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ladytelephagy
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31 mai 2013

Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie...

Vous connaissez la Rose d'Or ? Non, ça rien à voir avec la caverne du même nom...
Hier soir se tenait la cérémonie d'origine suisse, qui revenait sous une nouvelle forme, mais un même nom (bien que désormais suivi de la mention "a Eurovision award" qui indique le changement de direction aux plus étourdis parmi nous). Et comme vous me savez friande de cérémonies de récompenses internationales, vous vous doutez de la suite de ce post. Attention, un twist n'est cependant pas exclu...

Pour cette 52e édition placée sous le signe de la renaissance, pour la première fois, les prix n'ont pas été remis en Suisse, mais à Bruxelles ; ils n'ont pas non plus clôturé un festival, mais se sont inscrits dans le déroulement du 2013 Media Summit. Plein de changements, donc, enterrinés lors d'une soirée animée par la Néerlandaise Lucille Werner, et sous le haut patronage de la Princesse Astrid et du Prince Lorenz de Belgique, excusez du peu.
Et vous allez voir que le changement va encore plus loin...

RosedOr

Avec cette réorientation sont également venus des changements jusque dans les prix remis, et non des moindres : 6 Roses d'Or seulement sont remises.
La plus grande surprise est que les catégories relatives aux programmes scriptés se bornent à deux awards à présent, et pas forcément les plus évidents. Ainsi, exit les séries dramatiques, sayonara les mini-séries, adieu les séries pour la jeunesse, ciao les soaps et telenovelas ; même les téléfilms ont tiré leur révérence. Le transmedia est également aux abonnés absents.
Que reste-t-il dans le domaine du scripté ? Sitcom. Les cinq autres prix sont Comédie (ce qui inclut les émissions humoristiques, notamment à sketches), ainsi que Emission de jeu, Arts, Divertissement, et enfin Réalité et divertissement factuel, que je ne couvrirai pas ici parce que je ne traite que de fiction. Je suis assez d'accord, ça n'envoie pas vraiment du rêve.

C'est un peu décevant de la part d'un prix qui a su par le passé récompenser la qualité de fictions telles que la Sud-Africaine Hopeville, l'Espagnole Aguila Roja, la Sud-Coréenne Dream High, l'Allemande Krimi.de, ou la Britannique Skins. Ou la Française Sous le Soleil, mais convenons ici, maintenant, tous ensemble, de collectivement ignorer cette anomalie.
Bien-sûr, la Rose d'Or a une histoire très fluctuante en matière de prix, il faut le reconnaître ; à ses origines en 1961, une seule Rose d'Or était remise (avec une Rose d'Argent et une Rose de Bronze pour deux autres programmes moindres), et ce jusqu'en 2004 lorsque le festival de la Rose d'Or, auquel la récompense est adossée, se lance dans une réorientation. Depuis lors, c'étaient environ une douzaine de prix qui étaient remis aux oeuvres, plus des prix d'interprétation masculins et féminins, et un prix aux présentateurs d'émissions. Quelques "mentions spéciales" permettaient en outre de récompenser un deuxième titre pour une catégorie donnée  ; par exemple, en 2008, quand Skins avait emporté la Rose d'Or dans la catégorie Dramatique, un prix spécial dans la catégorie Dramatique avait été accordé à la série britannique The Street histoire de ne pas laisser ses bonnes actions impunies.
Mais vous le comprenez donc, par le passé, la Rose d'Or était plutôt ouverte aux changements s'ils permettaient à son jury d'être flexible et de souligner l'excellence de plus de programmes, plutôt que de moins.

Focalisons-nous donc sur les deux prix dédiés au scripté, en étouffant nos sanglots de téléphages contrariés.

WatAls-300

  

Meilleure comédie :
Wat Als? (Belgique)

Etaient également nommés les comédies à sketches Cardinal Burns et The Revolution Will Be Televised (Royaume-Uni).

Spy-300

   Meilleur sitcom :
Spy (Royaume-Uni)

Etaient également nommées The Thick of It et Twenty Twelve (Royaume-Uni).

Ce qu'on constate aussi, et qui est encore plus criant quand on voit les nominations dans les 4 catégories non-scriptées, c'est la prédominance du Royaume-Uni dans ces prix. On ne peut pas dire que les créations britanniques souffrent d'être méconnues. Cela ne veut pas dire qu'elles ne doivent pas être récompensées (l'an dernier, Black Mirror avait amplement mérité son prix !), mais qu'il y a aussi la télévision ailleurs !

Là encore, historiquement, la Rose d'Or, qui constitue son palmarès sur la base des dossiers de candidature spontanée (comme c'est le cas pour tous la plupart des festivals internationaux, par soucis évident de commodité), a des antécédents.
Beaucoup de séries et émissions britanniques ont, par le passé, été récompensées ; si on s'amusait à compter le nombre de Rose d'Or remises par pays, le Royaume-Uni serait plus que probablement sur le podium. Pour autant, le phénomène semble amplifié à présent... entre autres, tout simplement, de par le choix des prix supprimés que j'évoquais plus haut ! Eh oui, en décidant de ne plus récompenser les soaps et telenovelas, par exemple, la Rose d'Or a fait le choix d'écarter certains pays qui ne produisent peut-être pas un grand nombre de comédies (ou pas de nouvelles, l'Allemande Pastewka ayant déjà été récompensée, et une même production ne pouvant remporter un même prix deux fois).
Sans doute aussi que les productions britanniques sont, de leur côté, particulièrement pro-actives, et ont envoyé des dossiers en masse ; peut-être que bien des sociétés de productions dans d'autres pays pensaient que les prix de la Rose d'Or avaient disparu en même temps que le festival. Plein de raisons sont possibles, et ne s'excluent pas mutuellement.
...L'accumulation d'explications n'empêche pas de constater que la diversité fait cruellement défaut à ces prix à présent.

Pour toutes ces raisons, la Rose d'Or perd énormément de son intérêt pour le téléphage curieux. "Les prix de la Rose d'Or reconnaissent l'originalité, la qualité et la créativité [...] et encouragent l'excellence à la télévision", dit-on sur les communications officielles des récompenses. C'est sûrement vrai pour la reconnaissance, mais je ne sens pas trop où est l'encouragement dans ce palmarès.
Oui, j'ai fait un post sur une récompense... pour vous dire qu'elle a un peu perdu de son intérêt. Parfois, l'information est aussi cruelle qu'elle est ironique.

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24 mai 2013

La mort est son métier

Le dimanche est la soirée des grandes séries originales, pour HBO. C'est vrai aux USA... et c'est vrai en Amérique du Sud. Ce dimanche 26 mai sera une nouvelle occasion de le vérifier, puisque HBO Latino lance Sr. Ávila, sa dernière production originale sur laquelle elle avait commencé à lever le voile à la fin de l'année dernière.

Jusqu'à présent, les grilles de HBO Latino avaient fait la part belle aux productions brésiliennes : Preamar l'été dernier, et avant cela FDP, Filhos do Carnaval, Mandrake, Mulher de Fases ou encore Alice... Plus ponctuellement, HBO avait aussi par le passé fait appel aux talents d'autres pays du continent : l'Argentine avec Epitafios, le Chili avec Profugos, ou le Mexique avec l'incroyable Capadocia. C'est à ce pays que l'on doit Sr. Ávila, puisque les 13 épisodes de la première saison y ont été produits, et tournés au printemps et pendant l'été 2012.
Les auteurs de Sr. Ávila ne sont par ailleurs pas des inconnus, puisqu'il s'agit de Walter et Marcelo Slavich, déjà à l'origine des deux saisons d'Epitafios.

SrAvila-Affiche

L'histoire est celle d'Ávila, un honnête père de famille, assureur de son état. Il a 45 ans, il est marié, il a un fils adolescent : on aura difficilement vu plus normal ! Il a simplement un passe-temps un peu hors-normes, si l'on peut dire, même pas une vocation, une simple occupation, et ce passe-temps... c'est de tuer des gens. Mais pas n'importe qui ni n'importe comment ! Notre Ávila est tueur à gages pendant ses, hm... temps morts.
Ces deux casquettes ne seraient en soi pas un problème puisqu'il arrive tant bien que mal à gérer sa double-vie, sauf que, évidemment, les choses vont changer. Contrairement à beaucoup de personnages de séries sombres de ces dernières années, ce ne sont pourtant pas les mauvaises nouvelles qui vont influer sur le parcours de ce personnage : les vrais ennuis d'Ávila commencent lorsqu'il est promu et devient Sr. Ávila, le patron de son organisation. Désormais responsable de tous les tueurs à gages du coin, il va devoir gérer sa petite entreprise au nez et à la barbe de tous ceux qui le prennent pour un homme ordinaire, y compris, vous l'aurez deviné, ses proches. Il doit donc naviguer entre son "vrai" travail, sa vie de famille, et son activité annexe. Une tâche qui n'est pas rendue facile par le fait que sa femme soit en pleine dépression (elle passe ses journées devant la télévision et devient progressivement agoraphobe) et que son fils commence à poser des problèmes, comme tout adolescent grandissant dans une famille dysfonctionnelle. C'est le funerarium d'un certain Sr. Moreira, l'un de ses "collègues", qui sert de couverture à la petite opération ; et à toute cette galerie de portraits, encore faut-il ajouter Iván, assistant personnel du "Señor" du moment, Ismael, l'apprenti tueur à gages un peu rebelle, Ybarra, le plus ancien assassin de l'organisation et ancien mentor d'Ávila, Ana, la maquilleuse qui travaille à la morgue, Maggie, la maîtresse d'Ávila, ou encore Rogelio, qui sert d'intermédiaire entre les clients potentiels et le "Señor" en charge.

Difficile de ne pas pressentir une certaine inspiration de l'une des plus célèbres séries de HBO aux Etats-Unis, Les Soprano.
L'une des grandes différences tient peut-être dans le choix de structure narrative apparemment fait par la production de Sr. Ávila, puisque chaque épisode, nous promet-on, tournera autour d'un meurtre en particulier : le sieur Ávila continue en effet de se salir les mains, même au plus haut de la hiérarchie des tueurs à gages. Sans écarter totalement, ça va de soi, un certain fil rouge, notamment avec la relation d'Ávila à son fils à problèmes, la série envisage donc d'y mêler un aspect légèrement plus formulaic, ce qui n'est pas sans rappeler également l'univers de la série colombienne Lynch lancée l'an dernier.

HBO Latino promet, à travers cette nouvelle série, de ne pas avoir lésiné sur la violence (on n'en attendait pas moins, osons le dire), mais aussi de proposer de grands portraits denses de personnages : "Nous voulons emporter notre public dans une histoire fascinante, pleine de nuances, en montrant la complexité de la nature humaine", annonce Roberto Ríos, vice-président en charge de la programmation chez HBO Latino. On ne le croira pas simplement sur parole !
Sr. Ávila démarre donc ce dimanche avec, fait peu ordinaire, un double épisode inaugural, que les hispanophones parmi vous pourront donc tenter. Et même les autres, ya pas de raison.

Et pour se mettre en condition, que diriez-vous d'une petite bande-annonce ?

24 mai 2013

Les félicitations sont de rigueur

Vous connaissez ma passion pour les récompenses de la planète : on a tendance à y trouver de fabuleuses idées de découvertes ! Comme je n'ai pas eu, avec mes posts hebdomadaires de ces dernières semaines, l'occasion de vous permettre de suivre en temps réel les dernières cérémonies des quatre coins du monde, je vous propose aujourd'hui un petit florilège de quelques unes des plus importantes, histoire que comme moi, vous releviez quelques noms pour faire votre marché plus tard.

J'ai donc pris sur moi de reprendre les principaux awards remis de par le monde au cours du dernier mois, et je les ai compilés dans ce post géant. J'aurais aussi pu vous les publier un par un dans des posts séparés, comme je le fais d'ordinaire, mais j'ai voulu tenter : vous me direz la formule que vous préférez. Je compte sur vous.
Bon, vous êtes prêts ? Parce qu'il y a un peu de lecture. Mais je suis gentille, j'ai mis des images.

Gullruten-2013

Commençons si vous le voulez bien avec mes petits préférés, je le confesse : les Gullruten, remis un peu plus tôt ce mois-ci, comme ceux qui me suivent sur Twitter l'auront remarqué. A toutes fins utiles, je vous ai mis les nominations également, les gagnants apparaissant avec un joli *.

- Meilleur drama :

DAG    DAG (saison 3)
(TV2)
Les déboires d'un psy qui aide les gens à régler leurs problèmes mais qui pense que la seule façon d'être heureux dans la vie, c'est de vivre seul. Nommé systématiquement chaque année.

Hjem-300

   Hjem
(NRK)
Une série "feelgood" se déroulant à la campagne, diffusée à l'automne dernier et pour laquelle une seconde saison est d'ores et déjà prévue.

Halvbroren-300

   Halvbroren*
(NRK)
La mini-série en 8 épisodes, dont on a déjà eu l'occasion de parler, couvre un demi-siècle d'Histoire, et raconte l'histoire de deux demi-frères nés de la même mère, mais dans des conditions radicalement différentes. Le premier, né d'un viol le jour de la libération, se lance à la recherche de son père, et disparaît...

HotelCaesar-MEA

   Hotel Caesar
(TV2)
Ce soap, lancé en 1998, est actuellement le plus long drama diffusé à la télévision norvégienne (il compte actuellement plus de 1500 épisodes). Et, oui, en Norvège, les soaps peuvent être nommés dans la catégorie dramatique.

- Meilleur programme humoristique :
Dans cette catégorie, les Gullruten mélangent aussi bien les émissions de divertissement que les séries.
* Asbjørn Brekke-show (talk show - TV Norge)
* Brille (talk show - NRK)
* Helt Perfekt (TV Norge) *
* Kongsvik Videregaaende (TV Norge)

- Meilleur programme pour la jeunesse :
Au moins l'un de ces titres devrait vous dire quelque chose si vous vous rappelez de ce qu'on dit sur les fêtes de Noël...
* Dauinger (NRK) *
* Energikampen (NRK)
* Julekongen (NRK)
* Lesekorpset (NRK)

Enfin, rappelons que pour les prix d'interprétation, les Gullruten ne font pas de distinction entre le drame et la comédie.

- Meilleure actrice :
* Tuva Novotny (DAG - saison 3)
* Iben Hjejle (DAG - saison 3)
* Mariann Hole (Halvbroren)
* Lene Kongsvik Johansen (Kongsvik Videregaaende) *

- Meilleur acteur :
* Anders Baasmo Christiansen (DAG - saison 3)
* Atle Antonsen (DAG - saison 3)
* Frank Kjosås (Halvbroren) *
* Jon Øigarden (Halvbroren)

Bon, je suis très déçue pour Julekongen dont je pensais beaucoup de bien, mais je m'en remettrai. Par contre, n'avoir trouvé que des sous-titres suédois pour Halvbroren ne fait qu'accentuer mon envie de voir la série, laquelle a également reçu de nombreux prix techniques (dont meilleure réalisation, amplement mérité) ; dans l'intervalle, je rappelle que la bande-annonce est en anglais.
En tous cas, Lars Saabye Christensens, l'auteur de Halvbroren, a un nouveau projet pour NRK intitulé Etter Karnevalet, donc on aura l'occasion de retenter notre chance dans quelques mois !

Antalya-2013

On part dans un tout autre pays à présent, avec la Turquie, puisqu'il y a quelques semaines se déroulait la 4e cérémonie des Antalya, comme la ville du même nom (pour un bref historique de cette remise de prix récente, vous pouvez jeter un coup d'oeil à mon post de l'an dernier, c'est gratuit).
Comme je pense vous connaître un peu, je vais avancer la théorie que vous connaissez encore moins de séries turques que vous n'en connaissez de norvégiennes, et du coup je vais m'autoriser à détailler un peu moins les nommés, d'autant qu'il y a plus de catégories en Turquie qu'en Norvège. Je pars du principe que ça ne vous gêne pas, mais si je me trompe, faites-le moi à tout prix savoir en commentaires.

Karadayi-300

   Meilleure nouvelle série dramatique : Karadayi (ATV)
Un revenge drama réalisé par le directeur d'Ezel, et se déroulant dans les années 70, dans lequel un homme doit prouver l'innocence de son père condamné à mort ; manque de chance, il tombe amoureux de la même femme que le juge. Il faut croire que ça valait le coup de faire des messes basses à la rentrée pour faire monter la sauce.

IslerGucler-300

   Meilleure nouvelle série humoristique : İşler Güçler (Star TV)
Dans ce mockumentary diffusé l'été dernier, trois comédiens qui n'ont pas connu le succès ou à la gloire fanée misent sur un film pour pouvoir (re)trouver la célébrité ; ils tentent donc de présenter un documentaire qui leur permettrait de gagner un peu d'argent pour monter le film. A également remporté le prix de la Meilleure réalisation pour une série humoristique.

MuhtesemYuzyil-MEA

   Meilleure série dramatique : Muhtesem Yüzyil (Star TV)
Ca va, je vous présente pas, vous vous connaissez. Ce n'est qu'une récompense de plus dans la collection déjà volumineuse de la série depuis son lancement en 2011. A noter qu'elle a également remporté le prix de la Meilleure réalisation pour une série dramatique, pour faire bonne mesure.

Seksenler-300

   Meilleure série humoristique : Seksenler (TRT)
Absolument pas un titre transparent, ce sitcom est une comédie familiale prenant pour contexte les années 80.

BehzatC-300

   Meilleure adaptation : Behzat Ç. (Star TV)
Un titre qui revient de droit à la série, que sa réputation précède, mais qu'également une série de romans précède. Donc bon. Pour rappel, il s'agit d'une série policière avec l'un des rares vrais anti-héros de la télévision turque, un flic pourri jusqu'à l'os faisant passer l'officier Sipowicz pour un enfant de choeur. La version diffusée sur Star TV est toujours lourdement censurée, et seule la version en catch-up sur le site de la chaîne est en version intégrale. Le site de la chaîne est très fréquenté...

KayipSehir

   Meilleur scénario : Kayıp Şehir (Kanal D)
C'est une petite nouvelle qui a volé le prix aux poids lourds du genre. Avec ses 26 épisodes (la saison 1 a été écourtée faute d'audiences, et s'est achevée en mars), Kayıp Şehir raconte l'histoire d'une famille d'Anatolie qui s'installe à Istambul à la mort du patriarche. La série a vu débuter le premier personnage transsexuel de la télévision turque, et parle de toutes sortes de minorités, et de discriminations envers celle-ci.

NikkanSportsDramaGrandPrix

Direction un tout autre continent avec maintenant le Japon, où je m'apprête à évoquer deux awards différents qui ont été révélés en ce mois de mai. A la différence des précédents, ces prix sont remis sur la base du vote des lecteurs des publications remettant les awards ; il n'en existe pas de cérémonie télévisée, mais il faut dire que des cérémonies de récompenses tous les trois mois, ça perd vite de son charme ! Si vous voulez allez au petit coin c'est maintenant, parce que je vous préviens, on a de la route.

Commençons donc si vous le voulez bien avec le Nikkan Sports Dorama Grand Prix (d'où la jolie médaille ci-dessus), et vous allez voir, les vainqueurs sont faciles à mémoriser... Le Nikkan Sports Drama Grand Prix est remis plusieurs fois par an, ce qui semble relever d'une certaine logique au pays des saisons télévisuelles trimestrielles. Dans le détail, voilà comment ça se passe : quatre fois par an pour couronner les séries qui n'ont pas démérité au cours des trois derniers mois, et une cinquième fois (parce qu'on ne s'en lasse décidément pas) décernée au printemps pour récompenser les meilleures fictions de l'année écoulée.
Voilà donc les Nikkan Sports Drama Grand Prix dédiés aux séries diffusées entre janvier et mars 2013, pour démarrer tranquillement.

Tonbi-TBS

   Meilleure série : Tonbi (TBS)
Yasuo Ichikawa est un homme peu intelligent et au tempérament vif, mais qui, depuis la mort de son épouse, est devenu un papa-poule pour son fils unique Akira, qu'il éduque avec l'aide de ses amis et voisins... mais alors que celui-ci s'apprête à entrer à l'université, Yasuo lui révèle le secret de la mort de sa mère.. A ne pas confondre avec le Tonbi de la NHK l'an dernier, mais on a extensivement couvert le sujet dans un post précédent.

MasaakiUchino

   Meilleur acteur : Masaaki Uchino pour Tonbi (TBS)
Un bonheur n'arrivant jamais seul.

YaenoSakura-300

   Meilleur actrice : Haruka Ayase pour Yae no Sakura (NHK)
Le jidaigeki de la NHK n'a même pas encore achevé son année de diffusion que déjà les statuettes tombent. La série suit Yae Niijima, surnommée la "Jeanne d'Arc de la période Edo", une jeune femme qui, en dépit des efforts de sa mère pour la rendre féminine, va devenir une guerrière légendaire, mais aussi l'épouse d'un homme influent. Entre ses batailles (on dit qu'elle s'est barricadée avec 500 femmes pendant un siège pour défendre son palais), l'utilisation d'armes à feu, un voyage aux Etats-Unis, Yae n'en aura jamais assez. Elle deviendra aussi une des toutes premières infirmières volontaires pendant la guère russo-japonaise.

HirokiNarimiya

   Meilleur acteur secondaire : Hiroki Narimiya pour Aibou (TV Asahi)
En apportant du sang frais à la série au long cours Aibou (11e saison, quand même), l'acteur a fait un bon coup.

MachikoOno

   Meilleure actrice secondaire : Machiko Ono pour Saikou no Rikon (Fuji TV)
Une série dans laquelle un divorce conduit à toutes sortes d'imbroglios amoureux.

Voici à présent le Nikkan Sports Dorama Grand Prix annuel, parce que je sens que vous trouviez que ça manquait.

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   Meilleure série : Kagi no Kakatta Heya (Fuji TV)
Le surveillant d'une grosse compagnie de sécurité passionné par les serrures est embauché par une avocate pour l'aider à résoudre un cas étrange. Alors qu'elle le suspecte de s'y connaître un peu trop en serrures pour être honnête, elle va progressivement avancer dans l'affaire qui les occupe...

SatoshiOono

   Meilleur acteur : Satoshi Oono pour Kagi no Kakatta Heya (Fuji TV)
Comme ça c'est assorti.

MakiHorikita

   Meilleur actrice : Maki Horikita pour Umechan Sensei (NHK)
Ca change un peu. Umechan Sensei se déroule dans l'après-guerre, et suit le parcours d'une jeune femme mal assurée qui va progressivement se découvrir une vocation de médecin de campagne.

KoichiSatou

   Meilleur acteur secondaire : Koichi Sayou pour Kagi no Kakatta Heya (Fuji TV)
Et rebelotte.

ErikaToda

   Meilleure actrice secondaire : Erika Toda pour Kagi no Kakatta Heya (Fuji TV)
Vous commencez à voir se dessiner une tendance...

Un peu monomaniaque, le Nikkan Sports Dorama Grand Prix ? Allons donc, si peu !
Histoire de varier les plaisirs, voici donc les Television Dorama Academy Awards, qui eux, se limitent à seulement quatre remises de récompenses par an. Où vous allez voir que finalement, le résumé est vite fait aussi, mais différent. Rappelons que les Television Dorama Academy Awards sont remis par les lecteurs du magazine The Television.

SaikounoRikon-300

   Meilleure série : Saikou no Rikon (Fuji TV)
Kousei est en train de divorcer de sa femme Yuuka, avec laquelle il est profondément incompatible (mais hélas il leur aura fallu endurer 2 ans de mariage pour le découvrir). C'est à ce moment-là que son ex de l'époque de la fac réapparait. Elle s'est depuis mariée avec un type qui continue d'avoir des aventures, et n'est pas non plus heureuse en ménage...

SaikounoRikon-300

   Meilleur acteur : Eita pour Saikou no Rikon (Fuji TV)
Tout à gauche sur la photo.

KyoukaSuzuki

   Meilleur actrice : Kyouka Suzuki pour Yarou Karansha (TBS)
En emménageant dans un endroit huppé, Mayumi pensait que sa vie allait changer pour le mieux, mais entre sa fille qui tourne mal et les maltraitances verbales du voisinage, ce n'est pas le cas. Il y a en revanche une famille où tout semble aller bien, mais un jour, le père est assassiné, puis l'un des fills disparait. Cependant, la police se demande progressivement si cela signifie que c'est le fils le coupable... Je précise que la couleur jaune vient du matériel promo de la série !

KotarouYoshida

   Meilleur acteur secondaire : Kotarou Yoshida pour Karamazov no Kyoudai (Fuji TV)
Dans un cast très masculin, puisque la série est basée sur l'oeuvre de Dostoievski, la performance n'est pas anodine. Yoshida interprétait apparemment le père des trois frères Karamazov.

SaikounoRikon-300

   Meilleure actrice secondaire : Machiko Ono pour Saikou no Rikon (Fuji TV)
Comme on se retrouve ; sur la photo de promo, Machiko est l'actrice habillée en blanc.

SaikounoRikon-300

   Meilleur scénariste : Yuuji Sakamoto pour Saikou no Rikon (Fuji TV)
On lui doit toutes sortes d'autres séries comme Last Christmas, Mother ou Soredemo, Ikite Yuku. Oui, j'ai réussi à recaser Mother dans post sur l'actualité nippone.

SaikounoRikon-300

   Meilleur réalisateur : Rieko Miyamoto, Michiko Namiki, et Yuusuke Katou pour Saikou no Rikon (Fuji TV)
Vous m'arrêtez quand je commence à me répéter.

SaikounoRikon-300

   Meilleur générique : Saikou no Rikon (Fuji TV)
A croire que les lecteurs du magazine The Television ont aimé la série. Ce qui est intéressant parce que ses audiences n'ont pas non plus été exceptionnelles.

AustralianDirectorsGuildAwards-2013

Il y en a un peu plus, je vous le laisse ? Car en Australie aussi, les personnalités de la télévision ont eu droit à leur petite statuette, ya pas de raison. Les Australian Directors Guild Awards étaient en effet remis un peu plus tôt ce mois-ci. C'est d'ailleurs intéressant de se pencher sur des awards portant sur des angles plus "techniques", je devrais le faire plus souvent.

RedfernNow-300

   Best Direction in a TV Drama Series : Rachel Perkins pour Redfern Now (ABC1)
Récompensée pour l'épisode "Pretty Boy Blue", 6e et dernier épisode de la saison 1.

DevilsDust-300

   Best Direction in a TV Mini Series : Jessica Hobbs pour Devil's Dust (ABC1)
La réalisatrice a dirigé les deux épisodes de la mini-série sur le scandale australien de l'amiante.

DanceAcademy-300

   Esben Storm Award - Best Direction in a Children’s TV Program : Daniel Nettheim pour Dance Academy (ABC3)
Récompense remise pour l'épisode 2x25, "The Second". Une maigre consolation pour les jeunes fans de la série, dont ils ont appris que la 3e saison, déjà écourtée puisque la commande était passée de 26 à 13 épisodes, serait la dernière.

HomeandAway-300

   Best Direction in a TV Drama Serial : David Gould pour Home & Away (Ten Network)
Les soaps aussi peuvent être réussis techniquement ! C'est l'épisode n°5438 qui lui a valu ce prix.

Danger5-300

   Best Direction in a TV Comedy : Dario Russo pour Danger 5 (SBS)
Où les idées originales et le goût du retro l'emportent sur la qualité du résultat final. Tentez quand même de jeter un oeil à Danger 5 si ce n'est pas encore fait, car un bon rire vaut un bon bifteck, et le prix de la viande de boucher est devenu hallucinant.

J'ai hésité à remonter jusque début avril avec les Logies, mais comme à l'époque j'étais de toutes façons en hiatus, on ne va pas commencer à retourner jusqu'en mars pour le plaisir de couvrir l'info. Disons donc qu'on est quittes. En plus, vous avez déjà laaargement de quoi faire si vous cherchez l'inspiration dans les cérémonies de la planète !

Sur ce, je vous laisse, j'ai un second post à publier aujourd'hui. On ne va d'ailleurs pas s'arrêter de voyager pour si peu !

17 mai 2013

80s kids will know

Lorsque Reed between the Lines avait occupé mon automne, il y a de cela maintenant un an et demi (...cette deuxième saison se fait attendre, c'est interminable), j'avais esquissé un début de marathon The Cosby Show. Esquissé seulement : ça avait duré une petite douzaine d'épisodes, et je m'étais lassée.
Ce n'était simplement pas le bon moment ; c'est le danger quand on pense pallier au manque d'une série en regardant une autre qu'on croit proche.

En ce moment, c'est différent : je suis en plein marathon Brothers & Sisters ; ce qui signifie que, si les thèmes peuvent être voisins, The Cosby Show ne pâtit d'aucune forme de concurrence déloyale de la part du drama d'ABC. Du coup, j'ai fini l'intégralité de la première saison, dont voici un petit bilan en attendant, peut-être, un bilan plus général de la série. Parce que j'ai quand même Brothers & Sisters à finir, nan mais ho.

Et je dois dire que cette première saison m'a mise à genoux. J'avais pourtant, comme de nombreux spectateurs de ma génération, vu de nombreux épisodes de la série à l'occasion de ses multiples diffusions sur M6, en alternance avec Madame est Servie généralement, et pourtant, je ne les avais pas regardés. A l'époque je n'étais pas téléphage, faut-il préciser : je consommais de la télévision dans une fringale peu regardante, parce que chez moi, le meuble télé était sous clé, que mon père estimait que l'écran ne devait être allumé que pour le journal et les grands prix de Formule 1, et que tout ce qui pouvait être récupérer en-dehors de ce contrôle strict était bon à prendre, sans chercher à distinguer des critères de qualité, ou même vraiment faire attention à ce qui se regardait. Attraper des images par poignées, goulument, et les enfourner sans prendre le temps ni de mâcher ni de faire fonctionner les papilles. Vite, avant d'être prise sur le fait. Je ne dis pas que je ne riais pas, ça s'est sûrement produit, je ne dis pas non plus qu'il ne m'en est rien resté, car j'ai des souvenirs, quoique flous, de plusieurs épisodes ; c'est surtout que The Cosby Show a fait partie des séries que je regardais sans les laisser me marquer.
Pendant tout ces années où pourtant j'étais postée devant les épisodes à 20h, guettant le bruit de la porte du garage d'une oreille, je n'ai pas vraiment apprécié sa série à sa juste valeur.
Combien je le regrette et m'en réjouis à la fois aujourd'hui ! Je le regrette parce que j'étais clairement passée à côté de merveilles.

Mais je m'en réjouis car ce (re)visionnage est l'occasion de découvrir les trésors recelés par ce sitcom, à tort considéré, comme beaucoup de séries dont nous avons été nourris à l'époque, comme totalement anecdotique. Dans le Grand Livre de l'Histoire des Séries que nous avons tous un peu en tête, nous nous souvenons du Cosby Show pour avoir été la première comédie mettant en scène une famille afro-américaine à rencontrer un tel succès aux USA. Si naturellement il n'est pas inutile de se souvenir de cette donnée lorsqu'on parle de la visibilité des minorités à la télévision américaine et de leur évolution (bien que le Cosby Show soit loin d'être le premier "sitcom black" de l'histoire américaine - Beulah, en 1950, fut la pionnière du "genre", et Bill Cosby lui-même n'en était pas à son coup d'essai), elle ne doit pas être le seul critère sur lequel nous appuyer pour en parler. Et la seule nostalgie ne suffit pas.

TheCosbyShow_Season1

Car finalement, dans cette première saison au moins (on verra par la suite ?), il est plutôt anecdotique que les Huxtable soient afro-américains. En-dehors de quelques détails (certaines oeuvres accrochées sur leurs murs, la couleur peu représentée à la télévision d'une poupée de Rudy, etc.), rien ne distingue cette famille de celles que nous avons vues, beaucoup plus souvent, sur nos écrans. C'est sûrement en cela que la série est finalement si fine, dans son choix de normaliser ce qui restait pourtant plus une exception qu'autre chose à la télévision (même alors que Beulah précédait Heathcliff de 34 années).

Mais ce qui rend The Cosby Show proprement brillante, n'ayons pas peur des mots, c'est que c'est un sitcom avec une vraie thèse (contrairement à ce que beaucoup de comédies aujourd'hui voudraient vous faire croire, il ne s'agit pas d'un oxymore). Comme une poignée de créateurs de séries, Bill Cosby a quelque chose à dire, à communiquer, à partager ; il a un univers dans lequel il veut faire entrer les spectateurs afin de leur donner son point de vue sur le monde, à son échelle. Pas d'univers fantasmagorique à la Whedon ici ; Bill Cosby vit dans un monde au contraire très réaliste où il veut parler des rapports au sein du cercle familial. Dans l'espoir de les assainir, sans aucun doute : il ne faut évidemment pas oublier que c'est DOCTEUR Bill Cosby, s'il-vous-plaît, diplômé en sciences de l'éducation, qui a donné naissance à la série (chose que le générique rappelle au bon souvenir du spectateur étourdi). Et de la même façon qu'un Kelley va employer son expérience professionnelle pour donner son point de vue (et ses questions) sur la société, Cosby va faire de même avec la cellule familiale. Ah d'accord, elle a comparé Cosby à Kelley, on sait donc désormais que toute forme d'objectivité sera absente de ce post.
Regarder le Cosby Show n'est pourtant en aucune façon une leçon sur les valeurs familiales. En tant que grande consommatrice de fictions familiales depuis que j'ai su crocheter la serrure du meuble télé, et pour avoir vu l'intégralité oui, l'intégralité des 5 premières saisons de 7 à la Maison, je suis en mesure de vous assurer qu'il y a une énorme différence. Cosby écrit avec sa série le même manuel d'optimisme et d'humanisme que Gene Roddenberry avec Star Trek. Ah ouais, donc maintenant on en est à comparer Bill Cosby au Great Bird of the Galaxy, carrément.

A travers le Cosby Show, on devine quelles sont les convictions profondes de Bill Cosby ; la plus prégnante est le respect des enfants.
Cosby, par le truchement de Heathcliff Huxtable, met un point d'honneur à ne jamais les regarder de haut, il leur parle toujours avec clarté et honnêteté, et ne prend jamais leur intelligence à défaut. En somme, il traite chaque enfant, quel que soit son âge, comme un égal, tout en adaptant son discours à leur compréhension du monde, en bon pédagogue.
Un détail m'a particulièrement impressionnée. Il arrivera à deux reprises, pendant cette première saison, que Heathcliff, la mine accablée par la dernière bêtise inventée par un de ses rejetons, s'empare d'une batte de baseball avant de toucher deux mots à sa progéniture. C'est généralement le moment de toute série où je réprime difficilement un frisson, je l'admets. Mais la batte de baseball n'effleurera pas le plus petit popotin, pas même pour plaisanter : on ne lève pas la main sur les enfants, chez les Huxtable. Jamais. Se saisir de cette batte est plutôt une façon pour Bill Cosby de dire : "je pourrais régler les choses comme ça, et imposer mon autorité par la force et donc la peur" ; chaque fois, Heathcliff posera la batte aussi vite qu'il la prise et entamera une vraie discussion. Cette batte de baseball, c'est en fait la matérialisation de ce que Cliff expliquera à son fils dans un épisode : "dans le temps, quand le père voulait que le fils fasse quelque chose, il l'ordonnait et le fils s'exécutait. Mais on n'est plus dans le temps", racontera-t-il en substance (les histoires-fleuves de Heathcliff Huxtable ayant fait sa réputation...). Ce qui m'a impressionnée ? Les enfants n'ont pas de mouvement de recul, ils ne cillent pas, ils ne regardent même pas la batte quand il l'attrape ; il est acquis que cette batte n'a aucune existence dans leur rapport à leur père. Son utilisation n'est jamais qu'anecdotique.
L'un des meilleurs exemples au long de cette première saison (et, si mes souvenirs sont justes, des suivantes) de la volonté de Cliff de parler à ses enfants comme à des êtres sensés et de toujours privilégier ce mode, sera sa relation à Théo, unique fils de la maisonnée, un peu irresponsable mais pas mauvais bougre. Le Dr Huxtable passe un temps considérable à essayer à la fois de lui inculquer le sens des responsabilités et de préserver leur camaraderie. Ce sera sensible dans le pilote, comme j'ai pu le souligner par le passé, mais aussi dans l'épisode où Clair découvre un joint dans un livre de classe de Théo ; au lieu de virer à la prêche, l'épisode va au contraire prendre un tour surprenant quand les parents croient Théo sur parole (lequel affirme "c'est pas à moi", défense plutôt classique du genre), et que Théo insiste pour prouver son innocence afin de préserver l'estime de ses parents, qu'il n'avait pourtant jamais perdue. Dans la façon que Cliff et Clair ont d'adresser le problème, il est net d'emblée que personne ne va "engueuler" Théo. Il n'est pas question de le sermoner. Il ne vient à l'idée de personne de commencer par punir et poser les questions après (on n'est pas chez les Kyle de Ma Famille d'abord, ici !). On se parle, chez les Huxtable.
Mais le plus merveilleux dans cette famille, c'est que se parler n'est pas réservé aux situations "de crise". On prend aussi les décisions en commun comme dans une démocratie où chaque vote compte (c'est ce qui se passe quand Sondra veut passer l'été en France avec des amies), ou tout simplement on débat de sujets divers, pour le plaisir d'échanger des idées (à l'instar des questionnements soulevés sur le remariage par un ami du couple Huxtable qui a trouvé une nouvelle compagne de plusieurs décennies sa cadette). Il n'est pas rare que les enfants se sentent, dans ce contexte, autorisés à contester les décisions ou le comportement de leurs parents, comme quand Cliff découvre que Denise a un nouveau petit-ami qu'elle ne veut pas lui présenter car ses réactions sont souvent épidermiques, et que Vanessa comme Denise adressent à leur paternel des remontrances à ce sujet.
Cette croyance que les générations peuvent communiquer s'élargit au-delà de la relation parent-enfant ; dans un épisode, les parents d'Heathcliff viennent dîner, l'occasion de comparer les générations entre elles alors que Théo vient de se faire percer l'oreille en cachette de ses parents juste pour impressionner une fille. On en concluera d'ailleurs que si les modes opératoires changent, dans le fond, les adolescents restent les mêmes génération après génération, et les parents aussi. La fin de l'épisode, dans un joyeux brouhaha, montrera des personnes âgées partager avec leurs enfants et leurs petits-enfants leurs souvenirs de jeunesse sans fard ni faux-semblant (attention spoiler : grand-père Huxtable s'était fait tatouer sur le torse le nom de sa promise à l'époque du lycée !). Bill Cosby ne croit vraisemblablement pas au "white lie", considérant qu'il ne sert à rien de faire croire à une image immaculée des générations précédentes, et tenant en plus haute estime la franchise que l'espoir de servir de modèle parfait. Un autre épisode montrera au contraire Cliff Huxtable s'amuser avec plusieurs camarades de Rudy pendant de longues scènes ; mais je vais y revenir.

Outre la position de Bill Cosby sur les rapports intergénérationnels, The Cosby Show est aussi une ode au partage des responsabilités domestiques et familiales, au point qu'on se demande pourquoi cela pose encore problème aujourd'hui si en 1984, le sujet est posé comme une évidence par la série.
On le sait, les Huxtable travaillent tous les deux : Heathcliff est gynécologue et obstétricien, Clair est avocate. Le premier travaille dans un cabinet aménagé au sous-sol de la maison, mais peut être appelé au beau milieu de la nuit, ou d'un évènement important, pour accoucher une patiente à l'hôpital ; la seconde ne compte pas ses heures de travail, et peut parfois enchaîner les heures supplémentaires en soirée. La résultante de ces deux vies très occupées, c'est que, paradoxalement, Cliff est plus facilement à la maison que Clair pour s'occuper des enfants, et considère tout-à-fait normal de les prendre en charge, parfois à la grande surprise de Clair. Celle-ci opposera une ou deux fois de la résistance, généralement parce qu'elle voudrait tout de même pouvoir s'occuper des enfants elle-même (comme dans l'épisode où Rudy tombe malade et que Clair a une réunion très importante qu'elle ne peut déplacer alors qu'elle ne souhaite que cajoler la petite), ou, parfois, parce qu'elle pense que son mari va être dépassé (il lui prouvera le contraire ; sauf dans la mesure où les enfants n'apprécient pas la cuisine de leur père !). Heathcliff et Clair sont donc à pied d'égalité dans la maisonnée, en partie parce que les circonstances s'y prêtent, et en partie parce que le Dr Huxtable éprouve un plaisir visible à passer du temps avec ses nombreux rejetons.
Quant à leur relation de couple, elle fait partie des choses les plus vibrantes de cette première saison. Quand on les voit ensemble, on ne se demande absolument pas comment Heathcliff et Clair ont pu avoir 5 enfants (alors que la question est légitime dans le cas des Camden de 7 à la Maison, pour prendre l'exemple le plus frigorifiant de couple télévisuel de parents supposés s'aimer). C'est bien simple, ils sont toujours l'un sur l'autre ! Ils s'aiment visiblement comme au premier jour (ils se sont pourtant connus au lycée, comme l'expliquera Heathcliff dans un épisode où il se souvient avoir choisi sa fac uniquement sur la base du choix de Clair), et cet amour ne se vit pas en cachette dans la chambre à coucher, bien que celle-ci soit évidemment le théâtre idéal pour leurs interactions. Dans le salon, la cuisine, PARTOUT ! Les Huxtable s'embrassent, se taquinent, s'entrelacent, s'allument, se suçottent les lobes d'oreille... ils sont inséparables, et très tactiles.
Leurs échanges ne se limitent pourtant pas à leurs nombreuses preuves d'amour physique : on se raconte sa journée (comme Heathcliff qui rentre à 3h du matin et raconte à son épouse à demi-endormie : "on dit qu'un bébé naît en moyenne toutes les 9 secondes, cette nuit, ils avaient choisi mon hôpital pour le faire"), on partage ses préoccupations, des plus profondes aux plus futiles ("si je meurs et que tu rencontres une femme qui me ressemble trait pour trait, est-ce que tu gardes ma photo ?"), ou évidemment, on discute des enfants. Le rapport d'égal à égal est valable dans tous les domaines.
D'ailleurs, preuve que Cosby est là avant tout pour parler d'un univers et non d'un couple, le Dr Huxtable aura l'occasion plusieurs fois d'expliquer ces principes à ces propres patients. Au mari d'une parturiente qui insiste pour se comporter comme chef de la maison (ce qui ennuie bien la future maman), il expliquera : "l'époque où on était le chef, sérieusement, ça date d'il y a 30 ans ! L'homme à l'ancienne, c'est fini ! Une relation, c'est bien plus que d'être le chef. Vous n'êtes pas le chef, elle ne sera pas le chef". Evidemment, comme on parle d'une comédie, la tirade se conclut sur : "le bébé sera le chef !"... mais le message est clair. Et il sera répété, de façon plus subtile et cette fois sur le ton de l'évidence, tout au long de cette première saison. On est en 1984, rendez-vous compte ; pourquoi a-t-on encore des débats sur le sexisme en 2013 alors que Bill Cosby avait classé tout ça il y a belle lurette ?

Il faut avouer que même si Cliff est, de toute évidence, au centre de la série, Clair est un personnage, pardon pour le jeu de mots, parfaitement lumineux. Phylicia Rashad a d'ailleurs l'air de passer de bons moments sur le plateau, éclatant de rire spontanément lorsque Bill Cosby fait le pitre, et apportant sa classe naturelle à son jeu d'actrice qui n'endosse jamais tout-à-fait dans le rôle du clown blanc. Clair est la voix de la raison... souvent. Pas tout le temps. Clair est bon public pour Cliff... jusqu'au moment où c'est elle qui va nous épater, nous prendre par surprise.
Personne ne s'enferme dans une caricature, dans le Cosby Show.

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Quand j'avais 5 ans, ma mère m'avait laissé voir Rencontres du troisième type ; il est de notoriété dans ma famille qu'à l'issue de film, je me suis précipitée vers l'écran en répétant que je voulais rentrer dans la télé, et partir rejoindre les personnages (eh oui, déjà alors). J'ai ressenti cette émotion, que je n'avais plus connue depuis un quart de siècle, devant cette première saison du Cosby Show. Et quand je vous disais, plus tôt, que le premier volet de mon intégrale m'avait mise à genoux, ce n'est pas une image : je suis littéralement tombée devant mon écran, les joues en larmes, devant certaines scènes absolument magiques. MA-GIQUES. J'assume mes adjectifs.
Et pas juste parce que les Huxtable forment une famille géniale, ce que je me suis ingéniée à expliquer jusqu'à présent, mais aussi parce que la série offre des moments... eh bien, je l'ai dit, magiques.

Il suffit, pour se convaincre de l'énergie de certaines idées du Cosby Show, de voir les épisodes-ovnis comme Jitterbug Break (1x16) ou Slumber Party (1x22), à la narration fantaisiste.
Le premier raconte comment la famille Huxtable se prépare à passer un vendredi ou samedi soir ; les parents s'apprêtent pour sortir avec un couple d'amis pour aller danser, la babysitter annule sa venue et Denise est chargée de la remplacer, qui invite donc les amis avec lesquels elle devait sortir à venir à la maison. Denise, dont on apprend qu'elle pratique le breakdance avec une boombox dans la rue (hello, années 80). L'épisode commence donc de façon assez classique, mais son dernier quart d'heure sera en réalité entièrement dédié à faire danser les personnages dans le salon, ce salon que nous connaissons tous où les meubles ont été poussés par Denise, ses amis et Théo, et où chacun s'en donne à coeur joie sur du hip-hop, puis du jazz quand arrivent les amis des parents, des danseurs émérites qui prouvent qu'ils ont encore quelques tours dans leur manche, puis finalement, quand les deux générations se mettent à danser ensemble dans la joie et la bonne humeur. L'épisode ne veut a priori envoyer aucun message : chaque personnage prendra la suite d'évènements comme un bon moment dont il faut profiter, le bonheur du moment dans une maison qui n'en manque pas. Son but est simplement de finir sur une célébration de l'envie de danser. Le scénario de départ n'a été qu'une excuse pour profiter de ce moment magique du quotidien des Huxtable. "C'est pour ça que j'aime venir ici", soufflera leur ami dont la voix est couverte par la musique, "on ne sait jamais comment la soirée va finir".
Dans le second de ces deux épisodes, Rudy s'ennuie copieusement, et Heathcliff lui suggère (après lui avoir proposé d'être son camarade de jeu, et de s'être gentillement fait rappeler "tu es mon papa, pas mon copain" par la petite) d'inviter des amis à dormir. Huit enfants de cinq ans vont donc être lâchés dans la maison (huit !), alors que Clair est, une fois de plus, retenue à l'extérieur (une conférence, cette fois) et que Cliff doit donc gérer tout seul la petite tribu, même s'il embarque finalement Théo et Denise pour lui prêter main forte. L'épisode n'a pas de conclusion à proprement parler : où Cosby veut-il en venir en parlant de la pauvre Rudy qui se sent seule ? Nulle part, la pauvre n'aura pas plus de trois lignes de dialogues à partir du moment où ses camarades arrivent à la maison. L'épisode va en fait consister en une enfilade de scènes pendant lesquelles le Dr Bill Cosby va simplement interagir avec les enfants : leur parler (encore), jouer avec eux, les taquiner, et ainsi de suite. Reconnaissant que les petits bouts sont bruyants, il aura juste le temps de lancer un pari avec son propre père (de passage) afin d'essayer de réussir à faire taire les gamins pendant une minute. Et c'est tout. Juste ça : Bill Cosby et huit enfants joyeux. Les scènes sont longues, mais on s'en fiche. Ca respire la vie !

Contrairement à la plupart des séries de son époque (puis des années 90) à vocation familiale, The Cosby Show n'a donc, vous l'aurez compris, aucune ambition moralisatrice, et ne s'embarrasse pas de conclusions. La narration de nombreux épisodes de cette première saison n'aura pas conclusion claire, sans même aller jusqu'aux exemples que je viens de citer ; ce sont simplement des tranches de vie, légèrement plus comiques que celles que vous et moi avons pu connaître pendant notre propre vie familiale, mais qui ne sortent jamais de ce registre.
Même quand l'avant-dernier épisode de la saison s'aventure au centre communautaire du quartier (posant ainsi comme une nouvelle évidence que Cliff et Clair participent à la vie de quartier sur leur temps libre, of course), on évitera pourtant tous les écueils du genre. L'épisode, qui devait être un backdoor pilot, mettra en retrait les Huxtable pour souligner plutôt le quotidien de Tony, responsable du centre, et de sa petite-amie, conseillère et psy travaillant avec lui. L'épisode, qui porte le titre de Mr. Quiet, montre alors Tony qui fait la connaissance d'un petit garçon très secret, lequel vient de se faire battre par un groupe d'enfants, et refuse de parler à qui que ce soit de ce qui est arrivé. Va-t-on essayer de comprendre pourquoi on s'en est pris à lui et ainsi aborder, je ne sais pas, le problème du racisme ou des violences ? Va-t-on découvrir que le garçon, que Tony n'a jamais vu au centre communautaire, est un SDF à prendre en charge ? Pas du tout. Le seul "enjeu" de l'épisode est que Tony tente de se lier à l'enfant et de lui faire simplement dire son prénom, et l'épisode se concluera quand le petit rentre chez sa mère après avoir non seulement parlé à Tony, mais aussi dévoilé son surnom "pour les amis". Voilà, c'est tout. Pas de mission. Une tranche de vie qu'on ne prend pas pour prétexte à moraliser la discussion.
The Cosby Show, regardable par toute la famille, ne donne pas dans l'éducation des enfants, de toute façon, mais plutôt des parents. Si la série poursuit un but, c'est à la rigueur d'apprendre à ces derniers à parler aux plus jeunes, pas à aborder les problèmes rencontrés par ceux-ci pour les aider à grandir. La télévision de Bill Cosby n'éduque pas les enfants à la place des parents. Personne ne doit éduquer les enfants à la place des parents, voilà ce que croit Bill Cosby, et c'est pour ça qu'il faut apprendre aux parents à être pédagogues. A observer. A écouter. A parler. A interagir avec les plus jeunes, de façon simple mais sincère. Mais ça, vous l'aviez compris depuis le début de la lecture de ce post...

Avec son rythme souvent à contre-temps, et ses multiples tentatives d'expérimenter des structures narratives atypiques pour ne pas dire, parfois, inexistantes, la première saison du Cosby Show vaut largement le coup d'oeil. D'autant qu'au-delà de ça, ses gags sont tout simplement intemporels...

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Pour conclure, je dirais : il faut signer où pour se faire adopter par les Huxtable ? Avec tout ça, mais aussi les coiffures de l'impossible, les pulls pas croyables, et les musiques d'un autre temps, j'ai eu l'impression de replonger dans l'enfance que je n'ai jamais eue, c'était un vrai délice.
...Et dire que ça, c'était pour une seule saison ! Bon, il est un peu acquis ce marathon, maintenant, non ?

10 mai 2013

Soyons curieux maintenant, avant qu'il ne soit trop tard

Aujourd'hui, j'avais initialement prévu de vous faire un post sur Hatufim. Ou plutôt à sa gloire. Pour féliciter arte, qui outre les excellentes séries scandinaves qu'elle ne cesse de nous proposer, s'attache à nous rendre curieux sur plein de pays, dont Israël, un formidable pays pour les séries comme j'ai eu l'occasion de vous le dire à peu près 712 fois dans ces colonnes. Mais après avoir lu les retours sur la diffusion d'hier, j'ai décidé de mettre mon post de côté, et d'aborder une autre question que souligne la diffusion de la série.
Et puis, après tout, combien de fois avez-vous déjà lu des articles comparant Hatufim à Homeland cette semaine ? Comme si vous aviez besoin du mien en plus. Mais au pire, je l'avais fait là.

Hatufim-Portraits

Quelles que soient les qualités de Hatufim (et elles sont nombreuses), quel est foncièrement l'intérêt de diffuser une série dont le remake fait déjà tant parler ? La réponse est dans l'objectif qualitatif, pour ne pas dire téléphagique, qui est clairement celui d'arte depuis quelques années : proposer de bonnes séries, à la fois en gardant un oeil sur le monde et les tendances, à la fois en faisant son affaire de son côté sans s'embarrasser de suivre le troupeau. C'est un pari, peut-être pas quotidien, mais disons, trimestriel. Parfois ça marche, comme avec Äkta Människor.
Et parfois, ça donne Hatufim, 496 000 spectateurs hier soir.

Ouch. Oui, ça fait mal. Mais ça ne fait pas simplement mal parce que moins d'un demi-million de Français aura vu les premiers épisodes de cette excellente série. Ce ne fait pas simplement mal parce que "l'invasion" de séries israéliennes n'est pas pour demain après des résultats comme celui-là. Ca fait mal parce que, concrètement, le public des séries d'arte réagit au buzz. Or le buzz de Hatufim ne travaillait pas pour lui, d'abord parce qu'il y en avait très peu (le succès d'Äkta Människor, c'est aussi une campagne démentielle), ensuite parce que tous ceux qui en ont parler, tous, absolument tous, je prends l'absolu pari que vous ne trouverez pas d'exception à cette règle, ont comparé Hatufim à Homeland.
C'est-à-dire qu'on est parti du principe à la base qu'on allait regarder une histoire déjà très familière aux spectateurs, et que le jeu consistait à montrer les différences entre les deux versions, donc à partir du principe que la connaissance de Homeland par les spectateurs était telle que les spectateurs pouvaient en tirer des conclusions. ...On a quasiment fait passer Hatufim pour le remake !
Homeland, qui de surcroît, jusque là, n'a été diffusée en France qu'en crypté par Canal+, et dont le premier épisode a rassemblé sur la chaîne cryptée 1,3 million de spectateurs. Donc une portion de ces spectateurs allait forcément partir du principe que, bon, j'ai déjà vu une fois, ça va. Une autre portion n'a peut-être pas eu vent de la diffusion de Hatufim (c'est-à-dire que Hatufim ne fait pas les gros titres depuis plus d'un an et demi dés qu'on parle de séries, et n'a pas reçu d'Emmy Award). Et puis une portion a aussi décrété que les séries israéliennes, on veut bien être curieux, mais faut pas pousser quand même (j'en ai dans mon entourage... ou plutôt avais, les funérailles sont lundi).

La question de savoir si arte aurait finalement dû ne pas diffuser Hatufim ne se pose pas : c'est un choix éditorial en parfait accord avec l'identité que s'est forgée la chaîne, ces dernières années, dans le domaine des fictions acquises à l'étranger, c'est-à-dire le choix de la qualité et de l'intérêt intrinsèque de l'oeuvre, par opposition à ses chances évidentes de succès commercial. Personne n'a le sens de la prise de risque noble comme arte en matière de séries. Mais il lui faut déployer tout un couteau suisse de promotion pour réussir son pari ; or du point de ce point de vue, Hatufim était poignardée d'avance.

Par-delà le problème de Hatufim (la sortie en DVD fin mai devrait finalement atténuer nos peines ; vous avez de la chance, j'ai pas eu autant de bol avec Kommissarie Winter l'an dernier), la question qui se pose aussi est celle de l'avenir d'une série originale quand son remake nous est parvenu.
Des séries comme Ta Gordin, Rake ou Réttur deviendront obsolètes du jour où leur adaptation (quand elle voit le jour) aura achevé sa première minute sur les écrans américains.

Parce que telle est encore la loi, dans un monde où, ironie du sort, les séries américaines s'inspirent de toujours plus de nationalités différentes : les USA ont toujours le dessus. Au moins commercialement, ce qui est amplement suffisant. arte a beau essayer de nous ouvrir l'esprit à d'autres espaces, d'autres possibilités télévisuelles, pour le moment, USA is the new black.

Il n'est pas suffisant qu'une chaîne comme arte (mais qui d'autre ?) s'aventure sur des terrains comme Hatufim. Il faut qu'elle débroussaille le champs des possibles et déniche elle-même, sans doute en augmentant encore la prise de risques, les perles de demain dont les exécutifs américains s'arracheront les droits quelques mois plus tard. Dégainer par exemple Penoza avec Red Widow qui passe sur les écrans américains (sans même parler de sa réussite ou non outre-Atlantique), ce serait déjà avoir perdu le pari.
Il faut, pour éviter le piège tendu par le parallèle Hatufim/Homeland, qu'arte diffuse sans attendre les Oforia, les Pressa, les SON, les Arven Efter Veronika (bon enfin, non, arte peut attendre la diffusion danoise pour cette dernière, on n'est pas des bêtes). Ou bien qu'elle choisisse des séries quasiment impossibles à adapter, comme Blackstone, Intersexions, Cloudstreet ou 30° i Februari. Il faut prendre une longueur d'avance. Il n'y a pas le choix.

Soyons curieux maintenant.

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3 mai 2013

There's gotta be more to Life

C'est le retour des reviews de pilote, cette grande entreprise dans laquelle je me suis lancée cette saison avec whisperintherain... Après quelques semaines, bon d'accord mois de pause, me revoilà donc à reprendre progressivement la consommation de pilote que j'avais, un temps, mise de côté. Dans le cas de Rectify, c'était sous l'influence de Pierre Langlais qui, à l'occasion de Séries Mania, avait chanté les louanges de la série, qu'il a eu l'heur de voir en intégralité avant sa diffusion ; souvenez-vous, je l'évoquais dans le compte-rendu de la table ronde Allociné. Mais du même coup, c'était un challenge : entendre quelqu'un dire tant de bien d'une série, ça peut fausser la vision qu'on en a au moment de la commencer...

TheresGottaBeMoreToLife

Qu'on se rassure vite : parfois, les déclarations d'amour dithyrambiques sont fondées.

Impossible de ne pas tomber sous le charme de Rectify : c'est tout ce que j'avais adoré chez Life (et j'avais adoré Life, souvenez-vous, c'était il y a des lustres), sans ce que je n'avais pas trop aimé chez Life (car il y en avait un peu pour l'allergique au policier que je suis). On est dans le même thème de la reconstruction, un thème qui m'a toujours séduite et qui est ici, de surcroît, traité avec énormément d'intelligence. Le sujet s'y prête, en toute sincérité.

Lorsque Daniel Holden est innocenté par un test ADN, il a déjà passé 19 ans dans le couloir de la mort, attendant une exécution décidée suite à sa condamnation pour le viol et le meurtre de sa petite amie. Sa sortie est, évidemment, une affaire médiatique, aussi bien pour les opposants à la peine de mort que sur la "simple" affaire du meurtre, qui du coup n'est pas résolue. Mais le pilote de Rectify s'intéresse, en définitive, assez peu à cette partie de son univers, bien qu'il ne fasse pas l'erreur de la mettre totalement de côté (ce qui donnera une scène glaçante en fin de pilote).
Ce qui intéresse cet épisode inaugural, c'est surtout de vivre cette expérience aux côtés de Daniel ; des minutes précédant sa libération, à ses premières heures de liberté, nous allons suivre son retour à la vie civile. Et bien que, en tâche de fond, on puisse noter les conséquences du regard des autres sur sa situation, c'est avant tout son vécu, et celui de sa famille, qui vont occuper la majeure partie de l'épisode. Daniel est en effet entouré, même après ces deux décennies d'enfermement, et malgré les difficultés que ça a pu, ou peut encore, présenter pour ses proches ; ainsi, sa soeur Amantha est sa plus fervente supportrice, et, on le devine, une complice de toujours ; Janet, sa mère, a eu le coeur brisé à bien des égards, mais son amour pour son fils semble intact. Les choses sont plus compliquées avec son beau-père (maman s'est en effet remariée) et le fils de celui-ci, et dans une moindre mesure, le fils qu'a eu sa mère avec son second époux. Mais globalement, Daniel est plutôt bien accueilli parmi les siens pour ce premier jour de liberté.

Alors où est l'intérêt, me direz-vous ? Il n'est pas dans une dramatisation à outrance, ou la création d'enjeux extravagants, mais le simple pari que nous pouvons nous glisser dans les chaussures de Daniel, et vivre cette libération avec lui, comme une expérience intime et sensorielle que nous ferions totalement nôtre.

Rectify accomplit cela sans passer par une multitude de flashbacks : au contraire, il commencera à en apparaître seulement une fois que le spectateur sera bien rôdé ; il ne s'agit pas de se servir des souvenirs de Daniel pour expliquer ce par quoi il est passé dans les moments difficiles, mais au contraire, d'employer les flashbacks comme des îlots de calmes et de douceur, principe que je trouve noble et dont beaucoup de scénaristes gagneraient à tirer des leçons. Pas de violence carcérale, pas de traumatismes sur l'enfermement... Chaque fois que Rectify montre la vie de Daniel dans le couloir de la mort, il en ressortirait presque quelque chose de positif, de serein.
Pour autant cela ne signifie pas que Daniel n'est pas abîmé : c'est même tout l'intérêt de ce premier épisode et, à mes yeux, des promesse que fait la série avec lui. Mais par une opération dont le secret est aussi bien gardé qu'un tour de magicien, le scénariste Ray McKinnon parvient à ne jamais tomber dans une explicitation banale, pour ne pas dire triviale, du traumatisme vécu par Daniel, tout en poussant le spectateur à l'imaginer de lui-même. Ce qui fait la force de Rectify, c'est sa puissance évocatrice : quand par exemple un gardien propose à notre amnistié de l'aider à nouer sa cravate avant de retrouver sa famille (et la liberté), Daniel pose sur lui un regard silencieux, et presque indéchiffrable, mais qu'on interprète comme lourd de sous-entendus et de souvenirs sur la façon dont les gardiens (y compris peut-être ce gardien) ont pu le traiter pendant presque 20 années en tant que condamné à mort pour viol et meurtre d'une adolescente. Difficile pour le spectateur de ne pas faire le lien, chaque fois, entre l'avant et l'après de cette libération, et cela, sans que jamais l'épisode ne s'y attarde ni ne l'explicite. Cela aide énormément à entrer dans la tête du héros, et paradoxalement, moins il communique, plus il est possible de le faire. Où commence l'écriture fine de Rectify et où finit le simple transfert ? Difficile à déterminer pendant ce premier épisode, mais le simple fait qu'il subsiste un flou quant à cette frontière, dit combien la série, dans ce premier épisode, démontre sa finesse et son intelligence.
Reste qu'avec son art du non-dit, Rectify opère un vrai coup de maître, et s'arroge l'attention indivisible du spectateur, qui se retrouve captif du moindre regard que porte Daniel sur les choses et les gens pour prendre la mesure de ce que vit cet homme. Considérez l'ironie de la chose...

Pas à pas, Daniel se réapproprie le quotidien (comme Charlie Crews, il va se reconnaître quelques soucis avec la technologie, par exemple), mais sans, là encore, sans appuyer sur les évidences avec trop d'empressement. Ce n'est pas juste le décalage de 2 décennies avec le reste du monde que Rectify veut pointer du doigt. La sortie de prison de Daniel, sa très belle relation à Amantha (je n'avais jamais vu Abigail Spencer comme ça, après c'est vrai que j'avais vu Angela's Eyes... forcément), ce qui se tisse avec son jeune demi-frère... il y a de très beaux instants dans ce pilote, empreints à la fois d'une grande douleur et d'une grande douceur. Je soupçonne que ce soient les plus belles promesses de ce premier épisode pour l'avenir.

Le seul défaut de Rectify est peut-être logé dans ses dialogues. Rien d'insurmontable je vous rassure tout de suite, mais ils paraissent parfois trop écrits, trop littéraires ; l'exemple le plus marquant est la déclaration de Daniel à la presse au moment de sa sortie, un peu verbeuse. On peut se dire (surtout rétroactivement, à mesure que l'épisode progresse) que cela fait partie intégrante de la façon dont Daniel a vécu son expérience en prison, mais il reste un petit arrière-goût tout de même, comme si, par contraste avec l'élégance de ses scènes les moins loquaces, les dialogues soutenaient mal la comparaison. Mais comme je le disais, ce n'est pas insurmontable, et ce n'est pas gravé dans le marbre non plus, et peut tout-à-fait évoluer avec les épisodes (retranscrivant, alors, peut-être, pourquoi pas la façon dont la vie quotidienne redevient progressivement plus naturelle pour son héros). Et si Rectify finit par tourner son seul défaut en qualité, alors là, je ne réponds plus de rien !

Résultat ? Eh bien résultat, je suis conquise. A ce niveau-là, j'ai presque eu l'impression d'enfiler du sur-mesure, aussi sûrement que si un tailleurs avait cousu la série sur mes attentes de téléphage.
Et maintenant, vous allez me dire : "mais après un post si dythirambique, comment ne pas avoir nous aussi une vision faussée de Rectify ?", et c'est de bonne guerre, mais à cela une seule solution : testez, et vous saurez. Mais je doute que Rectify puisse déplaire.

Challenge20122013

Ah, et vous savez, quand je vous ai dit que je repassais à un rythme hebdomadaire ? Oui. Bon. Ca voulait dire : "à un rythme hebdomadaire. Minimum"...

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