'en attends évidemment pas le même mordant, j'attends du mordant quand même. Sans un minimum de critique du système, une fiction sur Hollywood ne vaut pas la peine qu'on la regarde.
Et même. En l'absence de mordant, j'attendais d'apprendre quelque chose. Vous savez, ces détails inutiles qu'en bon téléphage on retient quand même sur le fonctionnement de la machine à fabriquer du rêve.
Bon mais alors, admettons qu'il n'y ait rien à apprendre du monde merveilleux du show business et de ses complexes rouages, j'espérais au moins pouvoir être émue ; mettre un orteil dans un tel rouage doit forcément avoir un certain impact sur la psychologie des gens qui se frottent à ce milieu. Il y a des sacrifices, des périodes de vache enragée, des efforts qui ne semblent jamais aboutir, qui sont autant d'occasions d'explorer le potentiel dramatique d'un tel milieu.

Rien de tout ça ou si peu.

Globalement, Entourage, avec ce pilote, semble plutôt choisir le divertissement pépère. Un divertissement pas trop mal gaulé, mais un divertissement quand même, sans la moindre ambition d'offrir plus que quelques rires faciles entre potes. Surtout, surtout n'essayons pas de dire quelque chose ni de notre sujet, ni de nos personnages ! Contentons-nous d'une chronique sur un univers dont on peut tirer tout un tas d'opportunités rarement exploitées dans les séries plus classiques.
C'est un peu comme quand Memphis Beat fait couleur locale, finalement.

Peut-être que je n'aurais pas cette impression si, et c'est le plus gros problème, la moitié de ces personnages ne renvoyaient pas une grosse impression d'inutilité. L'acteur était, naturellement, incontournable, d'autant que j'aime bien ce personnages qui semble saturer dés le pilote, et veut juste se la couler douce dans un monde où on comprend bien que le répit n'existe jamais vraiment tant qu'on veut continuer à briller. Son agent, le type propre sur lui aux dents qui rayent le parquet, était également nécessaire, bien qu'à ma grande surprise (surtout après tout ce que j'en avais entendu), il est cantonné dans le pilote à une apparition finalement mineure. Et puis, le copain qui vit aux crochets de la célébrité mais essaye de se trouver une place, et n'y parvient qu'en s'imposant comme un manager autoritaire mais paumé, j'aimais bien aussi. Ce personnage est même mon préféré à ce stade, parce qu'on sent la blessure d'amour propre du type qui voudrait bien exister par lui-même, mais n'a pour l'instant rien trouver de mieux que de régenter (ou donner l'impression de) la vie de son champion.

Mais les autres ? Les autres on s'en fout complètement. Je n'ai aucune idée de ce qu'ils font là. Quelque part, l'amitié entre ces deux copains-là aurait suffit pour moi.

Je serais peut-être moins cruelle avec eux si Entourage avait commencé plus tôt dans la vie de ses protagonistes. Tandis que l'acteur commence à vraiment décoller, le plus intéressant me semble déjà derrière. J'aurais voulu en savoir beaucoup plus sur la façon dont ils ont vécu la transition de l'anonymat à la célébrité. Dans ce milieu, il est bien connu qu'on rame toujours un peu, qu'on enchaîne les castings miteux et les publicités vaguement rémunératrices mais peu intéressantes, avant d'arriver, et c'est un angle qui m'intéresse bien plus.
Où était tout ce bel entourage quand le petit gars, qui n'était qu'une belle gueule anonyme, vivait de maigres cachetons ? Quand personne ou presque ne pensait qu'il pouvait arriver tout en haut de la chaîne alimentaire ? Comment s'est déroulée la délocalisation à LA ?
Le pilote d'Entourage arrive trop tard à mon goût, et même si je me doute (en tous cas ce serait heureux !) que la série évoquera ensuite ces points, j'aurais préféré toute une saison consacrée à cette période avant d'en arriver à la gloire, la fortune, et la location d'une maison hors de prix où chacun a déjà pris des habitudes de pacha surréalistes.

Du coup, je me suis remise en quête du pilote d'Unscripted, mais rien à faire, impossible de mettre la main dessus. La galère recommence, après des années de chassé-croisé avec Entourage !!! Au nom du ciel, cette série n'a que 5 ans, comment est-il possible qu'on ne puisse pas la cagouler ?!

Bon, toujours est-il que je suis un peu déçue par Entourage, mais pas non plus totalement refroidie. J'ai pas encore décidé de la suite des évènements. Est-ce que je regarde la suite ?
Oh, bof. J'ai le temps de me faire un avis. Après ce jeu de cache-cache interminable avec le pilote (cf. tags), je n'en suis plus à quelques semaines près pour me décider.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Entourage de SeriesLive.

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20 février 2010

Ma, à table !

En général, quand je veux consacrer un post à une série, à plus forte raison si elle est récente, je commence à écrire après avoir vu le pilote. Mais dans le cas de Pasta, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais comme par hasard j'ai tout de suite enfilé le deuxième épisode dans la foulée. C'est vraiment bizarre. Je me demande si ça présente un quelconque rapport avec ça :

Pasta_1

Tiens, on dirait que je bave. Peu importe. C'est certainement une coïncidence.
La saison hivernale japonaise n'est peut-être pas des plus excitantes pour le moment (et encore, vous ne savez pas tout, j'ai voulu regarder le pilote de Majisuka Gakuen... priez pour que je ne vous en fasse jamais un post La preuve par trois. Priez très fort), mais les Coréens, eux, ne déçoivent pas. Je n'étais pas spécialement partie pour regarder cette série tout de suite, mais il s'avère que la toujours bien inspirée Livia de My Tele is Rich, en faisant mention de Pasta et sans même que je ne lise son post, a su me convaincre. Bon effectivement, il ne me fallait pas grand'chose, mais les faits sont là.

Pasta est donc une série sur la cuisine, et faisant partie des 12 personnes dans le monde qui étaient tombées amoureuses de Kitchen Confidential, on peut considérer que la partie était jouée d'avance. Pensez donc : un restaurant immense, une cuisine en constante effervescence...
Vous ne vous rendez pas bien compte, je crois : le pilote s'ouvre sur une scène de 5minutes intégralement consacrée au travail en cuisines en plein coup de feu... eh bah j'étais tout-à-fait partante pour que la totalité du pilote se déroule intégralement de la sorte. Si un jour, quelqu'un me propose tout un épisode avec juste ça, des professionnels qui œuvrent aux fourneaux sans s'adresser la parole pour autre chose que les instructions de rigueur, pendant une heure, je suis absolument partante. J'adore cette impression que donne la première scène de sentir la décharge d'adrénaline, l'exigence de qualité, le défi d'avoir presqu'une dizaine de personnes qui travaillent au coude à coude et qui font preuve d'une aisance et d'une fluidité exceptionnelles. On me propose de regarder 10 cuistots remuer des pâtes dans des poêles pendant une heure, je signe de suite. Subjuguée.

Bon alors, dans Pasta, il y a quand même des intrigues personnelles, des rebondissements et des... pfff, moi j'aurais préféré des pâtes pendant une heure. Ah non mais c'est loin d'être mauvais, hein ! C'est juste que je préfère les pâtes. J'ai pas des origines italiennes pour rien, je suppose.
L'intrigue repose sur le fait que la direction du restaurant La Sfera, où se déroule la série, a décidé de virer le chef actuel pour le remplacer par un petit connard arrogant, le type-même de bonhomme qu'on imagine réussir dans la gastronomie, même si c'est au prix de multiples dépressions parmi le personnel des restaurants où il fait carrière.

Autour de cet élément, on greffe donc une histoire de rêve qu'il faut absolument réaliser (serait-on dans une série asiatique ?), un ou deux triangles amoureux (conformément à la loi), et quelques rébellions parmi le personnel, histoire de ne pas se reposer sur ses lauriers.
Là comme ça, ça n'a pas l'air, mais tout cela est quand même bien divertissant.

Mais plus que l'histoire ou les personnages, c'est le traitement qui fait la différence. Il règne dans Pasta une ambiance électrisante mais également capable de donner une impression de proximité. Chaque personnage principal montre assez vite qu'il est plus que ce que le pitch veut laisser penser, ainsi Kyung Seo n'est-elle pas une jeune cuisinière idéaliste aux grands yeux de Bambi, mais aussi une adolescente mal dégrossie, boudeuse et obstinée, ou le nouveau chef n'est-il pas complètement antipathique, mais au contraire carrément charmant quand il s'y met (c'est juste qu'il ne s'y met pas souvent).

Esclandres et crises de nerfs, clients capricieux et personnel au tempérament explosif, Pasta promet un divertissement rythmé sur le thème de la cuisine. Une série particulièrement alléchante qui...

Pasta_2

Qu'est-ce que je fais à écrire sur ce blog, moi ? Il est l'heure de manger !

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Pasta de SeriesLive.

10 juin 2010

I feel pretty, oh so pretty

Le destin de certaines séries semble parfois écrit rien qu'à lire le nom de la chaîne qui les diffuse : AMC ? Ah en voilà une bonne nouvelle, ça va forcément être bon. HBO ? Ça sera peut-être aussi bien qu'avant. The CW ? Vite un sac en papier. CBS ? Ils font tourner leur machine à produire des bouses sans moi. ABC ? A quoi bon regarder, ce sera annulé si ça me plait. TBS ? Non merci, j'ai aucune envie de me lancer dans un sitcom de 200 épisodes. Showtime ? Quand tu veux où tu veux.

ABC Family ? Faut que je me motive pour regarder ça, ça tombe mal, j'avais prévu d'aller aider Tante Yvonne à détartrer son appareil dentaire à la paille de fer.

C'est clair que plus motivé que moi pour regarder Pretty Little Liars, ça se trouve sans trop de problème. Mais avec un peu d'aide de la part du Dieu de la Téléphagie (via principalement la présence de Chad Lowe), je me suis quand même dit que j'allais faire l'effort de m'y coller, un peu comme quand on a mangé toute l'assiette de petits pois et qu'il reste deux cuillers, qu'on a l'impression que si on avale un pois de plus on va tout recracher, mais que si on le fait pas on passera pour la gamine qui boude devant son assiette de légumes. J'me comprends.

IFeelPrettyOhSoPretty

Pretty Little Liars va tenter de nous intéresser aux petites cachotteries de 4 ados d'un petit bled où tout se sait, ou plutôt où tout va probablement se savoir, par le biais d'un personnage vieux comme le monde : le corbeau.
Le problème c'est que le ramage de ce pilote est loin de valoir son plumage. Si les petites nanas sont en permanence sur leur 31, le visage bariolé de produits cosmétiques et la garde-robe toujours impeccablement accessoirisée, en revanche l'histoire est nue comme un ver, car on n'en a strictement rien à faire que quelqu'un connaisse les secrets des unes et des autres, que cette personne soit vivante, morte, ou n'importe quoi entre les deux. D'ailleurs les scénaristes font si peu de cas des secrets de chacune qu'avant la fin du pilote, on les connaitra tous, sauf leur secret commun ("the Jenny thing") qui, à ce train-là, ne pourra de toutes façons pas faire toute la saison.

Je parlais de chaînes plus haut, je note qu'ABC Family lorgne un peu du côté de la CW, justement. On est loin du gentil petit programme sans reproche, avec ces adolescentes maquillées à la truelle, ces bikinis et ses mini-jupes, et quelques petits secrets dont plusieurs (voire peut-être même tous) à connotation sexuelle, bon allez disons amoureuse. Le coup de nous sortir un personnage omniscient mais invisible m'a aussi rappelé mes vagues réminiscences du pilote de Gossip Girl vu il y a des années pendant un après-midi de profond désespoir (et que j'avais pourtant essayé de toutes mes forces d'occulter de ma mémoire). Globalement, le côté vaguement glamour (mais glamour-frileux) de Pretty Little Liars montre bien que sur ABC Family, on cherche à capter l'attention des quelques milliers de spectatrices qui trainent encore sur la CW. L'autre indicateur de ce rabattage, c'est le casting : pas mal de visages plus ou moins connus, en tous cas reconnaissables, tentent de donner un semblant de crédibilité au générique ; les 4 petites bimbos servant d'héroïnes principales ont principalement leur minois pour elles, la génération jouant les parents a plutôt un nom qu'un visage reconnaissable, et on essaye piteusement d'attirer quelques spectatrices comme ça. Que tout cela est triste et vain. Et surtout, absolument artificiel.

Pourtant Pretty Little Liars pourrait être à peu près intéressant si on arrivait à avoir la conviction que la disparition de la 5e roue du carrosse va avoir un réel intérêt. Mais vu le peu d'originalité et de finesse de cet épisode inaugural, inutile de se faire des idées : il s'agit juste de trouver un prétexte pour explorer les histoires des unes et des autres. Et vu que ces histoires restent dans la moyenne des préoccupations de l'adolescente de télévision lambda, c'est très pénible : n'espérez pas, pas un seul instant, découvrir un secret qui sorte de l'ordinaire. On est dans la plus pure teenagerie possible.

Et pourtant, malgré tout ça, le cast semble y croire. C'est vrai que Lucy Hale débarque de Privileged et Bionic Woman, qui ne sont pas exactement des chefs d'œuvres de la télévision, mais au lieu de n'assurer que le minimum syndical, toucher son chèque et rentrer à la maison avec des fringues toutes neuves, les petites nanas semblent au contraire donner tout ce qu'elles ont (même quand elles ont deux expressions faciales dont une bloquée sur un sourire figé, comme la pourtant jolie Shay Mitchell), et ils faut leur accorder au moins ça, elles se démènent comme des petites diablesses.
Mais quand on est ravissante, qu'on ne déborde pas absolument de talent et qu'on n'a qu'un scénario moyen à interpréter, il est difficile de sauver tout-à-fait les meubles.

Alors au final, en dépit de tous ses efforts pour avoir l'air pas trop "family" (ou peut-être à cause desdits efforts ?), Pretty Little Liars n'arrive pas à convaincre. Tout ça c'est bien joli, mais c'est pas bien nourrissant... Après, je vous accorde que je ne suis pas dans la cible. Mais j'aime à croire que la cible a quand même un cerveau. Dites, rassurez-moi : elle en a un, pas vrai ? Non parce que, si on est ce qu'on regarde, je m'inquiète quand même un peu, quoi...

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Pretty Little Liars de SeriesLive.

9 juin 2010

What has been seen cannot be unseen

UnknownNotUnseen

Ce qui est sympa avec Persons Unknown, c'est qu'on sent immédiatement les gars qui ont des références. Voire un peu trop, éventuellement...

Ce qui est vraiment dommage dans ce pilote, par contre, c'est surtout la façon dont il commence. On nous présente une gentille maman qui a l'air d'avoir de gros soucis, et qui va en avoir plus encore lorsqu'elle va se faire kidnapper à deux pas de sa petite fille. Bon, à la limite, ça évite le flashback par la suite, mais dans l'ensemble c'est un peu convenu. On se serait très bien contentés d'un réveil froid et sordide dans une chambre d'hôtel vide... commencer de cette façon aurait été une bonne manière d'assumer l'ambiance oppressante à la Silent Hill qui se dégage de la suite des évènements.

Mais pas que Silent Hill. Persons Unknown connait décidément ses classiques, et même ses un peu moins classiques. Il y a du Prisonnier, du LOST et un rien de Harper's Island sur la fin (mais ne vous enfuyez pas tout de suite, car aussi surprenant que ça puisse paraitre, c'est une bonne chose). Tout ça peut sembler un rien opportuniste (ou suicidaire, selon le point de vue), mais étrangement, ça fonctionne bien.

Pourtant Persons Unknown se montre dans un premier temps assez simpliste, et peu surprenant. La première partie du pilote nous montre comment se constitue l'équipe des personnages principaux, tous des "otages" retenus dans un petit bourg mystérieux et désert, comme il se doit, placés sous surveillance permanente, et baignant nécessairement dans une ambiance pesante de suspicion mutuelle permanente. Ce sont les règles du jeu et Persons Unknown va les suivre à la lettre pendant un bon moment : opposition des personnages sur la conduite à tenir, climat d'angoisse généré par l'ignorance dans laquelle ils sont plongés, solitude insoutenable d'un groupe totalement perdu et qui va vite se rendre compte qu'il est coincé dans un huis clos on-ne-peut-plus classique.

Si cette partie du pilote manque résolument d'originalité, elle compense largement sur l'atmosphère et la mise en place de l'univers. C'est là que les références se font le plus sentir, et cette façon de sacrifier à tous les clichés du genre est une manière comme une autre de construire les bases à partir desquelles on pourra éventuellement être surpris par la suite. Bien qu'étant visuellement assez peu recherché, les prises de vue permettent cependant de donner des indices assez subtils sur l'éventuel développement de la situation.
Il y a notamment une séquence très intéressante au cours de laquelle les personnages parviennent à sortir de l'hôtel dans lequel ils se sont réveillés, et découvrent la rue autour d'eux ; les enseignes des magasins environnants donnent une petite idée des perspectives d'avenir de la série. Quand la caméra choisit de mettre en avant la devanture d'un magasin de chasse et le bureau du shérif, on se dit que ce serait très étonnant si tout ce beau monde se contentait de partager une seule arme à feu...
Avec quelques suggestions fugaces mais volontairement montrées, on peut se risquer à penser que les scénaristes de Persons Unknown savent où ils vont, ce qui, vu le genre choisi, est une excellente nouvelle.

Car dés qu'on commence à s'attaquer à la mythologie potentielle de la série, on se retrouve en terrain très glissant ; d'autant qu'avec la fin de LOST, on est en droit de craindre un effet d'opportunisme. Le huis clos n'est pas anodin.
A ce stade, et jusqu'à la fin du pilote, on va nous amener à nous poser beaucoup de questions (c'est normal, là aussi c'est le but du jeu), mais les réponses sont à double tranchant. Il y a moyen d'y répondre avec beaucoup d'intelligence, et au vu du pilote j'en crois Persons Unknown capable, mais il est encore possible de choisir la facilité plutôt que l'excellence, et c'est un peu quitte ou double.

Toute la seconde partie du pilote est justement dédiée au développement des questionnements sur la série :
- Qui a kidnappé les "otages" ? La première et la plus évidente des questions pour les "otages" (c'est leur terme, pas le mien). Spontanément, ceux-ci commencent à envisager le monde avec eux-mêmes d'un côté, et "les autres" en face. Des autres invisibles dont on essaye de comprendre les motifs, ce qui complique passablement la tâche.
- Pourquoi les a-t-on kidnappés ? La question de l'argent est abordée en premier, mais d'autres pistes sont esquissées, forcément plus intéressantes, et pouvant ouvrir sur quelque chose d'autrement plus intellectuellement stimulant que le voyage dans le temps (suivez mon regard). Le passage au cours duquel le journaliste se rapproche de la mère de Janet pour enquêter sur la disparition de cette dernière ouvre quelques intéressantes perspectives en forme de poupée gigogne : la mère de Janet a des choses à cacher, mais est-elle complice ou victime ?
- Qu'attend-on des "otages" ? Pourquoi ne pas simplement les tuer ? C'est certainement ma question préférée, mais c'est aussi celle qui est la plus risquée à ce stade. La question de l'argent balayée, on se retrouve avec d'intéressantes perspectives, renforcées par la présence constante de caméras et, bien-sûr, par le cliffhanger.

Parmi les thématiques que les plus optimistes d'entre nous peuvent espérer voir abordées dans la série, mentionnons naturellement le problème de la (video)surveillance et du voyeurisme, les problèmes moraux que poseront sans doute les fortune cookies (lesquels sont d'intéressants gimmicks en puissance), le hasard, et peut-être même quelques expériences psychologiques de l'extrême. A contrario, si tout ça ne se concrétise pas, on est dans la configuration Harper's Island et sa façon très littérale d'aborder son sujet de départ, voire dans l'art de se faire balader selon LOST, ce qui serait très décevant mais encore totalement possible à ce stade. Comme je l'ai dit, c'est vraiment quitte ou double.

Les théories sont stimulées pendant toute la seconde partie du pilote, là encore ça fait partie du jeu, et l'épisode s'en moque même ouvertement (avec le passage sur les Chinois). On essaye en permanence d'essayer de deviner ce qui se passe, et c'est vraiment agréable d'en être à ce stade où tout est possible, et où on ne se rappelle pas que Persons Unknown est une série diffusée sur un network et pas forcément aussi ambitieuse qu'on pourrait l'espérer. Non, pour l'instant, tous les espoirs sont permis. J'ai aimé jonglé avec les idées et les perspectives. Si l'enlèvement relève de l'expérience humaine et psychologique, c'est intéressant. Si l'enlèvement est le fait d'une organisation quelconque, par exemple permettant de se débarrasser de personnes encombrantes sans les tuer, c'est encore plus prometteur. On verra bien...

Globalement, Persons Unknown fournit un bon pilote, et propose résolument un background solide sur lequel elle peut fonder une mythologie convaincante. Mais dans ce genre de situations, les choix faits ultérieurement peuvent tout faire basculer. Du coup, je veux bien me dévouer pour voir comment ça tourne... disons que j'attends jusqu'à l'arrivée de Kandyse, et j'avise...?

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Persons Unknown de SeriesLive.

26 mai 2010

Génériques d'ici et d'ailleurs

On a connu une époque trouble en matière de génériques ; à peu près à la même période, deux phénomènes ont semblé nous envahir. D'une part, les génériques ont été raccourcis, voire ont carrément disparu pour devenir de vagues logos, et d'autre part, en traversant l'Atlantique, les génériques ont commencé à avoir un interprète francophone. Quelques Faf la Rage plus tard, il semblerait que sur la seconde tendance, on soit tirés d'affaire. Sur la première, ça dépasse nos compétences nationales, mais on commence à retrouver l'espoir aussi.

Pourtant, au Japon, on continue à trouver des génériques "faits maison", en général non pas à la place du générique principal mais en changeant celui de fin, et alors que The Mentalist a débuté sur la chaîne câblée Super! Drama TV ce soir, la série policière de CBS est la dernière en date à succomber à cette tendance. Détail original : c'est un duo comique, W COLON (un nom comme celui-là, ça ne s'invente pas), qui est chargé du générique. Comique, The Mentalist ? Mouais. Pas convaincue. Drôle de choix. Mais je n'ai pas encore entendu le résultat final, alors ne jugeons pas précipitamment...

JPThemes_Mentalist

Mais du coup, cela me donne l'opportunité de vous parler de quelques génériques japonais de séries que vous connaissez, et ça, ça n'a pas de prix.

Alors du coup je vous arrête tout de suite : non, les génériques japonais des séries américaines, ça n'a pas grand'chose à voir avec les génériques des séries d'animation, lesquels ne sont pas représentatifs en matière de musique japonaise, j'en profite pour le signaler. En tous cas, sachez que dans ce post, il se cache peut-être une découverte agréable. Moi j'dis ça...

USJP_LOST


LOST (titre US et titre JP) saison 1 par CHEMISTRY - Here I Am


LOST (titre US et titre JP) saison 2 par Yuna Ito - losin'


LOST (titre US et titre JP) saison 3 par Crystal Kay - Lonely Girl

JPThemes_PrisonBreak


Prison Break (titre US et titre JP) saison 1 par EXILE - EVOLUTION


Prison Break (titre US et titre JP) saison 2 par Namie Amuro - Top Secret

JPThemes_Damages


Damages (titre US / titre JP : Damage) saison 1 par BECCA - Perfect Me


Damages (titre US / titre JP : Damage) saison 2 par MiChi - RaiN

 Il y en a probablement d'autres, mais le but de ce blog n'a jamais été de faire dans l'informatif...
Alors, verdict ?

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14 janvier 2010

[GAME] Cast from tomorrow

Régulièrement (mais pas encore au point d'en faire un rendez-vous hebdomadaire), je me promène sur la page d'IMDb qui présente les profils d'acteurs peu ou pas connus, en général en début de carrière et/ou abonné aux rôles s'intitulant "guy at the bar #2" ou "girl in jeans".
Cette page s'intitule la Fresh Faces Gallery, et je la trouve toujours très divertissante.

Pourquoi ? Parce que quand je la parcours, en général je me cantonne aux photos et aux noms, et j'essaye de deviner qui a le plus de chance de faire carrière par la suite. Car, ne nous faisons pas de fausse idée, parmi ces fresh faces, la plupart vont rester à pourir dans l'anonymat. Alors, qui a le potentiel pour devenir quelqu'un ?
Je ne dis pas qu'il s'agit du prochain acteur bankable sur qui on fera n'importe quel film avec la garantie de récolter un joli pactole, non, juste quelqu'un qu'on verra au générique d'un film ou d'une série à la renommée honorable, bref, quelqu'un qui sortira du cercle vicieux du rôle principal dans une production canadienne de seconde zone où tous les personnages ont le prénom de leur interprète. Quelqu'un qui va réussir à percer un peu, quoi.
Je crois que cette fascination pour la Fresh Faces Gallery s'est renforcée depuis que j'ai vu A Chorus Line, d'ailleurs.

Déjà, quand une actrice asiatique décide de travailler sous le nom de Tam Nguyen, j'estime qu'elle accepte d'avoir 25% de chances en moins de réussir dans la poursuite de sa carrière. Le B.A.BA c'est quand même d'avoir un nom qui se retient, si possible avec un visage qui se retient aussi, histoire de ne pas avoir un visage qui crie "figuration forever". Après effectivement, le talent entre en jeu, mais quand un directeur de casting voit passer un nombre impensable de candidats, et au moins autant de resumes, je pense que ça compte quand même quand on est capable d'attirer l'attention dés la première mention de votre existence.
Et personnellement j'aurai toujours le regret de ne jamais avoir pu assister à un casting, c'est le genre de trucs que vraiment, j'aimerais pouvoir tenter une fois au moins dans ma vie, par pure curiosité (un peu sadique probablement). Si vous êtes directeur de casting, que vous me lisez, et que vous cherchez une secrétaire, une préposée au café, ou même quelqu'un pour trier des CV d'acteurs dans l'ordre alphabétique de leur ville de naissance, contactez-moi.
Bref.

Pour que je me sente moins seule dans mon délire, je vous propose donc un nouveau jeu.
Déjà parce qu'il n'y a pas encore eu de jeu en 2010 (et cela me semble, déjà, une excellente raison). Mais aussi parce que je m'ennuie un peu des autres jeux (et qu'à la faveur de la perte de mon ancien ordinateur, je n'ai pas vraiment eu l'opportunité de faire l'acquisition de génériques récemment, trop occupée que je suis à essayer de cagouler les données mortes au combat juste après Noël).

Bref, on est partis ! Certains d'entre vous m'ayant fait remarquer qu'ils aimaient bien jouer, j'attends une participation massive à ce post, donc...

L'idée, c'est donc de choisir des acteurs de la Fresh Face Gallery de la semaine, et de leur trouver un rôle qui pourrait leur permettre de quitter leur emploi de serveur chez Taco Bell.
Allez, je vous fais une première salve, pour l'exemple. 'Zoubliez pas le lien vers la fiche de la personne, surtout.

AnyaKuntz
Ania Kuntz pourrait jouer Tara à 20 ans dans un flashback de United States of Tara. Pour voir les premières années du mariage avec Max par exemple.

ChrisBurnett
Chris Burnett pourrait jouer dans un sitcom familial où il serait un père complètement dépassé par sa marmaille (disons, La Guerre à la Maison, mais en mieux).

TanyaClarke
Tanya Clarke pourrait jouer dans une série sur un bonhomme un peu torturé, et serait son ex-femme (genre un croisement de Life et Rescue Me).

L'idée, c'est de ne surtout pas essayer de chercher à cerner le profil de la personne, par exemple en consultant sa filmo, mais juste de se dire "toi, avec ta gueule, je te vois bien faire ça". Ca se trouve, l'acteurs en question est archi-nul, ou vous allez mettre un trentenaire dans un rôle d'ado, ou vous allez caser un humoriste dans un rôle dramatique, ou autre ; j'veux pas le savoir.
Vous n'êtes pas obligés de choisir uniquement des rôles de télévision, mais c'est juste plus pratique pour que je sois capable de suivre la conversation.

Et celui qui aura proposé la Fresh Face qui me semblera la mieux trouvée (originalité de l'idée, relation entre la gueule de l'acteur et le rôle suggéré, etc...) gagne un bon vieux cookie à la myrtille !

17 novembre 2009

Veni, Vidi, Vitii

Entre mon obsession asiatique et mes journées à rallonge, j'ai tout de même fait de la place, ce dimanche, pour le pilote de V (que dans les tags, pour des raisons pratiques, je qualifierai de New Gen). Il faut dire que si à mes yeux la rentrée s'est finie il y a quelques semaines, j'attendais plus ou moins cette nouveauté. Son arrivée en novembre lui a permis, il est vrai, de ne pas être noyée dans le flot de pilotes cet automne. Elle m'a aussi demandé beaucoup plus d'efforts que pour les autres séries puisque, cette saison, je me suis juré de ne céder à l'appel d'aucun trailer, aucune news sur le contenu.

Tout ce que je savais, c'était qu'on y trouverait Morena Baccarin, plus amaigrie que jamais, et qu'il n'était pas question, hélas, de reprendre le thème de la Seconde Guerre Mondiale.

Un thème qui pour moi est l'essence-même de V, sa raison d'être. Il semblait absurde de vider la série de son sens pour la rendre plus actuelle. Rien n'est plus actuel que les problématiques liées à la résistance, la collaboration, l'holocauste. Ce sont des sujets qu'on ne devrait jamais juger être passés d'actualité. C'était même l'un des enseignements de la série originale, j'ai encore en mémoire le regard de ce vieil homme, dans le pilote, qui regardait débarquer les Visiteurs l'air de vouloir hurler "j'ai vu tout ça, je l'ai déjà vu, n'oubliez jamais". V était une série contre l'oubli, qui s'adressait à la première génération qui n'avait pas connu la Seconde Guerre Mondiale, et qui avait besoin de leçons de ce genre. V portait la marque du souvenir, pas de l'actualité. V portait aussi un passé lourd de nostalgie téléphagique, comme pour beaucoup de nous je crois, et pour moi, c'était le souvenir d'une série regardée avec ma mère, m'expliquant les références historiques, les parallèles avec l'Histoire et l'histoire, celle d'un continent et celle de ma famille. Et renier tout ça, ce me semblait être, en amont de mon visionnage, une trahison insurmontable.

Et pourtant, au fil du pilote, je dois reconnaître que la mythologie lézard s'est parfaitement accordée aux problématiques sur le terrorisme. J'ai été la première surprise de la façon dont les éléments de V se sont bien incorporés dans ceux de V (New Gen), et je me suis dit que finalement, le message de cette nouvelle série pouvait être intéressant aussi.

uniVersality

Mais à l'instar de Flash Forward, ce que je vois en potentiel reste justement purement potentiel. On se dit que ça peut donner quelque chose de bien... plus tard. Mais que pour le moment, même si on trouve que c'est probant, le pilote peine à convaincre de façon immédiate.

Il ne manquait ni Marc Singer et son faciès simiesque, ni Julie et sa belle voix toute en panache et en rigueur, ni Diana et sa permanente insolente... Ce n'était pas lié à un manque mais à une impression d'absence. Il manquait du charisme à la démonstration. La nouvelle cuvée de V n'a pas l'ambition d'utiliser la science-fiction pour ce qu'elle devrait toujours être, une métaphore. Elle cherche seulement à divertir sans fâcher les fans et sans être trop bête. Elle construit sa trame avec une certaine dextérité mais sans âme. Oui, il manque une âme à ce V.

C'est encore plus criant au deuxième épisode. En fait cet épisode semble être la seconde partie du premier, il est dans son ombre, dans son sillon, dans ses jupes, car il est toujours dans l'installation ; l'installation de problématiques et de dynamiques : avec qui s'allier et à qui s'opposer, comment lutter et comment collaborer, qui chercher et qui fuir. V se lance alors dans une démarche très proche de celle de Flash Forward, une quête héroïque, une suspicion permanente, des dissimulations. Mais le sens disparait chaque fois que la série avance dans la création de sa mythologie propre. Les intrigues se créent (le passé du lézard traitre à sa cause, l'ambivalence du fils de l'héroïne, la servilité seulement apparente du journaliste ambitieux) mais le message s'estompe au fur et à mesure. V devient une série parmi tant d'autres au lieu de briller par l'intelligence de son propos, la finesse de son analyse, la pertinence de ses comparaisons.

Ce n'est pas un renouvellement moderne qui nous est proposé, mais juste une attraction grand public autour d'une franchise connue, et tellement pratique pour décliner des intrigues conspirationnistes si désespérément en vogue sur ABC. N'est pas Battlestar Galactica qui veut.

Pourtant j'ai envie d'y croire encore un peu. J'ai fait beaucoup d'efforts pour ne pas laisser monter la sauce depuis l'annonce, ferme et définitive, enfin, de ce remake. Mais force est de constater que l'attachement à la série d'origine est si fort, que j'ai envie de persister. Je le ferai. Quand j'aurai du temps pour cela. Sans me presser.
Mais je ne fonde qu'un espoir très modéré dans ce V qui dépouille le mythe. Je suis venu, j'ai vu, j'ai vicié.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche V de SeriesLive.

11 mai 2010

Something always brings me back to you

En ordre de bataille : d'un côté ceux qui regardent des séries japonaises, de l'autre ceux qui regardent des séries américaines ! On ne se mélange pas, ou le moins possible ; il suffit de regarder à quoi ressemble la blogosphère téléphagique pour s'en apercevoir : rares sont les téléphages disposant à la fois d'un blog et d'un sens de la curiosité les poussant vers autre chose que les séries anglo-saxonnes.
J'ai dit rares, pas inexistants. Dans le registre "touche à tout", on trouve essentiellement Livia de My Tele is Rich, et Tite Souris de Luminophore. De temps à autres, Nakayomi de Naka no Montages risque un post par-ci par-là, également, mais son blog ayant de toutes façons une nature touche à tout (puisqu'on y trouve de la musique, de l'animation... et même des torses imberbes), ce n'est qu'une corde de plus à son arc. J'en oublie peut-être, et je m'en excuse sincèrement, mais ce sont les principaux que je vois, là comme ça, de tête, les réguliers, les coureurs de fond, les courageux.

Bref, surtout, ne mélangeons pas les torchons et les serviettes : un téléphage ne saurait regarder des deux côtés de la route. Sous peine de passer pour un ovni et, la curiosité ne faisant pas recette comme on le disait hier, de voir ses stats divisés par deux ou trois (et c'est un risque que très peu acceptent de prendre). Enfin bref, j'ai tout un post Point Unpleasant sur le sujet, ne me lancez pas.

Une fois de temps en temps, je me suis risquée à des comparaisons dans la rubrique Dorama Chick, mais vraiment très rarement. Je crois que c'est essentiellement arrivé dans le cas de séries policières comme MR. BRAIN ou BOSS, que j'ai, telle que je me connais et de mémoire, comparées aux Experts et tutti quanti. N'hésitez pas à vérifier pour moi en cliquant sur les tags adéquats au bas de ce post.
C'était en général pour souligner que les séries en question étaient abordables pour les spectateurs habitués aux séries américaines citées, car elles avaient été y piocher quelques idées, au minimum. Oh oui, minimum dans les cas qui me viennent à l'esprit.

Mais, et dans l'autre sens ?
Ok, ne me faites pas dire ce que je ne chercherais à faire croire à personne même si cette personne était sous l'emprise de substance illicites particulièrement efficaces. Je ne vais pas tenter de vous faire gober que les Américains copient des séries japonaises. Coréennes, non plus. Pas encore disons. Cette maladie du remake américain de fictions asiatiques se borne pour le moment au cinéma (plus ou moins avec bonheur, souvent moins, cf. Possession), mais si vous y tenez on en reparle éventuellement dans quelques années quand la hallyu wave aura encore évolué, dans un sens ou dans l'autre.
Alors non, je ne suis pas en train de prétendre qu'il existe des séries américaines copiant les séries asiatiques, que ce soit clair.

Mais quand on regarde des deux côtés de la route téléphagique, on s'aperçoit que certaines séries finissent tout de même par avoir quelques liens de parenté éloignés, et sans doute involontaires.

Oh, évidemment, l'amateur de séries asiatiques aura du mal à l'admettre, parce que s'il regarde des séries asiatiques, c'est parce qu'il pense ne pas pouvoir trouver ailleurs ce qu'il y déniche (et pour certains, c'est aussi une forme de snobbisme, hélas, sur l'air de "moi je regarde des séries super underground que personne connaît !", bah fais tourner au lieu de faire le malin, à quoi ça sert d'être le seul à les regarder si elles sont si bien ?).

Je connais bien ça, pourtant ; parfois, j'ai le besoin de passer plusieurs jours juste sur des séries japonaises ou coréennes, et ensuite c'est l'inverse, je repasse aux States. Le seul truc que je ne fais pas, ce sont les séries britanniques, et encore c'est juste un problème d'accent (il fallait essayer de placer vos séries british quand j'étais sourde et que je me raccrochais aux sous-titres, vous avez mal joué votre coup, tant pis, mauvais timing de votre part...).
Et je ne saurais dire pourquoi ce besoin se fait sentir, je ne saurais décrire ce qui fait que l'expérience est différente. Je me suis enfilé les épisodes de BOSS avec un appétit incroyable, quand j'ai découvert la série, et pourtant vous ne m'avez pas vue tenter de revoir les Experts pour autant. Au final, je suis bien incapable de dire pourquoi j'accroche sur l'un et pas du tout sur l'autre, et je mets ça sur le compte de mon propre snobbisme ; après tout je ne suis pas nécessairement au-dessus de la mêlée, hein.

Ce soir, j'ai regardé le troisième épisode de Gravity (mais oui mais je n'ai pas eu le temps ce weekend, et la chanson de fin d'épisode est souvent si bonne que je préférais avoir mon audition pour le faire, et puis mon chien a mangé ma cagoule et... mais pourquoi je me justifie, moi ?!) et, coupons court au débat, oui j'adore toujours autant la série que lorsque je vous ai parlé du pilote.

CarlaGlick

"Mais devant l'épisode, j'ai commencé à me dire que ce qui me plaisait dans Gravity, c'était son côté un peu différent d'exister, un peu hors de la norme.
- Ah oui, lady ? Allons plus loin, elle se trouve où, cette différence ?
- Eh bien, je ne sais pas, j'ai l'impression que la série, dans sa réalisation, son jeu et ses retournements de situation, était parfois un peu maladroite, et pourtant tellement touchante...
- Il y avait un côté sincère ?
- Oui, voilà, sincère. Et en même temps un peu exagéré.
- C'est ça que tu aimes dans les séries japonaises ?
- Ce que j'aime le plus dans les séries japonaises, c'est leur façon d'aborder le drame humain avec intelligence et réalisme, tout en gardant un grain de folie un peu surréaliste, avec ses chassés-croisés, ses coïncidences et ses histoires dont on sait où elles mènent ; oui, on peut dire ça.
- Tu sais où l'histoire de Gravity mène ?
- Je pense le savoir. Et je pense ne pas non plus avoir 15 saisons devant moi pour le découvrir, j'ai le sentiment que Gravity a un parfum d'éphémère que les séries japonaises ont par essence.
- Et un côté surréaliste aussi ?
- Oh mince, bah oui alors ! Entre la façon dont les deux personnages principaux semblent destinés à s'aimer sans s'en rendre compte tout de suite, et le personnage de Carla, qui aurait aussi bien pu être interprétée par une actrice japonaise...!"
Je pense que j'ai mis le doigt dessus.
Wow, ça m'a fait du bien d'en parler avec moi, je devrais faire ça plus souvent.

Oui, Gravity me semble être le cousin new-yorkais de certaines (pas toutes, évidemment) séries japonaises, et je crois que c'est la raison pour laquelle ses brefs instants de déséquilibre, quand on ne sait pas trop si la série va basculer dans le vide ou rester les pieds sur terre, je peux les pardonner plus facilement que la plupart des téléphages uniquement habitués aux séries américaines. C'est que je ne les vois pas comme des inconvénients, mais comme des particularités faisant partie de sa personnalité. C'est que je les regarde avec tendresse et que je les laisse me toucher au lieu de les voir comme des failles dans la réalisation, l'interprétation ou la narration.
Les séries asiatiques, ça rend peut-être plus ouvert d'esprit même quand on regarde une série américaine, en fait...

Ça vous est déjà arrivé de penser à une série asiatique en regardant une série américaine ? De faire des comparaisons entre les deux ?

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Gravity de SeriesLive.

21 avril 2010

Brother Louie

Pourquoi jusqu'à présent je n'avais jamais regardé Lucky Louie ? La réponse tient en deux mots : "HBO" et "sitcom". Au juste, c'était quand, la dernière fois qu'une chaîne du câble a su faire un sitcom décent ? Personnellement, je n'en ai pas souvenir. Même pas certaine que ça se soit déjà produit. J'attends des noms ? C'est bien ce que je pensais.

Et puis, en tombant par le plus grand des hasards sur une cagoule, je me suis dit que... bah, comme d'habitude : un pilote, ça ne se refuse pas. Me voilà donc en train de me lancer dans un pilote dont je ne connais rien, si ce n'est que son personnage principal est roux, et que son créateur/auteur/producteur/acteur Louis CK a travaillé avec Conan O'Brien. Ce qui, je vous le concède, à mes yeux, suffit pour partir avec un a priori positif...

Louie

La première impression que donne Lucky Louie, c'est une impression assez troublante de dénuement. Ce qui est une façon de dire que le décor est terriblement bas de gamme, mais pas seulement. En fait, plus le pilote avançait, et plus je me suis dit... "mais, je connais ce sentiment ! C'est le même qu'une autre comédie que j'ai connue jadis... une comédie qui ne chercherait pas à être dans le moule... c'est... c'est comme Rude Awakening !".

Ca n'avait évidemment rien à voir avec la thématique de la série, mais avec sa réalisation (bien que Rude Awakening n'ait jamais été un sitcom à proprement parler). La bande-son assez peu fournie, la mise en scène assez simple... on est loin de ces séries comiques qui se donnent tant de mal pour être divertissantes, voire drôles si on a de la chance, le côté "trying too hard" qui m'excède souvent dans les sitcoms et me fait préférer les comédies en single camera. D'ailleurs quand je vais me mettre après la peau de Romantically Challenged, que j'ai regardé hier soir, ça va saigner (j'en ai fait un cauchemar cette nuit, sans déconner c'est quand même pas tous les jours qu'on fait un cauchemar sur la qualité pourrie d'un pilote de sitcom !). Bref il se dégage de Lucky Louie, avant même qu'on tende l'oreille et qu'on fasse attention à l'histoire, une ambiance de proximité qui fait du bien.

Du coup, quand vous voyez comment se déroulent les dialogues... eh bah forcément vous êtes dans de meilleures dispositions vis-à-vis de la série. Dans un sitcom de network, typiquement, tout cela semblerait forcé, voire franchement de mauvais goût. Ici, pas du tout.

Déjà, la scène d'ouverture était brillante : Louie et sa fille sont à la table du petit déjeuner, et... oh attendez, il faut que je vous l'uploade cette scène, sérieusement ce serait dommage de passer à côté. Je suis d'humeur à sous-titrer en ce moment, je crois...

LuckyLouie_Why

Tout le génie de cette scène, c'est qu'on attend la chute, et qu'elle ne vient pas, et qu'elle ne vient pas, et qu'elle ne vient toujours pas... comme dans la vraie vie quand une gamine vous casse les pieds ! Et quand vous commencez à désespérer de la situation, pouf ! La chute est terriblement drôle. C'était sincèrement un excellent coup d'envoi et tout l'épisode est dans cette lancée, avec un côté un peu inconfortable, pas formaté, bref totalement réaliste, et de vraies bonnes sorties de la part, essentiellement, de Louie, mais aussi un peu de sa femme. Et entre parenthèses, si dans 10 ans j'ai un type comme ça à la maison, je ne m'estimerai pas franchement à plaindre et ça me prendra pas 4 mois pour... 'fin bref.

Les autres intrigues sont du même acabit : le voisin black qui vient d'arriver et avec lequel on arrive pas à sympathiser (mais ça le fait pas d'être fâché avec le voisin black, on passe pour un raciste... chaque scène de cet axe est absolument délicieuse et le dénouement est juste superbe), l'anniversaire des 4 ans de la gosse qui tourne à la catastrophe (dans ma culture, un goûter d'anniversaire finit invariablement par tourner au drame d'une façon ou d'une autre, donc rien de plus normal), les problèmes sexuels de Louie avec sa femme (criants de réalisme hilarant ; ce couple a la même dynamique que celui de Roseanne), bref c'est un festival d'humour tantôt gras, tantôt maladroit, totalement en phase, j'ai envie de dire, avec les blagues qu'on entend réellement tous les jours. Bon, sauf les deux potes de Louie qui ne me reviennent pas et qui, pour le coup, sont un peu trop caricaturaux. Mais à la limite c'est un moindre mal, pour ce qu'on les voit.

Alors, du coup, il faut absolument que je me rappelle où j'ai trouvé ma cagoule parce que, bon, yavait toute la première (et unique) saison de dispo, et maintenant j'ai bien envie de voir la suite ! Comble du hasard, aujourd'hui FX annonçait que la prochaine série de Louis CK, ingénieusement appelée Louie, débuterait le 29 juin prochain. Si je joue bien mon coup, j'aurai fini Lucky Louie juste pour le lancement de Louie. Et dans la foulée, j'ai mis le "pilot watch" à jour à côté.

Et non, mon enthousiasme n'est pas uniquement dû au fait que Louis est roux et qu'il a bossé avec Conan O'Brien.
Mais je ne vais pas prétendre que ça n'a pas un peu aidé.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Lucky Louie de SeriesLive.

29 mars 2010

Ascendant Caprica

Il est de notoriété publique que mon truc, c'est plutôt de parler de pilotes. D'abord à titre personnel, c'est une question de goût, puisque je suis pilotovore et ne m'en suis jamais cachée. Mais il me semble aussi que, ma démarche n'a jamais été de vous abreuver de reviews épisode par épisode (de toutes façons, si vous voulez lire un avis sur le dernier Desperate Housewives ou l'ultime saison de Lost, les adresses ne manquent pas), mais surtout de partager mon goût pour la curiosité téléphagique.
Et même si, au fil de mes visionnages, je partage bien volontiers quelques réflexions sur des épisodes plus tardifs, et si récemment j'ai lancé la rubrique To be continued... qui revient sur toute une saison (principalement parce que j'ai développé une certaine phobie de l'annulation due à une crise téléphagique), il est quand même assez rare que je vous fasse un post rédigé couvrant l'intégralité d'une saison. Fût-elle courte.

Pourtant c'est bien ce que je m'apprête à faire aujourd'hui à propos de Caprica.

Un petit mot sur "l'avant-Caprica" pour expliquer l'apparition de ce post atypique. Il faut pour cela remonter à Battlestar Galactica, série que j'adore et dont pourtant je n'ai toujours pas vu la dernière saison, vu que j'attends que ma frangine ait du temps pour la regarder et que je lui ai promis que je l'attendrais (peste, à l'époque elle s'est bien gardé de me dire que j'en avais pour plusieurs mois à faire le pied de grue). Alors, quand le pilote est sorti, je craignais un peu de m'y atteler ; le principe du prequel, c'est quand même bien de glisser tout un tas de sous-entendus sur l'univers qu'on connait déjà, mais n'ayant pas vu la fin de BSG, je risquais de ne pas saisir toutes les allusions et ça me contrariait beaucoup. Je bavais devant les affiches (qui auraient pu figurer dans ce post tant elles me semblaient alléchantes), mais je rongeais mon frein. Et pressais ma sœur pour accélérer le mouvement...

Plusieurs personnes m'ont toutefois assuré que je ne risquais pas grand'chose (sous-entendu : Caprica c'est vraiment bidon, ne crains pas une complication qui n'existerait que dans tes fantasmes de fan), alors me voilà à me lancer, tardivement mais qu'importe, dans la série, me disant qu'on peut difficilement imaginer moment plus idéal pour ce faire que le weekend pendant lequel SyFy programme une intégrale de la série pour gonfler les audiences du tout dernier épisode diffusé cette saison, sachant que pour la suite, il faudra maintenant attendre septembre.

Caprica, me voilà donc ! Ah, comme j'aime déjà ton look rétro des années 50 ! Comme ton personnage principal (middle-aged, roux...) me séduit par avance ! Et comme ton thème semble électrisant !

Caprica_PecheOriginel
Caprica ou le péché originel ? Miam !

Le pilote a pourtant de quoi surprendre. S'ouvrant sur une ambiance de teenagerie tape à l'œil (le club, le petit groupe de lycéens qui semble vouloir accomplir quelque chose de grand alors qu'ils sont... lycéens, les parents qui ne comprennent rien à rien), on a l'impression que Caprica a misé avant tout sur un rajeunissement de son public-cible. Impression qu'évidemment, l'attentat et les problématiques autour du deuil vont atténuer, mais quand même.

Le pilote offre aussi une très exaltante lecture des problèmes que pose la robotique (j'ai dans l'idée que si le Dr Daniel Graystone avait pu lire Asimov, on n'en serait pas là...). La question que pose la seconde moitié du pilote, sur la possibilité de ramener les êtres disparus par le biais de la technologie, est captivante ; elle est parfaitement mise en lumière par un dialogue entre Graystone et Adama pointant du doigt la bascule morale que le scientifique exécute sous le coup de la douleur (et peut-être aussi de l'avidité) :
"It's not natural ! No, it's wrong... it's an abomination !
- Well, define natural... These glasses help me to see, artificial limbs and organs help millions to live. You'd hardly call those aids natural, but I doubt you'd call them abominations.
- It's not what I mean and you know it.
- Ah... Huh-uh. You mean : "only the Gods have power over death". Well I reject that notion. I REJECT THAT NOTION ! And I'm guessing that you don't put too much stock in those ideas either. We have a chance to have our daughters back."
Cet échange pose les bases d'un vrai dilemme éthique qu'on était en droit d'attendre et de voir exploré dans la série. La confrontation de ces deux hommes qui, à partir des mêmes constatations, tirent des conclusions différentes sur le sens à donner leur à deuil, et donc à leur vie, n'était qu'une façon d'expliciter ce dilemme.

Ça, c'est le pilote. Un pilote souffrant encore de quelques défauts, mais dont on pouvait penser qu'ils disparaitraient. C'est pas comme si on avait affaire à des amateurs, non plus !

Mais au fur et à mesure que la série avance, ces questionnements sont balayés rapidement, voire carrément ignorés. Pas oubliés. Ignorés.
On peut pardonner à une série quand elle oublie d'emprunter un thème qu'elle avait commencé à raconter, c'est une erreur compréhensible, une étourderie qui peut coûter cher mais qui est humaine... mais le faire exprès alors qu'on a construit une grande partie du pilote dessus, non, ça ne se pardonne pas comme ça.

Les problématiques posées par le pilote sont vite laissés en stase totale. L'enfermement de Zoe dans le corps Cylon ? Une idée tordue mais qui pouvait donner quelque chose de bien. A travers ses trois identités (à partir de deux ou trois épisodes, le terme "trinité" s'est bien gardé d'être évoqué dans les résumés, ne parlons même pas dans les épisodes eux-mêmes), Zoe/U87 aurait pu explorer son humanité : une machine capable de ressentir des choses ? Voilà une thème de science-fiction intéressant et digne de la franchise BSG ! Mais au lieu de ça, Zoe va passer le plus clair de son temps à regarder tout ce qui se passe dans le labo avec un air constipé et les mains sur les hanches. Ne blâmons pas Alessandra Toressani pour cela, car dans les rares scènes où elle a la possibilité de s'exprimer, elle dresse le portrait d'une adolescente intelligente mais immature, vive et presqu'attachante. La faute en revient bel et bien au scénario qui, après avoir joué avec l'idée qu'on pourrait mettre l'avatar de la fille du Dr Moreau dans la créature mécanique créée par ce même savant, s'en désintéresse complètement, laissant la réalisation jouer avec les différents effets permettant de dire que Zoe est dans le corps de U87. Une fois. Deux fois. Trois fois. Cinquante fois par épisode s'il le faut.

Pendant ce temps, le monde virtuel qui au départ devait regrouper ce que l'humanité a de plus tordu et subversif, devient une autre façon de créer une cafète de sitcom pour que les personnages adolescents puissent se retrouver et s'exprimer loin de la censure parentale. Club hyper chic à la faune lookée, et progressivement, cadre plus calme (VIP room puis décors naturels), il pourrait avoir une signification dans la quête des personnages qui le fréquentent, mais y échoue lamentablement parce qu'il est sous exploité.
New Cap City, certainement l'endroit le plus sexy de toute la série par son univers extrêmement stylisé, ne s'en tire pas mieux. Comment cet appendice du V-world, censé représenter un jeu sans pitié, devient un trou béant scénaristique, je ne me l'expliquerai jamais. Voilà bien une intrigue qui ne mène à strictement rien. Elle ne définit ni les personnages qui y circulent, ni une thématique solide autour de laquelle la série pourrait prendre du sens.

Sur le plan de la religion (question centrale de la franchise s'il en est !), Caprica semble là aussi s'empêtrer dans les thèmes qu'elle a pourtant elle-même soulevés. On ne lui avait pourtant rien demandé ! Cette thématique lourde aurait pu être développée ultérieurement, en parallèle des progrès autour de la technologie Cylon (pour la défense des auteurs, il faut bien admettre que ladite technologie ne fait pas le moindre progrès à partir de la fin du pilote et ce, jusqu'au 9e épisode !), mais non, nous voilà dés le départ avec une chère sœur dans les bras, présentée comme forcément dangereuse car ayant de l'influence sur des adolescents, suivie de tout un mouvement monothéiste dont on a du mal à comprendre en quoi il est si minoritaire puisque plus la série avance, plus le nombre de personnages polythéistes se trouve en infériorité numérique. Et vas-y que je te brode sur la hiérarchie du STO, que je te rajoute une faction qui s'oppose à la bonne sœur (qui du coup n'est plus ni gentille, ni méchante, ni trouble, juste complètement lourdingue), tout ce petit monde se met des bâtons dans les roues et on en oublie ce qu'ils veulent, au juste. Sentiment désolant que de voir cet aspect s'évaporer à mesure que la saison progresse. Mais enfin Caprica, tu voulais parler de religion, d'extrémisme, d'endoctrinement... vas-y, fonce !

En fait, plus la série progresse, plus on a le sentiment que Caprica a deux type d'intrigues :
- celles qu'on développe parce qu'on a quelque chose à en dire, mais alors, ouh là, très, très lentement
- celles qu'on développe parce qu'on le peut, et croyez-moi on va délayer au maaaaaximum
Dans cette deuxième catégorie, on trouve des éléments qui semblent plus relever du plaisir des scénaristes que d'un réel fil rouge faisant partie du puzzle.

Et les scénaristes ont, c'est vrai, un univers à mettre en place. Tâche d'autant plus ardue qu'il faut à la fois que cet univers soit cohérent en lui-même, mais qu'en plus il s'inscrive dans la mythologie de Battlestar Galactica au détail près (parce que les fans connaissent toujours mieux la série que ceux qui l'écrivent, et qu'ils ne loupent aucune incohérence même mineure). Les intrigues du second type sont là pour étoffer cet univers, lui donner à la fois de la profondeur et insinuer qu'on y trouve des éléments constitutifs de la mythologie de la franchise. Mais le monde ainsi créé est si dense, et si attirant, que les scénaristes s'y perdent au lieu d'admettre que, bon, on va se contenter de ce qu'on en a déjà dit, et maintenant, on va essayer d'en tirer partie pour nos intrigues.

Mais voilà, le problème de Caprica, c'est ce phénomène de plus en plus courant et bordélique qui touche la télévision américaine, et conduit de nombreuses séries à être coupées en deux. Et qui a conduit à la création des posts To be continued..., alors attendez-vous à en trouver un dans quelques mois pour la série.
C'est un phénomène qui complique la vie des scénaristes qui travaillent sur des séries avec des arcs, parce qu'il faut en fait bâtir la série comme si elle avait deux saisons, une de 9 épisodes et une de 11 autres dans le cas qui nous préoccupe, au lieu de considérer que c'est une saison d'un seul tenant. Le cliffhanger de l'épisode 9 exprime bien ce problème, et en fait, tous les épisodes avant lui se heurtent à la difficulté d'installer un univers complexe tout en n'ayant pas tout dit dés le début. C'est un dilemme qui vaut bien celui de la robotique, et je le comprends.

Pourtant, voilà la vérité : entre le début et la fin de cette mini-saison, les personnages de Zoe, Daniel et Tamara n'ont pas avancé d'un iota ; Joseph, Amanda et Lacy expérimentent une descente aux enfers précipitée et assez peu cohérente qui relèvent uniquement du character development et pas du tout de la progression des intrigues ; sœur Clarice a prouvé son inutilité en tant que personnage dangereux pour l'équilibre des personnages principaux, supplantée par Vergis et Barnabus. La question de l'enquête terroriste est complètement passée au placard, conduisant à la disparition de l'agent Durham qui avait pourtant du potentiel.

Caprica_Entame
Jeune fille, maintenant que tu as entamé cette pomme, tu vas me faire le plaisir de la finir !

 C'est donc un travail très inégal, ne remplissant pas [encore] toutes ses promesses, et jouant un peu trop avec ses effets spéciaux, qu'offre cette première partie de saison. On y trouve des thèmes captivants, de bonnes questions, des personnages intéressants, mais il faut vraisemblablement une patience de bénédictin pour y trouver son compte, notamment quant à la stimulation intellectuelle qu'on est en droit d'en attendre.

Oh, c'est prometteur, certes. Mais "prometteur" est un terme que je préfère réserver à un pilote, pas à 7h30 de programme.
Puis-je suggérer qu'à l'automne, on fasse un peu moins joujou avec le potentiel de l'univers (et le potentiel des ordinateurs en post-prod), et qu'on s'attaque au nerf de la guerre ? Sinon, faudra pas venir se plaindre.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Caprica de SeriesLive.

28 mars 2010

You're under arrest !

L'un d'entre vous m'a un jour dit : "tu aimes l'humour de Better Off Ted ? Alors tu aurais dû adorer Arrested Development !". Le problème était le suivant : j'avais effectivement adoré Better Off Ted, mais jamais vu le moindre épisode d'Arrested Development. Ne me demandez pas pourquoi. Je ne sais absolument pas comment j'ai réussi à passer entre les mailles du filet. Ca peut à la rigueur s'expliquer pour une série annulée rapidement et jamais diffusée en France, mais là ?

Peut-être que découvrir Arrested Development avec du retard atténue certaines de ses originalités. Mais s'il y a bien une chose que j'ai apprise, c'est toutefois qu'une comédie vraiment drôle le reste même si les années passent ; j'ai plusieurs heures passées devant Three's company qui en attestent. Mais en tous cas, le fait de découvrir la série sur recommandation ne peut pas avoir manqué de légèrement infléchir la façon dont j'ai regardé le pilote.

ArrestedDevelopment

En premier lieu, je n'ai pas aimé l'aspect de ce pilote, disons le d'emblée. Je parle vraiment d'un problème visuel. Arrested Development me laisse une impression brouillonne ; on a du mal à identifer l'univers dans lequel la série se déroule, probablement parce qu'il n'y a pas de décor défini. Généralement, il y a dans une série (quel que soit son ton) une unité de lieu minimale pour qu'on puisse prendre ses marques. Dans le cas d'Arrested Development, il n'y a aucune possibilité de prendre des repères, parce que, concrètement, on n'utilise jamais le même endroit deux fois pour le déroulement de l'action. Un exemple parlant : la maison-témoin où résident Michael Bluth et son fils. Couchage sous le toit, petit déj dans la salle à manger, discussion sur des marches d'escalier, famille réunie dans le salon... jamais deux fois le même endroit. Quelque chose qui semble tellement aller de soi que c'est la première fois que je constate à quel point c'est important. Mais en tous cas, tout ça est destabilisant pour comprendre l'univers dans lequel la série s'inscrit. Ce n'est pas un travers impardonnable (et il y a des chances pour que, à cause des tribulations financières de la famille Bluth, le nombre de décor soit largement diminué à l'avenir : exit les chambres de palace, les bateaux de croisière...), mais personnellement, ça m'a freinée.

Sur ce qui est réellement important, c'est-à-dire l'humour, Arrested Development s'avère cependant commencer de façon convaincante, surtout grâce à son rythme et son jeu permanent avec les flashbacks et les flashforwards. Ces procédés rendent l'épisode très dense, et on a tous les éléments pour cerner les personnages et leurs personnalités étranges.
Autour de l'éternel personnage "normal" (si c'est possible dans une telle famille...) grouillent des individus hauts en couleur et résolument barrés ; chose que le pilote, du haut de sa pourtant courte demi-heure, a tout le temps d'explorer. La mise en place des personnages est parfaitement huilée, si bien qu'au moment du climax, chacun exprime pleinement son grain de folie et participe à l'hystérie hilarante. Preuve que dans cette pagaille, il y a une réelle solidité dans l'écriture.

On imagine facilement ce à quoi le pilote un peu brouillon peut conduire, sur le papier : la cohabitation forcée est très bien amenée, mais reste un thème éculé. Pourtant, la malice avec laquelle les personnages sont écrits, et la finesse avec laquelle ils sont joués (Portia de Rossi offre par exemple un jeu plus nuancé que dans Better Off Ted), laissent entrevoir de vraies possibilités.

Donc oui, le départ est mitigé principalement pour une question de réalisation, mais le premier épisode est prometteur : Arrested Development est sans doute une comédie capable de dépasser son pitch un peu banal pour offrir quelques crises de rire.

Ce bilan positif, je le modère par une dernière remarque, car j'ai envie de désigner un mauvais élève : le personnage central, Michael Bluth. Je ne sais pas trop si ça tient au scénario ou à l'interprétation (les deux, mon Général ?), mais il est épouvantablement fadasse. Les personnages un peu neutres, courants dans des séries de ce type, courent souvent ce risque, mais ici, l'absence de charisme se fait cruellement ressentir par effet de contraste, et j'avoue que j'avais espéré mieux.
Pour ceux qui connaissent leurs classiques, un personnage à la Daniel Henderson dans Manhattan, AZ aurait sans doute été plus intéressant, avec une naïveté improbable dont il n'aurait pas conscience, enfin, un trait de caractère exagéré tout de même. Cela dit, peut-être que le wake up call du pilote pourra servir de détonateur et permettra au personnage de développer lui aussi une personnalité.
Une fois ceci fait, on tiendra vraiment une comédie déjantée. Tiens, j'ai presque hâte d'avoir le temps de finir la saison, maintenant...

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture (c'est-à-dire moi il y a quelques jours) : la fiche Arrested Development de SeriesLive.

24 mars 2010

Fils de...

Le preair de Sons of Tuscon ? Regardé, oui. Mémorisé... pas vraiment.
Je me rappelle vaguement m'être dit que beaucoup de critiques assassines l'étaient exagérément, et que ce n'était pas si terrible que ça. J'ai ri une ou deux fois, quand même, c'est pas si mal. Peut-être pas ri aux éclats, et je ne saurais me souvenir de ce qui m'avait fait rire, mais enfin, les faits sont là.

Alors me voilà, bien des lunes plus tard, devant la version définitive du pilote (quelques changements de casting ayant eu lieu dans l'intervalle), à me demander si Sons of Tuscon mérite le costard bien taillé que lui ont cousu main bien des blogueurs, pour ceux qui ont daigné lui accorder de l'attention. Ah, je comprends, Tyler Labine dans le rôle, c'est pas très sexy... mais j'ai quand même l'impression qu'il y a un gros biais de départ quant à cette série.

J'ai pourtant eu l'impression, en (re)découvrant ce pilote, de trouver, pas vraiment une série dans la lignée de l'humour de Malcolm (la série manque trop de fantaisie et de gadgets scénaristiques pour cela ; je comprends le rapprochement mais il ne se justifie que par des simplifications exagérées entre les deux séries), mais plus un univers à la My name is Earl. La scène chez la grand'mère, notamment, est du genre à rappeler cette Amérique bête, sale, méchante, et bourrée de petits tics bizarres (les écureuils dans le frigo, la collection de perruques...), qu'on aime dans la série du grand moustachu (pas Magnum ; l'autre moustachu) et qui ne font pas rire, mais plutôt amusent et provoquent une sorte d'émerveillement écœuré.

Sonsof

Mais c'est sûr, Sons of Tuscon est loin d'être la comédie messianique que nous attendons tous (l'attendons-nous, seulement ?) qui révolutionnerait notre menu téléphagique. Le pilote souffre d'un gros handicap, et qui réside précisément dans la scène que j'ai mentionnée plus haut : on cherche à y inclure des éléments dignes, dans le meilleur des cas, d'un opus tardif de Maman j'ai raté l'avion, avec un gros méchant tout bête et tout méchant qui vient casser du héros. On ne rit pas dans cette scène, non, on sourit juste quand elle est finie, parce qu'elle est finie. Ainsi, la comédie grosses tatanes s'incruste ponctuellement dans un épisode qui, sans cela, ne manque pas de charme.

A mes yeux, deux éléments de ce pilote me semble être des promesses porteuses d'espoir : d'une part, le personnage du garçon aîné. Le changement d'acteur a mené à un changement de personnage, le rendant un peu plus "précieux", et j'ai aimé cette variation, qui transforme les trois garçons en personnages plus variés, au lieu d'avoir le génie et les deux butors. Je ne me souvenais pas du passage où il dit que s'il devait être adopté, il choisirait une famille de célébrités, mais là c'était quasiment hilarant quand ça ne m'avait pas marquée la première fois. L'autre, c'est que jusqu'à présent, personne n'a essayé de nous sortir les violons pour montrer que les 3 garnements sont un peu tristes sans leurs parents, et que la relation avec leur papa de substitution va aussi leur apporter un petit quelque chose sur ce plan. Ça me semblait inévitable et pourtant, ça a pu être évité. Même sur la fin, quand l'épisode pourrait s'achever une petite scène mignonne, on finit sur une bourde, je préfère, sincèrement, que ça se passe comme ça.

J'y vois donc du potentiel pour une très bonne comédie, pourvu de se débarrasser de quelques mauvais réflexes, et, s'il venait à me rester 20mn de libres par semaine (ce qui en ce moment est très improbable mais ya pas le feu au lac), je pense que je lui donnerais encore une ou deux semaines pour se décider et s'épanouir dans un sens ou dans l'autre.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Sons of Tucson de SeriesLive.

6 septembre 2013

Three strikes

C'est officiellement la rentrée ! Oui, je sais, à peu près quinze fois par jours en ce mois de septembre, quelqu'un, quelque part, avec des intentions douteuses, utilise le mot "rentrée", et ça commence à vous faire suer. Mais là c'est vraiment dans le bon sens ! Et c'est parce que c'est vraiment la rentrée, pas parce qu'on sent que l'été est fini ! Je vous explique.
Avec la découverte des premiers pilotes, on peut dire que les choses sérieuses ont vraiment commencé. C'est pas comme cet été, où téléphagiquement, on n'a rien fait de nos vies (à part, vous savez, découvrir Orange is the new black en moins de 24h), non là, on y est, on va commencer à se gorger de pilotes notamment américains, ça va être l'orgie.

Osez me dire qu'une orgie de pilote n'est pas LE rêve de tout téléphage, hein ? Ouais, pas à moi s'il vous plaît.

Donc nous y voilà. Bon alors certes, dans le temps, les premiers pilotes de la saison apparaissaient à la télévision, par sur le net. Autres temps, autres moeurs. Mais c'était aussi une époque à laquelle c'était The CW qui nous fournissait les premiers pilotes de la rentrée, c'est comme ça que vous voulez commencer la saison, hein, dites, c'est comme ça ?!

Joie en la demeure, donc, la première série de la saison américaine sera une comédie d'ABC. Mille hourras !

TrophyWife

Et donc ça c'était la bonne nouvelle. Parce que le pilote de Back in the Game n'était pas forcément une option palpitante pour s'atteler à la rentrée non plus. Je vous arrête tout de suite, j'ai regardé le pilote de Trophy Wife également, et ce n'était pas tellement mieux, donc ce n'est pas un problème de choix de ma part.
Le problème serait plutôt que les séries que j'ai le plus envie de découvrir quand arrive une nouvelle saison sont les dramas, pas les comédies. Je n'étais juste pas du tout d'humeur pour des comédies. Et à plus forte raison des comédies aussi peu affolantes que celles-ci. Oui, j'ai bien conscience que le problème vient de moi.

Ce soir, on va simplement parler de Back in the Game, mais beaucoup de mes reproches à ce pilotes s'adresseront également à Trophy Wife, comme nous le verrons dans un post antérieur (que, j'en suis sûre, vous avez à présent une ardente envie de découvrir).

Le pilote de Back in the Game se base sur une idée manquant totalement de... tout. En fait, c'est à se demander s'il y a une idée. Comment peut-on pitcher comme celle-là pour réussir à faire en sorte que votre interlocuteur se dise qu'elle a du potentiel pour être drôle, c'est un véritable mystère à mes yeux. L'histoire de départ est donc qu'une jeune femme, Terry, récemment divorcée et son fils sous le bras, est revenue vivre avec son père, surnommé The Gannon.
Ce père désastreux (enfin, surtout mal dégrossi, en-dehors de ça il est assez inoffensif) n'a qu'une obsession, le baseball ; il a déjà poussé sa fille à en faire, maintenant il va pousser son petit-fils. Soit.

Sauf que la façon dont Back in the Game entame son pilote ne laisse pas beaucoup entrevoir le comique de cette situation, s'il existe. Au contraire, après avoir fait croire que le père comme la fille ont une personnalité dysfonctionnelle ébouriffante, on passe à une longue séquence passablement bavarde, dénuée de toute drôlerie mais aussi d'émotion, des fois qu'on aurait cru pouvoir, je sais pas moi, s'émouvoir devant une série. J'ai eu des détartrages qui étaient plus excitants que ce pilote. C'est long, c'est pas drôle, et ça semble durer des plombes.
Le seul passage où j'ai un peu souri, c'est lorsque Terry rencontre Lulu, car Lulu, ELLE, est drôle. Un peu. Manque de chance, elle n'apparaîtra que pour remplir ses obligations d'exposition (ainsi que son fils, dans une moindre mesure), pour ensuite devenir totalement invisible, et seulement prononcer une phrase et demie au moment où le scénario aura besoin d'argent, vu que Lulu est riche.

C'est à dire quand les scénaristes de Back in the Game (je présume qu'ils sont plusieurs, mais là comme ça, ça n'est pas une évidence en regardant l'épisode) ont besoin de trouver une galipette par laquelle Terry va entraîner l'équipe de baseball de son fils, et qu'elle va devoir le faire avec le Cannon, et que ce sera fait avec de grosses tatanes. Personne n'aura l'idée d'intégrer Lulu à l'équipe, ce qui fait que tout espoir pour moi de sourire a totalement disparu. En théorie ce ne serait pas gravissime si on riait, ne serait-ce que d'un rire intérieur, mais on ne rit pas. Ni rien d'autre, comme je le disais.
La longue scène du premier entraînement de l'équipe de baseball ne relève pas tant du divertissement que de la corvée ; d'autant que les gamins constituant l'équipe ne sont pas spécialement porteurs de répliques foudroyantes ou de gags épatants.

Personnages sans intérêt, pas de drôlerie, et des séquences longues comme un jour sans pain ? Pas vraiment de quoi donner envie de suivre la série lorsqu'elle démarrera réellement, un peu plus tard ce mois-ci.
Ce n'est même pas nul : si c'était nul, je pourrais dire que je me suis moquée, que je me suis pris la tête entre les mains, que j'ai essayé de m'exorbiter avec mes pouces, quelque chose. Mais là c'est juste tiède et faiblard et vidé de toute forme d'intérêt.

We're back in the game, mais vraiment, il faudrait mieux choisir le lanceur.

15 juin 2013

[#Ozmarathon] 6x03, dernières mesures

C'était une jolie idée que d'avoir Dobbins comme "narrateur" de cet épisode, d'inviter l'un des personnages les plus muets de la série à commenter pour nous les choses. Malheureusement, cette idée n'est pas exactement aussi bien amenée qu'il le faudrait ; Augustus Hill est toujours là pour apporter son petit monologue, rendant assez inefficaces les interludes musicaux du violoncelliste. Peut-être qu'Oz aurait dû jouer le jeu tout-à-fait, et proposer un épisode silencieux, comme Buffy l'avait tenté (et réussi) quelques années plus tôt. Mais dans les coulisses d'Oz, on aime bien trop l'approche théâtrale pour mener cette expérience jusqu'au bout... résultat ? Eh bien résultat, un épisode qui manque un peu d'énergie.

Ozmarathon-6x03

C'est un charmant homme que ce maire Loewen. On n'avait pas encore eu vraiment l'occasion de faire sa connaissance, mais le début de cet épisode nous en donne la plus sympathique des occasions, alors que le vieux con rive d'abord son clou à Schillinger, avant de remonter les bretelles sur exactement le même ton au gouverneur Devlin. Il rappelle à celui-ci le sens des priorités : Devlin lui avait promis qu'il ne passerait pas UN jour en prison, et même si les quartiers devaient flamber, la moindre des choses était d'envoyer la garde, jeter des fumigènes, et tenir sa putain de promesse !
Mais, à peine le temps d'apprendre à le connaître, et déjà le voilà hors-jeu : alors qu'il a sa propre chambre dans l'aile médicale, quelqu'un vient lui ajouter un sourire dans le cou. Il va nous manquer, ce con. NOT. En tous cas, sa mort met tout le monde d'accord. Fait suffisamment rare pour être noté.

Ce n'est un secret pour personne que j'adore Patti LuPone ; j'adore aussi son personnage de Stella, ce qui n'arrange rien, et cet épisode n'est pas fait pour m'inciter au contraire. Après avoir badiné de la plus littéraire façon avec Rebadow ("pour moi, les hommes sont comme les livres... je les lis, je les ferme et je passe au suivant"), elle décide de prendre en charge un prisonnier de 18 ans qui a tenté de tuer quelqu'un avec un bouquin emprunté à la bibliothèque. La détermination de cette femme, le fait qu'absolument rien ne semble la désarçonner, ont de quoi forcer l'admiration. Je pourrais regarder un spin-off entièrement centré sur Stella et... sa Bibliothèque de l'Ephémère Rédemption.

Tout aussi éphémère est le sentiment d'espoir qui plannait sur Ryan dans l'épisode précédent, alors que les choses semblent de plus en plus mal engagées pour notre petit Cyril. D'abord, c'est la personnalité perverse de Jericho qui cause du soucis : Cyril refuse de s'en séparer, et lorsque Sister Peter Marie tente de lui retirer la chaussette, il s'énerve et finit par lui faire mal ; cette fois, on a atteint le point de non-retour avec cette nouvelle "aggression". Le problème, encore et toujours, vient du fait que Cyril est légèrement attardé, ce qui complique son exécution ; du point de vue de l'administration, Devlin en tête, la seule solution est de faire en sorte que Cyril aille mieux, soit soigné, ce qui le rendra tout-à-fait apte à être exécuté ; l'ironie du sort étant que, s'il avait été soigné plus tôt, il n'en serait sûrement pas arrivé là. Pire encore, la seule option de soin envisagée est une thérapie par électro-chocs. S'il a légèrement du mal à se laisser convaincre, Glynn finit par donner son autorisation (avec les histoires de quartier d'isolement toxique, il a bien assez de choses à gérer après tout, puisqu'il vient de faire une déclaration à la presse pour admettre les torts d'Oswald en la matière), d'autant que Seamus O'Reily a donné son accord en tant que "père" (j'ai du mal à ne pas mettre de guillements) et que le dossier a, en gros, été bouclé avant même qu'on ne lui en parle. En fait, même Sister Pete semble découragée, et ne lutte pas contre cette décision. Personne ne se dresse entre Cyril et les électrodes, si ce n'est Ryan, vite ramené au bon sens ou, plutôt, à son impuissance. Sister P finira par aller annoncer la nouvelle à Ryan, ainsi qu'une autre : le dossier de Cyril a avancé, il sera exécuté dans un peu plus de trois semaines.
Si Ryan a toujours été un pragmatique, sa réponse surprend devant ces évènements. "I have faith", répondra-t-il à la nonne qui en manque grandement dans cet épisode. Il est convaincu qu'il y a une issue positive possible, il veut en tous cas en être convaincu, craignant d'être anéanti par toute pensée contraire. Et, Ryan, j'ai beau avoir foi en toi d'habitude, penser que tu peux toujours trouver la combine qui te sauvera, que ton intellect dépasse tous les obstacles qui se sont jusque là dressés sur ta route, je crains un peu de te voir t'enfoncer dans un déni éloigné de toute réalité. En voyant Cyril baver et écarquiller les yeux, après sa première séance d'électrochocs, je ne crois plus vraiment en rien pour lui...

Comme pour mieux nous déchirer l'âme, parce que ce n'était pas encore assez, l'épisode se finit de façon traumatique. Alors que Kareem Saïd, enthousiaste et plein de fougue, monte son projet (il a décidé de se lancer dans le business de l'édition afin de faciliter la sortie du livre d'Augustus Hill), alors qu'il vient de galvaniser ses troupes, prêtes à se donner corps et âme dans ce projet, alors qu'il a convaincu Glynn et McManus de monter son entreprise entre les murs d'Oswald... il est assassiné sous nos yeux.

Ces dernières notes jouées par Oz sont terriblement cruelles. Comme pour nous préparer aux adieux, la série fait table rase de tout, de tout ce qui pouvait rester de positif.
"This is not goodbye", assure Beecher sur le pallier de la porte d'Oswald. Mais presque.

28 avril 2013

Sous les pavés... rien

SeriesMania-Saison4-Logo

Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de découvrir une série venue de République Tchèque ; pour moi, c'était d'ailleurs la première fois, pour ce dernier jour de la semaine Séries Mania. Hořící Keř (dévoilée aux festivaliers sous le titre Burning Bush) est une mini-séries en trois épisodes qui, paradoxalement, si sa réalisatrice n'avait pu tenir une conférence pendant 1h30, aurait sûrement pu jouir d'une diffusion intégrale pendant le festival comme cela a été le cas de Torka Aldrig Tårar Utan Handskar ; il nous aura fallu nous contenter aujourd'hui du premier volet.

Enfin, je ne dis ça, mais je ne serais probablement pas restée pour plus d'un épisode de toute façon. Agnieszka Holland, réalisatrice de Hořící Keř, a un style bien à elle, mais la voir à l'oeuvre pendant 1h24 ne m'a pas spécialement emplie d'une joie téléphagique intense. Pour une histoire aussi émouvante que celle choisie, Hořící Keř manque d'émotion.
Tout commence en effet lorsqu'un jeune homme, Jan Palach, s'immole en janvier 1969 afin de protester contre l'occupation soviétique, promettant dans une lettre qu'il laisse derrière lui que d'autres le suivront. Outre le choc que cet évènement génère auprès du public, et bien-sûr de ses proches, la série s'intéresse à une avocate qui va se trouver impliquée dans cette affaire, ainsi qu'un flic chargé de savoir si oui ou non, d'autres immolations suivront, ou si Palach était un homme isolé.

Il s'est passé à peu près 12 secondes, au début de l'épisode, pendant lesquelles j'ai été emplie d'horreur : quand celui que nous ne savions pas encore qu'il était Palach s'est renversé un premier sceau sur la tête. Malheureusement, tout le reste n'a été qu'ennui et torpeur, car même la séquence pendant laquelle la torche humaine, désemparée, traverse la rue en hurlant de douleur, effrayant les passants aux alentours, ne contenait déjà plus la moindre émotion. Là où le premier épisode va nous répéter à plusieurs reprises que la tentative de suicide (Palach survit en effet, un temps, à ses blessures - c'est pas spoiler si c'est dans les livres d'Histoire !) est devenue un deuil national, la mini-série se contente de nous montrer, comme dans un inventaire à la Prévert des réactions de chacun, des personnages auxquels il est impossible de se connecter. L'empathie ne fonctionne pas du tout devant ces gens qui, tour à tour, prennent connaissance de la tragédie. C'est même assez incroyable d'être capable d'offrir des scènes si longues et de ne pas en sortir la plus petite goutte d'émotion. Qu'il s'agisse du frère aîné de Jan, sa mère, l'avocate, le flic, les jeunes étudiants qui veulent organiser une grève nationale, et sûrement le mari de la boulangère, conservent toujours une certaine distance ; ça n'empêche pas la camera de les suivre pendant des plombes, mais on ne ressent RIEN. Et croyez-moi j'étais la première surprise.

Lors de la discussion avec Agnieszka Holland, après la projection, j'ai mieux compris d'où cela venait. Les différents extraits avaient tous un immense point commun : celui d'être longs, silencieux (même quand il y a des dialogues), chirurgicaux, vidés de toute énergie. Holland semble capable de disséquer les histoires qu'elle met en image comme un étudiant en biologie dissecte un batracien : en oubliant de s'émouvoir du coeur qui bat sous son scalpel. Accessoirement j'ai mieux compris pourquoi je n'avais jamais aeu envie d'aller plus loin que le pilote de Treme. La réalisation de Holland agit comme un garde-fou pour empêcher d'accéder à quelque chose de vibrant ; ça colle cela dit assez bien avec l'univers de Hořící Keř tel qu'il nous est présenté, un monde où l'anormal est devenu normal (ce que soulignera notre avocate à un moment : "Qu'est-ce qui est normal ? Des chars dans les rues ? Des coups de feu en plein milieu de la journée ? Aujourd'hui, ce qui est normal ne l'était pas il y a 6 mois"), et dans ce climat d'acceptation apathique générale, ou, au mieux, d'impuissance pour les rares qui osent remettre le nouvel ordre établi en question, le ton glacial et distant est finalement bien vu. Mais en tant que spectatrice, j'y réagis mal. J'attends de me lier aux personnages, pas de les couver du regard en me disant que leur réaction est compréhensible, mais que je ne la partage pas. Ne pas être capable de partager quelque chose que la série elle-même définit comme un "drame national" m'a énormément manqué.

Et tout cela est d'autant plus étonnant que la réalisatrice avait 17 ans quand elle est venue étudier le cinéma à Prague, et 18 ans quand les évènements racontés dans Hořící Keř ont eu lieu. Quel dommage d'investir si peu ce drame qu'elle a pourtant vécu aux premières loges ! Elle nous a expliqué : "pendant longtemps, il a été politiquement impossible de raconter ces évènements. C'était tourné en comédie absurde dans les fictions", et "c'était un deuil national, mais les gens ont très vite oublié". Difficile de ne pas inclure Holland dans le lot, tant elle semble déconnectée de tout ce qu'elle nous montre.
Le frère aîné de Jan Palach, Jiri Palach, apparaissait dans les remerciements du générique de fin de Hořící Keř ; je me demande quelle a été sa participation à la mini-série, et surtout, si lui a pu reconnaître ses émotions passées dans cette litanie de scènes lentes et austères.

J'aurais aimé que ma première série tchèque soit une expérience plus positive ; ce n'est jamais bon de ne pas aimer la première fiction qu'on rencontre d'un pays, ça a tendance à fausser les découvertes ultérieures (de la même façon qu'un coup de coeur a tendance à créer un a priori positif systématique). Tant pis, je n'ai rien ressenti devant Hořící Keř, c'est comme ça. Mais au moins, ça m'aura donné l'occasion d'aller faire un peu de lecture sur Jan Palach, et donc sur l'Histoire tchèque. On ne dira jamais assez combien les séries étrangères sont aussi une façon de faire la lumière sur l'Histoire de pays dont nos études ne nous ont rien appris ou si peu ; c'est déjà ça de prix, c'est déjà ça que la série aura su apporter. Mais on ne m'ôtera pas de l'idée que c'est dommage de ne pas avoir pu aller plus loin que cela...

HoriciKer

Voilà, la semaine Séries Mania s'achève sur ce blog ! Il aurait fallu en dire bien plus sur les projections, les conférences, et tout et tout, mais bon... Vous avez déjà pas mal de lecture !
J'espère que cette semaine exceptionnelle de posts quotidiens vous a plu... mais que vous ne vous êtes pas trop habitués, le blog repasse à un rythme hebdomadaire. A vendredi !

20 février 2013

Shopping

Shinryouchuu

"T'as combien sur toi, là ?
- Attends, je regarde... mouais, même pas 2 millions. Et ptet un peu de monnaie dans ma veste, faudrait que je vérifie.
- 2 millions ?! ...Mais tu parles en yen ou en shekel ?
- Bah ! En yen.
- Ouais donc c'est mort, quoi.
- Pourquoi, qu'est-ce que tu as vu ?
- Le stand, là-bas... ils vendent les droits d'adaptation d'une super série, et tous les scripts de la première saison !
- Quoi, eux ? Laisse tomber.
- Pourquoi ?
- Parce que, c'est complètement hors de prix. Tu devrais voir ce que les Québécois ont raqué il y a pas si longtemps, on n'aura jamais le budget.
- Mais c'est génial, leur concept avec le psy et tout !
- Bien-sûr que c'est génial, pourquoi tu crois que la moitié de la planète en fait des remakes ?
- On fait quoi alors ?
- Bah on pourrait avancer dans l'allée et faire un tour près du stand Globo, si tu veux, histoire de rigoler devant les affiches des telenovelas ?
- Chais pas, j'en ai marre, on a encore rien acheté au MIPTV, c'est la loose, en plus j'ai mal aux pieds, je veux rentrer à l'hôtel...
- Booon, bah on rentre à l'hôtel.
- Sérieux, ça t'ennuie pas ?
- Non, c'est pas grave, on va rentrer bredouille, on fera trois-quatre courbettes piteuses devant le patron, et puis comme d'hab on expliquera que les scénaristes doivent trouver le moyen d'adapter une série étrangère sans en avoir l'air.
- C'est vrai que jusque là, ça a toujours marché.
- Exactement ! Pourquoi tuer la poule aux oeufs d'or ? Au pire on mettra "inspiré par BeTipul" quelque part, et puis ce sera réglé !
- Nan mais c'est vrai, si on est réalistes, depuis quand les chaînes japonaises ont besoin d'acheter les droits d'adaptation de quoi que ce soit ?
- Aha, t'es con, dis pas ça, ça nous fait une semaine de vacances à Cannes chaque année !
- Allez, viens, on va mater les affiches des telenovelas avec les pétasses sud-américaines à gros seins.
- Oho, ouais ! 'Pis regarde ce que j'ai trouvé dans ma veste : une flasque de rhum que j'avais achetée en duty-free.
- Eh bah j'ai plus mal aux pieds, moi !"

18 février 2013

You lost me at "ristorante"

Un pilote, c'est trompeur. On pense qu'une série va prendre une direction, mais un épisode inaugural n'est en rien un engagement contractuel vis-à-vis du spectateur. D'ailleurs, vous êtes bien placés pour savoir qu'il n'y a jamais aucun engagement contractuel entre une série et un spectateur, et que toute série se réserve le droit de n'en avoir rien à foutre des effets de ses décisions sur son audience, si jamais ça lui chante. Souvent, c'est le droit le plus strict du showrunner et/ou de la production de prendre les orientations qui lui chante, mais parfois, cela ressemble à une trahison ; l'avantage c'est que, le spectateur lui-même n'étant engagé par aucune sorte de contrat, il peut très bien cesser de regarder la série quand ça lui chante. Et c'est ainsi qu'est préservé, dans la majorité des cas, un certain équilibre dans le "rapport de forces".
Cependant, un pilote, c'est trompeur, et il arrive que les épisodes qui le suivent explorent d'autres possibilités du pitch d'origine.
Et je suis la première à l'admettre, toute pilotovore que je sois : il faut savoir se méfier des pilotes.

Mais je dois reconnaître qu'en matière de séries, je suis plus rarement sur mes gardes, disons, en Asie, qu'aux USA. Cela vient de la pratique totalement différente : aux Etats-Unis, d'abord on crée une série, ensuite on essaye de la faire durer aussi longtemps que possible. Ca aboutit à des fleuves vidés de toute substance, parfois, quand la plaisanterie aurait gagné à être plus courte mais que, pour une raison X ou Y (audiences, rentabilité, etc.), la série vit plus vieille qu'elle ne devrait.
Dans les pays asiatiques, la question ne se pose pas. Le renouvellement ne tombant pas sous le sens, toute nouvelle série débarque avec la conviction qu'il n'y aura qu'une seule saison. Cette saison peut durer un nombre variable d'épisodes, selon un certain nombre de critères (habitudes nationales, pratiques de la chaîne, rythme de diffusion, etc...), par exemple la Corée du Sud a plus facilement des séries avec deux à trois dizaines d'épisodes, là où le Japon a, hormi quelques exceptions (notamment sur la NHK où il y a une série annuelle et deux séries semestrielles par an), tendance à favoriser la douzaine, voire la demi-douzaine. Accessoiremment, je suis pas au top sur les séries de Hong Kong, mais j'ai vu que Inbound Troubles s'était achevée au terme de 20 épisodes, voyez, là aussi on est dans le même esprit.
Bon. C'était un petit rappel juste pour qu'on soit sûrs de parler de la même chose.

Mais en conséquence, j'ai tendance à faire extrêmement confiance à un pilote de série japonaise. S'il n'y a qu'une douzaine, grand maximum, d'épisodes derrière pour conclure la saison, je m'autorise à imaginer que le pilote est représentatif de la série.

C'est une erreur que j'ai fait par le passé avec Cleopatra na Onnatachi, et c'est une erreur que je suis en train de refaire avec dinner, à la différence que ça me coûte beaucoup plus avec dinner dont j'avais absolument adoré le pilote.

dinner-Roccabianca

dinner prétendait parler d'un ristorante à la dérive, et il était permis de penser, au terme de son pilote, que ce serait là son sujet. Et comme la série avait trouvé un ton qui lui était personnel, qui faisait preuve de chaleur et de personnalité, elle devenait plaisante à suite. Ainsi qu'à cause de son sujet-même, puisque, vous le savez maintenant, j'ai un méchant biais envers les séries qui se passent en cuisine.
Enorme erreur. En deux épisodes... disons, bon allez, deux épisodes et demi, l'affaire était classée. Et désormais, dinner n'est qu'une série se déroulant dans un restaurant. On s'intéresse à ses personnages et à leurs histoires personnelles, mais à quelques détails près, ces mêmes histoires pourraient se dérouler dans n'importe quel milieu professionnel. Certains personnages qui étaient bien écrits au départ, équilibrés, comme par exemple la manager Saori, sont devenus stéréotypés au possible, et d'autres ne doivent leur salut qu'à l'interprétation et sûrement pas au scénario, à l'instar du chef Ezaki. De gros trous sont apparus dans le contexte-même de la série (l'un, et non des moindres, étant qu'on n'a aucune idée de ce qui est arrivé au chef Tatsumi, qui apparemment est plongé dans le coma sans que sa fille n'aille le voir, ou qui a été peut-être enterré dans la plus grande indifférence, allez savoir ; je ne peux imaginer qu'il soit simplement en convalescence, car sinon quelqu'un aurait forcément eu l'idée de lui poser des questions sur la meilleure façon de gérer le restaurant, n'est-ce pas ?).

L'affront ultime m'a été fait dans le 5e épisode, dans lequel on a droit à absolument tous les clichés de la comédie romantique de pacotille. Et vous savez combien je suis irritable en matière de romances...

Je ne dirai pas que le divorce d'avec dinner est, hm... consommé, parce qu'au point où j'en suis, il reste une poignée d'épisodes à diffuser, grosso-modo j'ai fait la moitié du chemin, ce serait trop bête d'arrêter maintenant. Mais je suis très, très déçue, et je ne vais plus dévorer les épisodes comme je l'ai fait jusque là, mais plutôt les regarder quand je n'ai plus rien à voir (c'est très mauvais signe que je dise ça, vous vous doutez bien qu'en tant que pilotovore, j'ai toujours des trucs à voir). Accessoirement, Fuji TV a annoncé ne plus vouloir diffuser de série dans la case horaire qui actuellement celle de dinner, le dimanche soir à 21h, eh bien, je le vis beaucoup mieux maintenant, pour tout vous dire.

A l'issue de ce 5e épisode, et alors que le 4e avait déjà bien calmé mes ardeurs, mon premier réflexe a été de me demander si je ne m'étais pas emballée trop vite... mais, oho, ça se saurait si c'était mon genre ! J'ai donc jeté un nouveau coup d'oeil au pilote et, non, vraiment, le pilote de dinner me plait toujours. Peut-être un peu moins maintenant que je sais comment les choses ont tourné, mais en-dehors de ça, non vraiment, c'est un chouette pilote.
Simplement, un pilote, c'est trompeur. Une leçon, un cautionary tale qu'il faudrait que je garde à l'esprit pour le prochain pilote asiatique que je tenterai... eh bien, ce soir, et à vrai dire, peut-être demain aussi.
...Héhé, bah oui : j'apprends vite, mais il faut m'expliquer souvent.

30 janvier 2013

They don't have a name for what it is

Je commence un peu à désespérer de ce mois de janvier américain, je vous l'avoue. whisperintherain et moi-même avons résolu de regarder puis reviewer un maximum de pilotes cette saison, mais parfois cela ressemble à un sacerdoce. Les déceptions se multiplient et du coup, à chaque pilote, les espoirs sont plus grands encore. Le pilote de The Following sera-t-il celui qui remontera la moyenne de cette morne mid-season ? Sans plus de suspense, la réponse...

TheFollowing

Soyons réalistes : l'écriture de séries, ce n'est pas de la médecine de pointe.
On ne saurait exiger des scénaristes, comme on le fait des praticiens, qu'ils aient une obligation de formation continue afin de se tenir au courant des dernières innovations. Oh, évidemment, on peut se perdre en conjectures, et imaginer que des séminaires gigantesques seraient organisés afin de disséquer la structure narrative expérimentale d'un collègue ; que des visiteurs scénaristiques viendraient régulièrement faire le tour des writers' room avec des échantillons de scripts ultra-performants ; et que, pour finir, les spectateurs maltraités par des épisodes piteux pourraient se retourner contre les scénaristes peu scrupuleux pour négligence caractérisée.
Mais nous ne vivons pas dans ce genre de société, et jusqu'à nouvel ordre, rien n'oblige un scénariste, ou une équipe de scénaristes, à se tenir au courant des "avancées" narratives des séries de la concurrence.

Mais tout de même. Il y a des questions à se poser sur une série qui aurait pu être écrite exactement de la même façon dix années plus tôt. C'est le cas de The Following, qui fait peu de cas de tout ce que le spectateur a pu voir, sur le sujet du crime ou pas, depuis. Et Dieu sait que des criminels, on en a vu défiler quelques uns !

Il est très triste, pour ne pas dire pénible, de voir une série s'intituler "following" et, par exemple, traiter aussi mal la façon dont son personnage de psychopathe a pu se créer un réseau de "suiveurs". Et ce n'est pas un point de détail : quand un enquêteur soit-disant très qualifié prétend que Joe Carroll a trouvé des admirateurs via "dedicated web sites, over a thousand blogs, chat rooms, online forums", il y a de quoi rester sceptique... Vraiment ? Et pas les réseaux sociaux ? Comment peut-on lancer un thriller moderne, une partie d'échecs avec un esprit extrêmement intelligent et machiavélique, et l'écrire encore comme si les moyens d'accomplir un plan ou de créer un réseau terrifiant sur internet étaient les mêmes qu'il y a une décennie ?
Ce n'est pas anodin parce que ce genre de choses montre combien The Following est peu engagée dans son sujet, celui dont elle porte le nom, celui de la quasi-secte qui se crée autour de son criminel ; la série tente juste de reprendre à son compte des recettes vue des dizaines de fois, le face à face entre Carroll, le criminel à l'intelligence dangereusement fascinante, et Hardy, le justicier brisé qui ne vit que pour son enquête ; il s'agit tout juste de les rafraîchir, et encore. Je n'ai à l'heure actuelle vu que le pilote de The Following, évidemment, mais je ne suis pas totalement convaincue de l'absence de redondance entre The Following et Hannibal, par exemple, tant le face à face me semble similaire pour le moment.
Ce qui devrait faire toute l'originalité de The Following semble n'avoir pas été vue comme un véritable outil, mais plus comme un gadget scénaristique permettant de cyloniser les "bad guys" de la série : attention, ce pourrait être absolument n'importe qui, et nous nous réservons le droit à tout instant de lever le voile sur une partie du réseau tentaculaire de l'ennemi de notre héros.
Dans cette perspective, The Following ne fait pas grand'chose d'autre que de jalonner son épisode inaugural de visages dont on finit par se douter, au bout de trois quarts d'heure, qu'on ne peut leur faire confiance (ce sera notamment le cas à la toute fin du pilote, d'une fénéantise à faire peur, et prévisible au possible ; c'est emmerdant, on parle là de la scène de fin du pilote, supposée donnée des frissons partout pour revenir la semaine suivante).

Sur un aspect similaire, les références assez peu fines et à peine plus subtilement infusées à l'oeuvre de Poe, martelées à n'en plus finir jusqu'à ce que le spectateur, exaspéré, brûle sa bibliothèque dans un ultime accès de rage, montrent le plus souvent que la littérature cauchemardesque de l'auteur a fait l'objet de lectures soutenues de la part des scénaristes, mais qu'il n'en a été fait aucune interprétation pour la série, plaquant l'oeuvre du romancier américain comme on plaque un diagnostic psychiatrique. La fiche de lecture est assez scolaire, à plus forte raison lorsqu'elle s'applique à du profilage : Poe écrivait ci, donc Carroll veut faire cela. Le ton professoral des enquêteurs donne de surcroît plus l'impression d'assister à un cours magistral que d'entrer dans la tête du tueur.
Il aurait peut-être fallu pénétrer réellement dans l'univers de l'écrivain, provoquer une immersion quitte à créer le malaise ; mais cela aurait impliqué trop de recherche esthétique, sans doute, pour que The Following ne s'y risque. On se contentera donc de quelques tirades littéraires un peu plaquées du genre : "He cut out his victims' eyes as a nod to his favorite works of Poe, The Tell-Tale Heart and The Black Cat. See, Poe believed the eyes are our identity, windows to our soul. To classify him as a piquerist would be... too simplistic".
Que The Following ne parte pas du principe que son spectateur connait Poe sur le bout des doigts est une chose (dont je la remercie, car moi-même ne me pose pas en experte), mais qu'elle se contente de quelques poncifs strictement pédagogiques n'aide pas vraiment à se mettre dans l'ambiance. Or, l'ambiance, dans un thriller, n'est-ce pas supposé être important ?

Ce n'est pas que The Following n'ait que des défauts, cependant.
Même si ses personnages sont posés très exactement là où on les attend, avec un héros abimé et à peine fonctionnel qui va quand même reprendre du service, et un monstre poli et cultivé qui charme son prochain aussi sûrement qu'il espère le dépecer, avec une rimbambelle de seconds rôles transparents, ces personnages parviennent à se trouver quelques scènes réussies.
En particulier, Ryan Hardy, incarné par Kevin Bacon, a quelques bonnes scènes assez émouvantes que je ne m'attendais pas de trouver avec un tel degré. Ce personnage conçu pour être cassé d'emblée s'étoffe grâce à la pratique fréquente des flashbacks, parfois un peu brutaux dans la façon dont ils sont amenés sur le tapis, mais plutôt bien construits pour glisser un doigt prudent sur les craquelures du héros et sentir les aspérités de sa carcasse blessée. Ces séquences fonctionnent parce que The Following réussit en fait plutôt bien en matière de drama, rendant son personnage accessible au spectateur, ce qui compense pour l'aspect thriller sans surprise que j'évoquais plus haut. Le rapport que Hardy entretient avec plusieurs figures de la première enquête autour de Carroll, essentiellement féminines, est montré sous un angle qui parfois parvient même à être touchant. Vu le rythme enlevé de l'épisode, les flashbacks réguliers à différents moments de la timeline du héros, et le nombre de personnages introduits en général, on pourrait presque parler de prouesse tant cela n'était pas franchement garanti d'emblée. Et c'est tant mieux, car c'est la seule et unique raison pour laquelle le final de l'épisode parvient à arracher quelque émotion au spectateur.

Cependant, là encore et même là, il y a quelques bémols. En-dehors du duo central formé par les némésis Hardy/Carroll, les personnages qui gravitent autour d'eux sont creux et transparents ; chacun se conforme à son stéréotype, la fliquette dure, le jeune chien fou passionné, etc... Le problème c'est que ces personnages n'ont pas l'honneur d'un approfondissement tel que celui dont Hardy profite, et à travers lui, Carroll.
Les personnages féminins, en particuliers, sont d'une énorme lourdeur : la pseudo-partenaire mal lunée qui ne se laisse pas faire et garde le regard froid, la victime perpétuelle qu'il faut à tout prix protéger, et l'ancien amour pour lequel la passion brûle toujours. Si l'un ou l'autre de ces personnages (pourtant pas trop mal castés à vue de nez) peut offrir la moindre profondeur à l'avenir, ce sera un véritable élément de surprise (mais j'ai cru comprendre qu'au moins l'un de ces personnages n'était déjà plus présent dans l'épisode 1x02 ; on verra). Non qu'une série se juge à l'aune de ses personnages féminins, évidemment, mais l'abus de cliché nuit gravement à la santé.

Bien plus consensuelle qu'elle ne veut bien l'admettre, The Following n'a pas beaucoup à offrir au spectateur exigeant.
Elle remplit son office, bien-sûr : c'est la moindre des choses. Le pire qui puisse lui arriver est de perdre son efficacité, toute balisée soit-elle par les codes du genre.
Mais pour le reste, on peut se brosser : aucun passage de ce pilote ne fait la moindre démonstration d'une envie de nous couper le souffle ou de nous retourner, si ce n'est à travers quelques visions cauchemardesques et souvent sanglantes qui, je suis au regret de vous le dire, ne m'ont pas émue (par contre je me suis tordue d'horreur devant Utopia, donc je pense pouvoir avancer que ça ne vient pas du fait que je sois blasée). Il n'y a pas de concept foudroyant derrière The Following, il n'y a pas non plus, pour autant qu'on puisse en juger ici, de bouleversement dans la façon de conduire l'investigation, il y a simplement l'envie de faire du neuf avec du vieux.
D'aucuns s'en satisferont, je n'en doute pas. Mais je n'en ferai pas partie.

Challenge20122013

9 février 2013

You had me at "ristorante"

Il y a peu de souvenirs de mon enfance que j'aimerais pouvoir revivre ou recréer ; mais quelques uns de mes moments préférés ont été passés dans la cuisine de mes parents. J'ai passé de nombreuses heures, assise sur une des chaises en bois, évitant d'être dans le passage, à simplement regarder ma mère préparer le déjeuner, le dîner, ou à faire de la pâtisserie. Existe-t'il quelque chose de plus agréable que d'être dans la chaleur de la cuisine, avec toutes les bonnes odeurs de nourriture, et à regarder quelqu'un s'affairer ? Sentir le feu des casseroles, entendre le clapotis d'une sauce portée à ébullition, déceler l'ingrédient qu'on n'a pas encore goûté mais qui embaume toute la pièce, voir les vitres se couvrir d'une buée qu'on devine gorgée de sel et d'épices... autant de sensations, avec quelques autres, qui sont pour moi restées incomparables.
Ce n'est pas que ma mère était une cuisinière exceptionnelle ; en fait, même avec toute mon ignorance enfantine et mon palais peu éduqué, je n'aurais jamais prétendu une telle chose, même à l'époque. Nos dîners familiaux n'étaient pas de la grande cuisine, et aucun de nous n'était un gourmet, ni n'en avait seulement l'ambition. Plus tard, bien plus tard, j'allais découvrir dans la famille de l'un de mes petits amis un vrai gastronome, du genre à faire ses courses à quatre endroits différents chaque weekend juste pour avoir de vrais, de bons produits ; chez nous, c'était chipolatas Carrefour mais ça m'était égal. Ce n'était pas ça l'important. C'était simplement qu'il est terriblement agréable de regarder quelqu'un cuisiner. A la limite, peu importe le résultat, pourvu que les casseroles fassent du bruit et que la cuisine soit plusieurs degrés plus chaude que le reste de la maison !

C'est un sentiment qui ne m'a jamais quittée. Encore aujourd'hui, j'ai cette fascination pour les gestes à la fois mécaniques et absorbés que requièrent la cuisine et la pâtisserie. Evidemment, la perspective d'ensuite goûter les plats ainsi préparés ne gâche pas le plaisir, ne nous mentons pas ; mais celui-ci tient quand même essentiellement dans le ballet de mouvements, de sons et d'odeurs qui rendent une cuisine vivante. Et parfois, dans le secret de ma propre cuisine, je voudrais m'asseoir et regarder quelqu'un d'autre salir des casseroles ; c'est le seul moment de mon enfance auquel je pense avec une nostalgie émue.

Je n'ai jamais vraiment quitté ma chaise en bois, quand j'y pense. J'aime toujours trouver le point de vue imprenable qui me permet de regarder quelqu'un cuisiner pendant des heures.

dinner

C'est en passant quelques heures devant Raw (car hélas j'ai bientôt fini la courte saison 1, et je ne suis pas sûre de trouver la saison 2 très vite) que je me suis souvenue que, cette saison, le Japon avait également une série sur la cuisine à me proposer. dinner, c'est son nom, a commencé depuis un mois, et il était plus que temps que je m'attèle à son pilote.

Et comme j'ai bien fait, oh oui ! dinner est définitivement dans la moyenne supérieure des séries sur la cuisine, et Dieu sait qu'il y en a quelques unes en Asie. L'histoire est pourtant relativement classique ; laissez-moi vous la raconter.
dinner se déroule dans le prestigieux ristorante Roccabianca, tenue par le chef Hideo Tatsumi avec l'aide de sa fille Saori. Tatsumi est un nom particulièrement respecté dans le milieu ; il se murmure que l'homme serait le seul Japonais à avoir pu travailler au Teresa, un restaurant italien qu'on dit être d'une telle exigence que seuls les plus grands chefs peuvent y travailler. Bon, il se murmure aussi qu'en réalité, un second Japonais y aurait fait ses classes, mais ça n'a jamais été prouvé. Et c'est ce qui permet à Tatsumi de jouir d'une si parfaite réputation, au point que l'un de ses plus gros clients n'est autre que la femme de l'ambassadeur d'Italie, excusez du peu. Au Roccabianca, la salle ne désemplit pas, on ne prend des réservations que pour dans trois mois, les compliments pleuvent, et parmi l'équipe, on aime bien penser que cela vient du fait qu'on cuisine avec le coeur.
Seulement c'est aussi le coeur qui va poser problème, quand, victime d'un infarctus, Tatsumi va s'effondrer un beau soir, alors qu'il venait d'accepter une invitation dans la plus prestigieuse émission de cuisine du pays (une consécration) ; en à peine un mois, le Roccabianca va connaître la débâcle. La salle se vide, les réservations ne se bousculent pas, voire même, s'annulent, et les assiettes reviennent de moins en moins souvent vides. Que se passe-t-il ? Le restaurant va-t'il devoir fermer ses portes ? C'est ce que craint Saori, qui, faisant les comptes, commence à réaliser qu'elle ne pourra bientôt plus payer tout le monde si les choses continuent ainsi. Elle a beau pouvoir compter sur le soutien de toute l'équipe, à commencer par le sous-chef Imai, dans les faits, le restaurant commence vraiment à être en danger...
Fort heureusement, elle sait que son père n'est pas le seul Japonais à avoir fait ses classes au prestigieux Teresa, et qu'un autre chef de talent pourrait reprendre le Roccabianca pour lui redonner le lustre perdu en quelques semaines. Cet autre chef, c'est Motomu Ezaki, mais sa philosophie est très différente de celle de l'équipe du Roccabianca. Pour lui, la seule chose qui importe, c'est la technique et les ingrédients, et mettre du coeur dans la cuisine, ça n'a jamais eu aucun goût... il faut donc s'attendre à quelques frictions au sein de la cuisine quand il accepte le poste de chef du Roccabianca !

Vous le voyez, rien que de très classique dans ce pitch, qui en évoquera quelques autres similaires. Alors qu'est-ce qui fait que dinner fonctionne, au point de me soutirer de nombreuses salves d'applaudissements ?
Eh bien d'abord, il faut saluer la façon dont le pilote prend vraiment le temps de l'exposition ; c'est d'autant plus rare que beaucoup de séries nippones, sachant leurs jours comptés, ont tendance à préférer une certaine efficacité, voire même, dans les pires des cas, l'accumulation de clichés, afin de poser très vite les bases de l'histoire pour avancer vers le coeur de l'intrigue sans attendre. Ce n'est pas le cas de dinner, qui va vraiment prendre tout le temps nécessaire pour que la cuisson de l'exposition se fasse à point. On prend vraiment la température du Roccabianca, on apprend à en apprécier à la fois l'activité et l'âme, à se familiariser avec les membres de son équipe, à en sentir l'énergie unique. Ce n'est pas simplement un restaurant de grande qualité où oeuvrent des professionnels ; c'est aussi une équipe soudée, unie, où pourtant chaque personnalité s'exprime. Rarement autant que dans dinner on aura pu sentir l'atmosphère d'une cuisine professionnelle (chose que même Pasta, qui pourtant ambitionnait parfois de le faire, n'aura pas réussi à dépeindre de façon réaliste). On prend vraiment le pouls de ce restaurant, et l'immersion dans cet univers n'a rien de précipité ni de surfait, ce qui permet au spectateur, lui aussi, de se prendre d'affection pour le Roccabianca et ses protagonistes.
En définitive, l'intervention du chef Ezaki ne se produira qu'à la toute fin de l'épisode, posant assez clairement les enjeux qui le concernent, mais démontrant aussi que le propos de dinner n'est pas juste dans son opposition au reste de l'équipe du restaurant. Avant toute autre chose, dinner communique l'activité fébrile du restaurant et la passion pour la cuisine. Le reste n'est que littérature.

Pour nous plonger dans l'ambiance du Roccabianca, dinner fait aussi un effort assez rare en ce qui concerne son esthétisme.
Il faut, d'abord et surtout, saluer le décor. Contrairement à la plupart des restaurants de télévision, il donne une incroyable impression de réalisme grâce à son utilisation des volumes, de la perspective et des niveaux. Le travail effectué lors de la conception des décors relève d'un sens du détail qui aide énormément l'immersion. J'ai pris le soin de vous faire quelques captures de l'endroit sous divers angles et éclairages, je crois que vous pouvez voir à quel point le Roccabianca est un lieu qui a une vraie personnalité ; même ses cuisines, étroites et toutes en longueurs, témoignent de l'ambiance qui a été imprimée à l'endroit. Le restaurant devient un personnage à part entière de la série grâce à tous ces éléments.

Il faut également souligner à quel point dinner fait un effort sur un plan musical. Exit, les musiques interchangeables dans lesquelles beaucoup de dorama nippons ont vite tendance à se réfugier. En jouant à 200% la carte italienne, et avec de nombreux titres orchestraux, la série s'offre non seulement un cadre musical parfaitement cohérent avec l'identité de son restaurant, mais surtout, elle se permet quelques moments intenses, soulignés par une musique qui sublime certaines scènes, à l'instar de l'effort collectif lors d'une grosse commande, en fin de pilote, qui ne peut qu'attirer des jurons émerveillés, et dont la montée en puissance est parfaitement servie par le soundtrack. J'ai rarement vu une série nippone se donner autant de mal pour son atmosphère, mais dinner remporte complètement son pari sur ce plan-là également.

Au final, je serais presque tentée de dire qu'il y a un coup de coeur à se prendre avec dinner. Presque ? Non, en fait, à bien y réfléchir, tous les ingrédients sont là ! Sans révolutionner le genre, ce que ce pilote fait, il le fait fichtrement bien, avec un sens aiguisé du détail, des personnages plutôt solides, et une ambiance qui instinctivement donne envie de se passionner pour le sort du Roccabianca. L'introduction de la série se fait avec énormément d'attention et de bon sens, il y a de nombreuses scènes particulièrement réussies, et l'écriture est fine en dépit du sujet peu original ; il suffit d'entendre l'excellente métaphore de l'un des clients fidèles tentant d'expliquer pourquoi le restaurant se vautre en l'absence de son chef, pour sentir que dinner est doté de suffisamment de sens de la mesure et de subtilité pour se rendre agréable au spectateur.

Du coup, ne vous étonnez pas du bruit : je suis simplement en train de tirer une chaise en bois pour m'asseoir devant mon écran.

5 février 2013

Mobile, moyen... mais opportunité manquée

Pour changer un peu des pilotes américains, ce soir je vous propose de nous pencher sur une série canadienne ! Après tout, et même si The Americans s'est avéré sauver le mois de janvier, je me suis assez plainte comme ça, le mois dernier, du manque de séries enthousiasmantes aux USA, pour que, dans le cadre du défi que whisperintherain et moi-même avons relevé, on s'essaye à d'autres destinations !
Comme d'habitude, sitôt la review de mon camarade mise en ligne, je vous proposerai un lien au bas de ce post, mais en attendant, voici ma version des faits...

Motive

Il y a des acteurs et actrices pour lesquels on a une petite tendresse, venant du fait qu'on les croise de façon constante depuis des années. Dans le cas de Kristin Lehman, ça fait bientôt 20 ans que c'est le cas ; dans les années 90, il me semblait qu'elle faisait partie de ces acteurs qui tournaient dans le circuit en apparence fermé du fantastique et de la SF (il faut dire que le Canada, son pays d'origine, s'est amplement placé sur ce terrain). Impossible de ne pas connaître Lehman, quand bien même on ne formait pas nécessairement une haute opinion de son talent.
Mais pour ces mêmes raisons, pendant longtemps, elle n'a joué que les guests, les seconds couteaux et les faire-valoir féminins. Il lui a fallu près de 20 ans avant de pouvoir être l'héroïne principale d'une série !

C'est désormais chose faite avec Motive, le nouveau procedural de CTV qui a commencé dimanche soir au Canada, dans lequel elle endosse le rôle d'Angie Flynn. Avant que vous ne leviez les yeux au ciel, voici le concept de Motive : il ne s'agit pas de trouver l'identité de criminels comme tant d'autres séries similaires, mais plutôt de comprendre (comme le titre de la série l'indique) leur motif. La série se qualifie donc de "whydunit" (en référence au "whodunit"). Qu'est-ce qu'ils ont tous à se créer des genres ?!

Et en effet, dés le début de ce premier épisode, Motive nous dévoile l'identité de son criminel et celle de sa victime ; il ne s'agit cependant pas ici, comme dans un grande nombre de procedurals, de montrer soit le crime lui-même soit la découverte du corps, mais de montrer ces deux personnages dans leur vie de tous les jours. Naturellement, ces deux présentations ne suffisent pas à expliquer pourquoi le tueur deviendra tueur et pourquoi la victime devient victime, mais l'intention est en tous cas clairement posée de se tourner vers le contexte avant tout.
Même pendant l'inévitable séquence consistant à saisir les premiers éléments de l'enquête sur les lieux du meurtre, Motive va assez peu s'intéresser aux indices à proprement parler (la présence du coroner est plutôt prétexte à présenter une équipe haute en couleurs qu'à se baser sur les traces laissées), et va plutôt placer une partie de son suspense sur ce qu'il advient du tueur pendant qu'Angie et son équipe sont sur place, ou sur les réactions de la veuve de la victime. L'épisode est, très régulièrement, ponctué de divers flashbacks qui continuent d'apporter du contexte au meurtre, aussi bien côté tueur que côté victime.
Sans parler nécessairement de révolution, Motive se donne aussi du mal, à intervalles réguliers, pour nous surprendre par petites touches et ne pas tomber dans le cliché, qu'il s'agisse de la façon dont Angie se présente à nous, dans ses rapports avec ses collègues, ou dans la façon dont les faits antérieurs au crime vont se présenter ; apportant sans cesse des petites nuances, le pilote n'ambitionne pas de nous préparer à de grands retournements de situation (et ne le peut pas de toute façon, puisque nous avons été assurés dés le départ de l'identité des deux parties impliquées) mais plutôt de nous donner une vue d'ensemble des personnages impliqués, avec tout ce qu'ils peuvent avoir de complexe, et qui va peut-être parfois conduire la police sur une fausse piste ou au moins une mauvaise intuition.
Comme on est à la recherche d'un "pourquoi", il n'est pas gênant que le spectateur soit au courant avant la police de l'identité du meurtrier, ou de son sort une fois le corps découvert pendant que la police progresse lentement dans son enquête, puisqu'on est aussi, voire avant tout, là pour comprendre les personnages impliqués.

Motive, c'est aussi un exercice de style. Je vous le disais, l'épisode est truffé de flashbacks plutôt bien vus narrativement, mais surtout, c'est sur sa forme que la série s'essaye au maximum à paraitre moderne et esthétiquement poussée ; on retrouve notamment dans les scènes de nuit l'utilisation de filtres, de lumières dans tous les sens, de musique un peu électrisante, d'effets sonores divers, et ainsi de suite. La préoccupation de Motive est clairement de proposer un produit esthétiquement léché, même si à plusieurs reprises, la production semblera en faire un peu trop, et manquera, paradoxalement, d'une identité propre.
Reste que l'effort est bel et bien là et que ce premier épisode pose une ambition claire : essayer de rafraîchir un peu la narration, et le faire avec du style. On apprenait voilà quelques jours qu'ABC diffuserait la série aux USA cet été ; je ne suis pas surprise, j'aurais même tendance à dire que c'est dans cet objectif d'exportation que tant d'efforts ont été faits.

Alors, et Kristin Lehman dans tout ça ? Eh bien, avec son personnage à la fois professionnel et cool, sa façon d'entretenir des rapports détendus et d'échanger des plaisanteries avec tout le monde (et notamment son coéquipier Oscar Vega, un peu sarcastique mais également débonnaire), dans son rapport à son fils presque adulte, également, elle m'a rappelé l'héroïne de la série danoise Rita (dont, vous le savez, une version américaine est en projet pour Bravo avec Anna Gunn dans le rôle principal). Sans prendre les choses à la légère, sa décontraction permet de ne pas prendre les développements de l'épisode trop au sérieux, et cette attitude est d'autant plus nécessaire que l'épisode, avec son rythme rapide, ses flashbacks, et ses ruptures de ton régulières, on ne peut s'apesantir trop sur un personnage trop sombre. L'équilibre est trouvé, je dirais, surtout étant donné la structure de l'épisode.

Au final, Motive n'évite pourtant pas un certain nombre de passages obligés de la série procédurale, mais elle se donne du mal pour essayer d'apporter quelque chose d'un tout petit peu nouveau à un genre qui a été surexploité ces dernières années, et c'est quelque chose que j'ai envie de reconnaître et de souligner, tant c'est si rare. La résolution de l'enquête, et donc l'explication au meurtre, restent, paradoxalement, le gros défaut de ce premier épisode ; à défaut d'une révélation fracassante, un peu d'émotion n'aurait pas été de trop. C'est encore quelque chose que la plupart des procedurals sont incapables d'apporter, quand bien même ils placent l'humain au centre de leur intrigue, et c'est d'autant plus à regretter dans le cas de Motive, dont la méthodologie semblait être d'explorer les personnages plutôt que les preuves physiques.

Du coup, Motive reste assez consensuelle dans l'effet qu'elle provoque sur le spectateur, alors qu'elle avait tous les éléments en main pour l'atteindre et lui proposer une expérience réellement différente. Dommage, ça s'est joué à pas grand chose.

Challenge20122013

23 janvier 2013

Du bleu pour les filles

Avec un petit effort de mémoire (ou d'imagination, selon votre âge), vous pouvez peut-être vous souvenir ce que c'était que de ne pas être complètement innondé de séries policières. Je vous l'accorde, ça exige une petite gymnastique intellectuelle de nos jours, mais je suis sûre que vous pouvez le faire. C'était une époque pendant laquelle on n'avait pas encore atteint le stade où on a l'impression d'avoir tout vu ; mais avec l'année 2000, ça allait changer.
La première semaine d'octobre 2000 a vu apparaitre sur les écrans américains la série Les Experts ; une équipe dédiée à une seule tâche, trouver LA preuve qui permettra de confondre les criminels chaque semaine, tout cela sous une profusion de filtres colorés. Eh bien figurez-vous que, la première semaine d'octobre 2000 a également vu apparaitre, cette fois sur les écrans danois, une série répondant étrangement à la même description : Rejseholdet. C'est de cette dernière dont nous allons parler ce soir, puisque je viens d'en regarder le pilote.

Rejseholdet

Les ressemblances entre les deux séries ne s'arrêtent pas à la description succincte que je viens d'en faire. Comme Les Experts, Rejseholdet emploie un procédé un peu tordu pour à la fois présenter son contexte et y apporter presqu'immédiatement un élément perturbateur, à savoir la mort d'un membre de l'équipe ; sauf qu'ici, c'est le chef de l'unité, Torben Rønne, qui va être retrouvé mort.

Promue par le concours de circonstances à sa place, Ingrid Dahl, une inspectrice jusque là en charge des affaires internes, va prendre la tête des opérations afin de comprendre ce qui s'est passé et trouver le responsable. Elle doit naturellement faire face aux réactions de l'équipe de Torben, lesquels n'accueillent pas tous son arrivée de la même façon, et ce avec d'autant plus de difficultés qu'ils doivent aussi faire le deuil de leur patron ; mais Dahl va aussi découvrir qu'elle va devoir composer avec son supérieur Ulf Thomsen, qui très sincèrement ne la voyait pas pour ce poste et auquel la directrice de la police a légèrement forcé la main.
L'enquête va suivre son cours de façon assez "classique" (ce n'était peut-être pas forcément aussi classique il y a douze ans, mais le téléphage d'aujourd'hui aura du mal à en être tout-à-fait convaincu...), avec la structure habituelle : il y a une piste/c'est une fausse piste/une nouvelle piste/confession. Emballez, c'est pesé.

Pourtant, derrière les apparences peu originales de Rejseholdet, se cache un pilote qui a beaucoup à dire... mais pas sur son intrigue policière. Une grande partie de l'épisode sera en effet consacrée à suivre les relations d'Ingrid Dahl avec ses collègues et sa hiérarchie. Mais on n'est pas dans la figure classique du flic-contre-tous, par exemple. Rejseholdet s'est choisi un thème bien spécifique pour son épisode inaugural.

Au début de l'épisode, Torben et son équipe reviennent d'un déplacement, et s'apprêtent à célébrer une énième enquête couronnée de succès. On découvre d'entrée de jeu combien l'atmosphère y est à la fois joviale (ils sont contents d'avoir résolu leur affaire, normal) et extrêmement violente et sexiste. Torben et Ulf échangent des blagues pas franchement fines en sa tapant l'épaule, on ironise sur la vie conjugale des uns, et ainsi de suite. L'atmosphère est visiblement très joviale, mais aussi plutôt virile, en dépit de la présence au sein de l'unité d'une jeune femme blonde qui, dés qu'elle ouvre la bouche, est renvoyée dans ses cordes comme par habitude ("tu devrais pas être en train de te faire les ongles ?"). Tout cela sous le regard d'Ingrid, qui a croisé tout le monde dans le parking, et qui jette sur cette dynamique un regard navré.
La façon qu'a cette scène d'exprimer un sexisme très ordinaire, sous les yeux d'une femme qui n'est ni blasée ni vraiment révoltée par ce qu'elle entend (ce qui m'a d'ailleurs un peu rappelé, même si c'est en fait anti-chronologique, Koushounin), est en réalité à la racine des meilleures scènes de l'épisode.

Le pilote de Rejseholdet va en effet se faire fort de répéter régulièrement ces ingrédients tout au long de son intrigue ; par exemple, Ingrid décrochera le poste parce que la directrice de la police a suggéré son nom à Ulf. Discrimination positive ? C'est ce que suspecte Ulf, lequel proteste qu'il ne voit pas son équipe travailler sous les ordres d'une femme ; la directrice ne confirmera ni n'infirmera son intention, mais notera qu'il est grand temps qu'une femme ait cette responsabilité ; clairement, le fait qu'Ingrid soit une femme n'est anodin pour personne, dans un sens comme dans l'autre. Le fait qu'elle ait eu la promotion au lieu du second de Torben devrait être un facteur aggravant, au moment de son arrivée dans l'équipe, mais l'épisode va au contraire se défausser rapidement de cette piste pour explorer plutôt la question des genres.
Au cours de l'épisode, Ingrid explicitera toute la problématique qui se cache derrière son accession au poste : "je veux être promue pour mes qualifications, non mon genre". Le soucis c'est que son genre est aussi précisément ce qui empêchait Ulf de la considérer sérieusement pour ce poste, en dépit de ses qualifications... Rejseholdet semble bien décidée à explorer cette question, et s'en tirera plutôt bien dans un pilote qui a aussi pour vocation de mener une enquête de bout en bout, plus, bien évidemment, l'exposition de ses personnages (même si certains seront mieux servis que d'autres à ce stade).

Toute la question est de savoir si cet axe sera également exploité par les épisodes suivants ; j'avoue qu'à ce stade, j'ai l'impression qu'une telle énergie a été consacrée à ce thème dans le pilote, qu'il semble difficile de nier que Rejseholdet a l'intention de questionner divers problématiques féministes (on aura aussi, plus brièvement, droit à un questionnement sur la façon dont Ingrid peut concilier sa vie professionnelle et sa vie de mère), mais je vois mal, d'un autre côté, comment il peut être possible d'aborder le sujet sans tomber dans la redite de ce qui a été dit dans le pilote. Ca m'intrigue vraiment.

Mais heureusement que cet aspect des choses m'intéresse, parce que pour le reste, Rejseholdet n'est pour l'instant pas d'une folle originalité sur un plan strictement policier.
Il faut aussi ajouter que, si j'ai dressé une comparaison avec Les Experts, elle n'a absolument pas lieu d'être étendue à la question budgétaire : clairement, la série danoise est sur un budget serré. On peut d'ailleurs la comparer à des séries danoises (ou scandinaves en général) plus récentes, et voir le chemin parcouru en une dizaine d'années en termes de production value ! C'est édifiant... Malgré quelques efforts de camera, on sent quand même que Rejseholdet n'est pas exactement un bijou de réalisation, et certaines performances d'acteurs sont d'ailleurs à l'avenant.

Mais qu'importe. J'apprécie que la série ait eu envie de dire quelque chose, de ne pas simplement se consacrer à ses enquêtes policières, d'avoir un sujet. Le fait que ce sujet soit le féminisme (ou semble l'être) ne gâche évidemment rien à mes yeux, mais Rejseholdet pose plus de questions qu'elle ne semble y répondre sur ce sujet de toute façon.
Vu mon aversion envers les séries policières en général, et à plus forte raison si elles sont procédurales, je ne vais sans doute pas finir en quelques jours mon coffret de Rejseholdet nouvellement reçu. Mais je suis contente d'y découvrir un angle dramatique qui la rendra plus facile à regarder. N'hésitez pas à y jeter un oeil... à ce stade de mon visionnage, je trouve que Rejseholdet a l'air bien partie pour mériter ses deux International Emmy Awards !

22 janvier 2013

Comme chiens et chats

Pendant que le pilote de Saki pourrit sur un coin de disque dur (j'ai un mal fou à aller au bout de ce truc, c'est particulièrement insupportable), j'ai trouvé le moyen de regarder le pilote d'une série asiatique un peu différente de l'ordinaire.
Japon ? Non. Corée du Sud ? Non. Hong Kong, les amis. C'est une première. Je vous invite à partager cette première fois avec moi.

Je dois cependant préciser que, exceptionnellement, je ne vais pas employer son titre original, parce que je ne trouve la série que sous son titre 老表,你好嘢! (que j'ai, hm, comment dire, un peu de mal à prononcer là tout de suite), ou alors dans une version anglophone intitulée Inbound Troubles, qui en réalité n'a pas l'air d'une traduction fidèle parce que je vois le terme "ni hao" (bonjour) dans le titre original, on ne me la fait pas. Vous connaissez sûrement mon aversion profonde envers les titres anglophones sortis d'on ne sait où, une véritable épidémie qui touche plusieurs pays asiatiques (curieusement, le Japon est généralement dispensé de ces atrocités, ce qui prouve bien que ces traductions intempestives de titres sous couvert de la barrière de la langue n'ont aucun sens), et qui me pousse à systématiquement employer le titre original quoi qu'il arrive, quel que soit le pays dont il est question.
Dans ce cas précis pourtant, faute de mieux, je parlerai donc d'Inbound Troubles, mais si quelqu'un peut m'aiguiller sur la prononciation du titre original, je lui en serai infiniment reconnaissante et uploaderai comme tribut de ma reconnaissance  le pilote d'Intersexions (ah zut, c'est déjà fait). Bref.

InboundTrouble

Alors, Inbound Troubles, de quoi s'agit-il ? Eh bien c'est une comédie en 45mn dans laquelle deux cousins qui ne se sont jamais rencontrés vont devenir copains comme cochons.
Mouais. Je vois bien à vos têtes circonspectes que vous commencez à vous demander comment j'en suis arrivée à regarder Inbound Troubles pour mon dépucelage en matière de séries hongkongaises. C'est là que ça commence à devenir intéressant... mais je vous préviens, pour en arriver à cette explication, il va vous falloir vous armer de patience pendant quelques paragraphes.

Lancée lundi dernier, Inbound Troubles a la particularité de mettre en avant l'opposition entre les habitants de Hong Kong et ceux du "mainland", c'est-à-dire la Chine métropolitaine. Or, les deux populations, pourtant supposées appartenir à la même patrie depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine par le Royaume-Uni, se regardent en chiens de faïence depuis un bon bout de temps. La série, tirant partie de cette opposition historique et attisant de nombreuses rancunes réciproques, n'a pas exactement choisi un thème propre à oeuvrer pour la paix des ménages. En fait, osons le dire, Inbound Troubles met les pieds dans le plat quand il s'agit du fossé culturel qui sépare les uns des autres.

L'épisode s'ouvre ainsi sur un bus touristique remplis de mainlanders venus passer quelques jours de vacances à Hong Kong. Ce sont des clients fortunés, et ils sont là pour dépenser de l'argent, à plus forte raison parce que le capitalisme, pour eux, c'est follement exotique. Le guide touristique, Ka Yee, entend bien n'en pas louper une miette, et se fait une joie de leur présenter les hauts lieux de la consommation hongkaise, leur détaillant par le menu tout ce qu'ils vont pouvoir acheter, du plus vital au plus inutile, en fait, surtout l'inutile. Ka Yee est un homme particulièrement habile dans son domaine, le roi de la brosse à reluire, le maître incontesté de la langue râpeuse dans le bas du dos, et par-dessus le marché, il connait son sujet sur le bout des doigts et fait même mieux que les vendeurs des magasins visités. Son objectif : récupérer un maximum de pourboires et s'en mettre plein les fouilles, et plus généralement, soutirer le plus possible d'argent à ces idiots de mainlanders.
Ouvrir le pilote là-dessus, il fallait oser, d'une certaine façon. Tout le monde en prend pour son grade : Ka Yee est obséquieux au possible, mais n'hésite pas à pipeauter ses riches voyageurs (bien aidé par l'agent du bureau de change qui, expliquant que 100 yuans équivalent à 120 dollars HK, et que donc, oui, tout est 20% moins cher à Hong Kong ! Bon alors je suis pas fortiche en maths mais ça me semble un peu bancal... N'empêche que ça marche : "oh mais alors, votre salaire est seulement à 80% à Hong Kong ?", lui demande une cliente. "Oui", répond Ka Yee d'un air piteux, "et c'est pour ça qu'on a besoin que vous stimuliez notre économie !". Tous les mainlanders d'opiner d'un air à la fois supérieur et apitoyé, l'une d'elle ponctuant même "faisant une faveur à nos compatriotes, achetons plus !". Bien joué, Ka Yee. Et même, bien joué, Hong Kong. Ca sent l'effort collectif.
On a donc d'un côté les abrutis, et de l'autre les menteurs effrontés. Beau tableau en vérité.
Ca ne va pas s'arranger.

Outre les tribulations de Ka Yee (qui est fiancé à une épouvantable jeune femme qui lui fait la misère uniquement parce qu'elle veut qu'il lui achète un sac de grand couturier parce que, je cite, "je suis une femme, après tout !", retenez-moi je vais devenir violente...), Inbound Troubles suit les aventures d'un jeune mainlander, Sun, qui, au nez et à la barbe de son richissime père, fait l'école buissonnière afin de venir passer une journée à Hong Kong. Il est d'une naïveté confondante, qui n'a d'égale que son ignorance quant à la vie à Hong Kong ; il fait une belle prise de 3 ou 4 PV en moins de 5 minutes d'épisode, dont un pour avoir fait tomber une boulette de viande dans la rue... et au comportement des flics successifs qui lui collent un PV, on sent bien qu'il est un peu un pigeon facile et que la plupart de ces PV lui ont été adressés parce qu'il est justement un touriste. Mais pour lui, tout est magnifique est intéressant : c'est sa première fois en ville tout seul. Que vient faire Sun dans ce piège à touristes ? Il veut se présenter à une audition de chant... Il serait perdu sans son smartphone, il ouvre de grands yeux devant tout, et chaque fois qu'on lui fait une remarque sur la vie à Hong Kong (ou qu'on lui adresse un PV), il s'excuserait presque, propose toujours de faire marche arrière, et répond avec une catchphrase : "harmonie, harmonie... vivre et apprendre" qui traduit à la fois son attitude très zen... et la raison pour laquelle il est si facile à berner.

Comme Inbound Troubles est une comédie, je vous passe les tribulations qui font passer à l'un et à l'autre une bien mauvaise journée. Ce n'est pas toujours drôle, d'ailleurs, au sens où je découvre n'avoir pas un humour très hongkongais visiblement...
A ces deux protagonistes, encore faut-il ajouter un personnage féminin, oui quand même, celui d'une jeune femme au caractère bien trempé, qui travaille dans un service d'aide aux immigrés (comprendre : immigrés du mainland qui s'installent à Hong Kong), et qui aide les pauvres mainlanders souvent abusés par des Hongkongais sans scrupules, qu'elle guide également dans leur installation et/ou leur recherche d'emploi. Bref, elle est Hongkongaise, mais plus proche des mainlanders, ce qui lui offre une vue imprenable sur la situation qui oppose régulièrement les deux communautés.

Car vous l'aurez compris, l'opposition entre mainlanders et natifs de Hong Kong est en filigrane de tout l'épisode. C'est comme ça que j'ai, en fin de compte, entendu parler d'Inbound Troubles plus que des autres séries diffusées à Hong Kong en ce moment : parce que la chaîne TVB, qui la diffuse, a reçu au sujet de la série de nombreuses plaintes. Et en Asie, les plaintes des spectateurs, on prend ça très sérieusement, même quand il n'y en a qu'une poignée.
C'est d'ailleurs le cas ici. Le premier épisode a, d'après ce que je lis, récolté une dizaine de plaintes... alors que la série a d'emblée totalisé d'excellents scores (là bas on parle uniquement en points d'audience, je découvre avec vous), à savoir 31 points en moyenne sur le premier épisode (avec un pic à 33). Là comme ça, ça ne nous parle pas, mais la série précédente dans la même case horaire, pourtant un honnête succès, avait plafonné à 27 points. Alors vous comprenez bien que 10 plaintes, statistiquement, ce n'est rien. Mais ça signifie beaucoup quand même.
Le plus intéressant est en réalité dans l'objet de ces plaintes. Car on y trouve des spectateurs qui se sont plaints que la série brossait un portrait péjoratif des mainlanders... et autant de spectateurs qui se sont plaints que c'étaient les Hongkongais qui en prenaient pour leur grade. En fait, pour la première fois, les mainlanders et les natifs de Hong Kong semblent d'accord sur une chose : Inbound Troubles fâche.

Cela va encore empirer vers la fin du pilote, quand Ka Yee et Sun, à leurs corps défendants, vont se retrouver pris dans une manifestation devant un magasin de luxe. Ka Yee fait la queue pour le sac à main de sa fiancée, Sun a bêtement suivi un groupe de jeunes gens qui veulent chanter et qui l'ont entraîné avec eux, et en fait le groupe en question chante des slogans protestataires devant la boutique ! C'est alors que les mainlanders qui faisaient la queue s'énervent (eh oui, quel Hongkongais aurait l'idée d'acheter un sac à main hors de prix ?) contre les Hongkongais qui manifestent, et que chaque groupe s'invective en s'envoyant à la figure les pires préjugés sur l'autre groupe ; tout cela finit avec Ka Yee et Sun qui sont mis face à face pour s'invectiver à leur tour, Ka Yee faisant semblant d'être un mainlander, et Sun un Hongkongais dans le feu de l'action. Vous suivez ? Bah vous ptet pas, mais les spectateurs d'Inbound Troubles n'en ont pas perdu une miette. La polémique fait depuis rage au sujet de la série... mais ses audiences continuent d'être au beau fixe, à toute chose malheur est bon !

Alors si, qualitativement, Inbound Troubles n'est pas franchement une grande série (j'irai même jusqu'à dire que jamais je n'ai eu autant de mal avec le jeu de TOUS les acteurs d'une série comme ici !), sur le fond, la série met vraiment dans le mille. On y parle d'immigration, un peu ; d'économie, beaucoup ; de différences en apparences inconciliables, en filigrane. Qu'une comédie aussi ratée sur le plan de... la comédie, soit capable de mettre parfaitement en relief ce genre de problématique sociétale, ça laisse songeur, en fait. Si comme moi vous aviez la conviction qu'un propos intelligent s'accessoirise généralement avec une forme intelligente, vous allez voir vos certitudes bousculées par ce premier épisode.

Bon, cependant, pas de regret. Je suis bien plus attirée par une série qui parle d'un sujet intéressant, que par une comédie réussie (et ça tombe bien, Inbound Troubles a tous les symptômes de la première catégorie, et aucun de la seconde). Et, soit dit en passant, c'est quand même toute la richesse des voyages téléphagiques. Cela dit, en France, on peut tenter la même chose avec des métropolitains et des Corses, à la limite...

Et pour ceux qui sont intéressés par le pilote avec sous-titres anglais : tirez la bobinette, et le lien cherra.

22 décembre 2012

Impossible de trouver un titre sans faire de jeu de mots

whisperintherain et moi-même, vous le savez, nous sommes lancé pour défi de regarder absolument chaque pilote de la saison, et d'ensuite écrire une review sur absolument chacun des pilotes vus. Je vous avoue qu'il y en a pour lesquels c'est plus facile et plus motivant que pour d'autres... Deception, par exemple, ne me fascinait pas vraiment. Mais puisque le preair est sorti, je me suis dit : bon, une fois que c'est fait, c'est plus à faire. Si vous aussi vous hésitez à regarder le pilote, voilà qui pourrait bien vous aider à prendre, à votre tour, une décision...

Deception

Ah, ces riches ! Qui détesterait-on s'ils n'étaient pas si riches ?
Qui d'autre pourrait bien avoir des secrets de famille, des luttes internes et une incroyable faculté commune à lever le coude ? C'est, après Revenge, ce que Deception s'apprête une fois de plus à explorer (Deception, la série américaine de NBC qui commencera le 7 janvier, à ne pas confondre avec Deception, la série irlandaise de TV3 qui commencera... le 7 janvier !).

Et si je mentionne Revenge, c'est parce que la parenté saute aux yeux. Rien que les plans sur la cossue demeure des Bowers donne bien le contexte, dans tous les sens du terme, de Deception, qui a trouvé le moyen d'avoir, elle aussi, pour héroïne, une jeune femme extérieure à une famille puissante.  Joanna, c'est son nom, va s'insérer l'air de rien dans le quotidien de ces gens, qui cachent, à n'en pas douter, un lourd secret ; les souvenirs et les émotions passées vont évidemment s'en mêler.
Cette fois, au lieu de vraiment accomplir une revanche, il s'agit de trouver l'explication de la mort d'un des membres de la famille, Vivian, qui était à l'adolescence la meilleure amie de Joanna et dont la mort semble peu accidentelle ; par rapport à Revenge, ici on est du "bon" côté de la barrière puisque Joanna est également détective pour la police, et qu'elle est envoyée sur les lieux par un agent du FBI qui veut utiliser ses liens avec les Bowers. Il n'y a donc aucune sorte d'ambiguité morale (non que Revenge ait beaucoup exploré celle d'Emily, il est vrai), rendant instantanément suspect à peu près n'importe quel membre de la famille d'entrée de jeu. Je ne suis pas certaine qu'ajouter un contexte d'enquête policière soit une trouvaille intéressante, sans même parler du fait que je suis fatiguée de tous ces flics qui ont envahi mon écran depuis douze ans, mais au moins ça permet quelques petites variation par rapport à Revenge, notamment le fait que Joanna est épaulée par une équipe et non plongée seule dans les mystères de la somptueuse villa Bowers.

Sortis de ça, on n'a pas tellement affaire à une série d'une folle originalité. Les riches sont, comme toujours, des gens qui n'ont que des problèmes, quand Joanna est une fille gentille et adorable, et c'est normal, puisqu'elle est moins riche (sa mère travaillait pour les Bowers). Ils boivent beaucoup, abusent de substances variées, ils se détestent les uns les autres au point de se sauter à la gorge le soir-même de l'enterrement de Vivian, n'attendant même pas que le corps soit froid pour s'envoyer les pires horreurs à la tronche, et évidemment ils gèrent un empire (pharmaceutique, cette fois) qui n'est pas non plus tout blanc. Vous savez : comme font les riches.
Ainsi, Deception tente d'insérer des intrigues par-dessus l'enquête de Joanna mettant en scène les différents membres de la famille ; ces intrigues secondaires, en toute logique, devraient densifier les épisodes afin de rendre plus compliquée l'investigation sur la mort de Vivian. Mais pas du tout. Le coix de Deception, même si ça semble plus une marque d'incompétence qu'un choix, est d'évoquer toutes sortes d'intrigues qui sont incroyablement évidentes, au moins pour le spectateur, et qui empêchent de vraiment se poser de vraie question. Il n'y a, en réalité, pas grand suspense sur les origines de Mia, et ce sont environ deux bons tiers du pilote qui vont faire semblant de maintenir le mystère autour de la question en vain, parce que Joanna est, voyez-vous, beaucoup plus stupide que les spectateurs, ce qui augure d'énormément de choses pour la suite ! Même la question de la mort de Vivian est à moitié résolue à l'issue de cet épisode inaugural !
Alors, évidemment, il est possible qu'il y ait plein de retournements de situation (celui qui s'est débarrassé de l'arme du crime en pleurant n'est pas forcément celui qui a tué Vivian, admettons) ou de suspense qui vienne se greffer là-dessus (le père de Mia va peut-être débarquer et réclamer sa garde), mais pour l'instant, en n'ayant vu que le pilote, ça donne plutôt l'impression que les spectateurs vont en savoir systématiquement plus long que l'héroïne sur ce qui se passe dans la vie des Bowers, et ça fait un peu peur. Où le suspense quand la moitié des secrets de la maisonnée ont été percés en 45 minutes ?

A l'issue de ce premier épisode, c'est à se demander pourquoi quelqu'un pourrait choisir de regarder Deception quand tout est déjà fait dans Revenge ...en mieux !
Bon, d'accord, pas tout : Deception fait un peu moins cheap... mais comme sa distribution est aussi bien moins haute en couleur (moins de très mauvais élèves, pas vraiment de premier de la classe), ça revient à dire qu'à choisir, autant regarder Revenge avec ses défauts, que Deception avec son soucis de ne prendre absolument aucun risque.
Et pour que je recommande de regarder Revenge, il en faut.

Challenge20122013

28 novembre 2012

A cheval sur les principes

En Turquie, la production télévisée connaît un énorme boom depuis quelques années (pour un bref historique de la question, vous pouvez lire le début de ce post), et est devenue l'un des arguments du rayonnement culturel de la Turquie dans sa région.

On a eu l'occasion par le passé de mentionner, notamment, l'énorme succès de la série historique Muhtesem Yüzyil (dont le pilote a été reviewé ici), qui raconte les amours du sultan Süleyman 1er et de son harem. Vendue dans près d'une cinquantaine de pays dans le monde, et bientôt adaptée dans au moins un, elle fait aussi l'objet de fansubs dans plusieurs pays, et ce le lendemain de son apparition sur les écrans de SHOW TV, la chaîne turque qui héberge cet énorme succès depuis maintenant 3 saisons (retenez bien ce chiffre). Muhtesem Yüzyil, c'est l'une des raisons qui font que de plus en plus d'Européens de l'Est et de Grecs apprennent le turc, ou, encore plus fort, l'assimilent sans même essayer. Oh, et naturellement, sans avoir à sortir de ses frontières, la série est et reste l'un des plus gros succès télévisés de son pays, ramenant le genre historique sur le devant de la scène.
Et ça, ce n'est que pour une série : pas mal d'autres suivent, dans une légèrement moindre mesure, son exemple. En tout, en 2011, on estime que l'exportations des séries turques a rapporté environ 60 millions de dollars (US) à l'économie nationale, et je commence à lire des chiffres pour 2012 qui annoncent 100 millions... Pas trop trop mal, j'ai envie de dire !

En fait, la dimension culturelle de l'exportation des fictions turques est si forte qu'elle a pris le pas sur la dimension financière : il y a un mois, le ministère de la Culture et du Tourisme turc a décidé d'encourager les séries turques à être "vendues gratuitement" à des chaînes étrangères pour favoriser l'implantation de certaines séries dans des pays où le ministère estime que le rayonnement culturel de la Turquie peut jouer un rôle important. Parce qu'à choisir entre de la thune, le pognon, le flouze ou le rayonnement culturel, eh bien, les Turcs, ils ont choisi le rayonnement culturel.

Alors dans un contexte pareil, où on pourrait penser que rien ne ferait plus plaisir à l'Etat turc que d'encourager sa belle industrie télévisuelle florissante à, eh bien, fleurir encore plus, on attend du chef du Gouvernement des propos, au mieux, dithyrambiques, au pires, mesurés...

MuhtesemYuzyil-Amours

Bah pas nécessairement. Et Tayyip Erdoğan, Premier ministre de Turquie depuis bientôt 10 ans (retenez bien ce chiffre aussi), a déclaré il y a quelques jours dans un discours, en parlant des spectateurs dans d'autres pays musulmans : "Ils connaissent nos pères et nos ancêtres via Muhtesem Yüzyil, mais nous ne connaissons pas ce Süleyman. Il a passé 30 ans à dos de cheval à mener la guerre et conquérir des cités, pas dans son palais, ce n'est pas ce qu'on voit dans la série".
...Consternation.

Bon, avant tout, laissez-moi réfléchir : ça a dû être sacrément épineux à expliquer à Süleyman 1er, quand il est rentré une fois tous les 30 ans au palais, et qu'il a découvert qu'il avait 20 fils et filles, quand même, non ? Tu parles d'un silence gêné de la part de son épouse Hürrem !
Et puis, comment expliquer simplement le concept de fiction à quelqu'un qui ne maîtrise pas bien le sujet ? (cependant, si la conférence de presse d'Ainsi Soient-Ils est un indice, il semble que beaucoup de conservateurs aient ce problème de compréhension, en fait)
Mais surtout, faisons un bref calcul... une série qui est dans sa troisième saison... un Premier ministre en fonction depuis presque toute une décennie... il n'y a pas quelque chose qui cloche, niveau timing, dans la soudaine découverte par Erdoğan du principe-même de la série ? Le Premier ministre a récemment été vivement attaqué sur ses prises de position dans la situation politique des pays musulmans environnants (notamment en Syrie), et réaffirmer son attachement envers des valeurs plus traditionalistes n'est pas un hasard de calendrier.

Soyons très clairs : ce n'est absolument pas la première fois que Muhtesem Yüzyil fait l'objet d'une polémique. Depuis le début de sa diffusion, la série fait régulièrement l'objet d'appels de plainte au RTÜK (Radyo ve Televizyon Üst Kurulu, l'équivalent turc du CSA) de la part de spectateurs conservateurs qui n'apprécient pas, au choix, la profondeur des décolletés, les séquences parfois un peu sexys, ou le simple fait que certains personnages boivent du vin.
Rien que la première semaine de sa diffusion, 75 000 plaintes avaient été enregistrées, et une manifestations avait été organisée (cf. photo ci-dessous) ! Alors ce n'est pas vraiment un scoop : la série ne passe pas auprès de la frange la plus traditionnelle de la population, qui reproche à la série, comme le fait Erdoğan, de présenter des personnages historiques, et notamment quelqu'un d'aussi respecté que Süleyman 1er, comme libidineux. Les évènements qui avaient suivi son lancement avaient conduit à une mise en garde par le RTÜK de la production de la série, et notamment de la créatrice et scénariste, feue Meral Okay (qui dans une vie précédente était engagée en politique, plutôt à gauche...), laquelle avait tenté de protester en expliquant que les sultans ne se reproduisaient pas vraiment par insémination artificielle. Mettant littéralement de l'eau dans son vin, la série était restée sous haute surveillance des autorités : on ne plaisante pas avec l'accusation "d'atteinte à la vie privée" d'une figure historique. Néanmoins, le fait que Süleyman ait bu du vin ou ait fait 20 enfants à Hürrem est documenté dans les livres d'Histoire, ce n'est pas exactement comme si Okay avait tout inventé... Quant au harem, qu'on le veuille ou non, il a vu le jour sous l'empire Ottoman.
Mais malgré tout, le scandale permanent autour de Muhtesem Yüzyil restait mesuré. Et politiquement, si le vice-Premier ministre Bülent Arinç s'était emparé du sujet, le Gouvernement s'était ensuite montré plus compréhensif, probablement à cause de la thune, du pognon et du flouze du rayonnement culturel.

MuhtesemYuzyil-AffichesDechirees

Pourquoi cette fois c'est différent ? Parce que, la bride sur le cou, Erdoğan a expliqué qu'il avait attiré l'attention des autorités compétentes sur cette affaire, et est allé jusqu'à encourager les instances judiciaires à "donner un verdict nécessaire à ce sujet", ce qui n'est rien d'autre qu'un appel à la censure ou au bannissement de la série (s'il y a des experts en droit turc dans le coin, on peut me préciser s'il y a séparation de l'exécutif et du judiciaire là-bas ?). Décidément très en forme, le Premier ministre a également eu quelques mots pour le producteur de la série et même le propriétaire de SHOW TV, qui doivent se sentir particulièrement en sécurité à l'heure qu'il est.
Le ministre de la Culture et du Tourisme ne pouvait pas ne pas réagir ; il a expliqué à pas feutrés que : "Nous avons exporté 10 500 heures de séries en 2011, alors que nous n'avions pas de revenus d'exportation en 2006" et que "la série est regardée par 150 millions de spectateurs dans le monde". Mais les dés sont lancés et la polémique fait rage, plus que jamais.

Vous le comprenez bien, la question dépasse ici celle du caractère scandaleux ou non de Muhtesem Yüzyil.
Cet exemple illustre bien la fracture entre deux populations du pays, deux façons de penser. On a d'une part une Turquie laïque, moins arc-boutée sur des principes religieux, et une autre qui aimerait s'orienter vers une politique plus proche des préceptes musulmans... Évidemment, on n'est pas ici pour parler politique ; mais cela se traduit par un jonglage permanent de la part des autorités responsables de ce qui passe à la télévision, dont la mission est de réussir à contenter tout le monde, ou, de façon plus réaliste, de ne mécontenter personne. Cette balance est maintenue, tant bien que mal (cf. cette capture prise pendant le pilote d'Uçurum alors qu'un personnage vient de se faire crever l'oeil, EmCity-style), jusqu'à ce qu'un déséquilibre se produise, comme ici.

Simplement, rares sont les pays où ces enjeux politiques ont de telles répercussions financières sur une industrie (celle qui nous intéresse sur ce blog, donc) qui a réussi, en une demi-douzaine d'années, à imposer la Turquie sur les écrans de près d'un quart des pays de la planète...

16 novembre 2012

[DL] Paramédicos

Très honnêtement, les génériques de séries médicales/d'intervention sont rarement très originaux. Bien-sûr, ça ne les empêche pas d'entrer dans les annales et de devenir inoubliables, à l'instar de celui d'Urgences, mais globalement, c'est un peu toujours la même chose : on suit les médecins/infirmers/ambulanciers/pompiers sur leur lieu d'intervention, embarquant avec eux un équipement si possible volumineux, intervenant sur des victimes sans visage, sauvant des vies avec bien des filtres bleus et/ou rouges. D'ailleurs, ça n'est pas vraiment propre aux américains, car même le générique de Gyne reprenait les mêmes codes (même s'il choisissait de le faire avec une chanson pop/reggae pour varier quand même un peu les plaisirs), si vous vous souvenez.

Après tout, le principe de ces génériques, c'est de mettre en valeur les courageux héros qui sauvent des vies. On a besoin de voir leurs visages, pas ceux des anonymes qu'ils traitent ; on a besoin de voir leurs actions, de se glisser dans leur blouse (surtout s'il s'agit de Noah Wyle... j'ai dit ça à voix haute ?), de vivre les évènements à leurs côtés, de comprendre ce que cela implique pour eux. Dés le générique, ces séries veulent faire monter l'adrénaline et/ou l'émotion pour que nous nous mettions aux côtés des urgentistes de tous poils.
Mais Paramédicos, une nocturna Mexicaine qui s'achèvera jeudi prochain, a décidé de porter sur tous ces clichés un regard un peu neuf. Le générique de la série n'a pas un concept plus original que les autres, mais c'est l'angle abordé qui fait tout. Jugez plutôt.

Paramedicos
Note : lien valable 30 jours minimum. Je reuploaderai si le lien est mort, mais seulement si vous postez un commentaire pour me prévenir !

Dés la première image, alors que le générique n'a pas vraiment commencé et que s'affichent à peine des logos, dont celui de la Croix Rouge qui a participé à la production de la série, Paramédicos dit déjà sa différence. C'est même un peu destabilisant dans un premier temps. Mais, traitant cette première image comme le début de sa narration, le générique va nous raconter une histoire. Et une seule.
Décider de suivre une seule intervention, c'est déjà révolutionnaire en soi, quand on y pense. Peu de génériques médicaux le font, tout simplement parce que trouver des images de plein de sauvetages/opérations différents, issus d'épisodes variés, permet de ne piocher que ce qui est le plus émouvant, le plus à même d'impressionner. Mais Paramédicos ne mange pas de ce pain-là, et va suivre un cas, et un seul, du moment où un accidenté reprend connaissance sur la chaussée jusqu'au moment où il va arriver à bon port, aux urgences.

Mais ce qui fonctionne certainement le mieux dans ce générique, c'est que la perspective dominante est celle du patient. La camera subjective regarde les actions des personnages à travers le regard perdu et sans doute un peu choqué de l'accidenté. Et curieusement, ce procédé permet de tout de même montrer l'héroïsme du personnel médical, mais sans leur attribuer de visage, sans clairement définir leur personnalité. On est là, dans l'urgence, la même qui fait que tout d'un coup les portes battantes du Chicago County s'ouvrent sur un personnel médical affairé. Sauf qu'ici, ce qui importe, c'est le sort du patient, pas la réussite du médecin. Les actes médicaux sont les mêmes, les ressorts sont les mêmes... sauf que regarder l'intervention en étant dans la peau (abimée) du patient change tout. Et c'est diablement efficace, du coup.

Paramédicos est pourtant, sur le contenu, une série assez classique dans le genre médical, suivant de nouveaux ambulanciers alors qu'ils viennent de finir leur formation auprès de la Croix Rouge et qu'ils entrent dans la cour des grands. Dans le genre, on a difficilement fait plus classique, si j'en juge par le pilote. Malgré cela, avec ce générique énergique et capable d'apporter un regard différent, Paramédicos parvient à se vendre avec une touche d'originalité en plus.
Le générique, qui plus est, souligne combien la réalisation de Paramédicos est importante : on trouve dans la série, pendant les scènes d'intervention (dont celle qui ouvre le pilote) au moins autant de filtres et d'angles léchés que dans un épisode des Experts. C'est quelque chose que le générique, avec son sens de la couleur et du montage, retranscrit très bien.

C'est à ce genre de techniques qu'on reconnaît une série qui sait appâter le spectateur, qui a compris qu'il fallait innover pour attirer l'attention (la garder étant un sujet différent). D'ailleurs, Paramédicos a reçu cette semaine un Pantalla de Cristal, un prix remis à l'occasion du festival du même nom, dont la vocation est de mettre en valeur des productions indépendantes mexicaines ; les récompenses concernent également les campagnes publicitaires et les stratégies marketing, et justement, la production de la série a été saluée pour son travail en matière de promotion digitale et sa dimension sociale (au sens "interactif" du terme). Comme quoi, quand on y met les formes...

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