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ladytelephagy
srugim
10 septembre 2012

With a little faith

"Je ne sais pas ce que je suis...
- Religieuse. Si tu es autant tourmentée, c'est que tu es religieuse".
(Hodaya et Avri, Srugim - 1x08)

Il y a peu de choses que j'aime autant qu'écouter Letting go of God de Julia Sweeney (et plusieurs fois par an, qui plus est). Pour l'athée que je suis, c'est une source de réflexion constante, même au bout d'une dizaine d'écoutes.
Ce spectacle brillant, sorti également au format CD, raconte comment la comédienne (...ex-SNL, on ne se refait pas), élevée dans une famille aux racines irlandaises et très catholique, se pose des questions sur sa foi. Vers la fin de cet incroyable voyage spirituel (plein de drôlerie et d'intelligence, prodigieusement écrit, et jamais dénué d'émotion, au passage), quelqu'un lui glisse : "tu sais, tu aurais dû être Juive. Il est attendu des Juifs qu'ils soient en lutte avec leur foi".
Au terme de la première saison de Srugim, j'ai l'impression que la série un très bel exemple de cette lutte interne, de ce conflit. Il est présent mais il est naturel. Il ne s'agit pas de remettre en question sa foi pour la plaquer, mais juste de ne jamais totalement se laisser envahir par elle, d'accueillir le doute et la remise en question, pour mieux vivre ses croyances. Pour vérifier régulièrement ce que l'on en pense, si cela nous convient, et si on est prêt à poursuivre le chemin, avec ses moments de grâce mais aussi les autres.
En 15 épisodes (regardés depuis samedi, donc), Srugim a su faire une magnifique démonstration de cette lutte sans jamais en faire une guerre.

Cette saison a été l'occasion pour moi de découvrir une bande de trentenaires qui vivent leur religion à la fois comme quelque chose de collectif, généralement pour tout ce qui est positif (célébrations, entraide...), mais qui ont aussi un rapport intime et douloureux à la religion, lorsqu'il s'agit de se retrouver seul avec Dieu, et de prendre des décisions.

Srugim-Ocean

Hodaya, en particulier, est très touchante. Elle est étudiante en "Biblical criticism", fille de rabbin, ce qui, on l'imagine, n'a jamais dû être facile à concilier avec son tempérament assez décomplexé (on apprend en effet au début de la saison qu'elle porte des jeans mais n'a pas osé l'annoncer à sa grand'mère qui, très conservatrice, aurait du mal à l'accepter). Sa rencontre avec un "non-religieux" (attention, dans le contexte de la série, cela ne veut pas dire athée, mais plutôt non-orthodoxe) va la pousser dans ses retranchements. Elle vit sa pratique religieuse comme un fardeau, au point que des problématiques de coming out vont être abordées. A travers plusieurs scènes (qui, il me faut le préciser, comptent parmi les plus belles de cette saison), Hodaya va essayer de pousser les limites de sa propre foi, se fâcher avec elle-même, son petit-ami, ses amis et un peu Dieu, et finalement déterminer, à tâtons, ce qu'elle s'autorise à faire, et ce qui est hors-limites.
Quand je dis que Srugim ne parle pas de rejeter la religion, mais s'autorise abondamment à la remettre en question au plan individuel, c'est là, dans cette quête intérieure qui touche à son expérience sociale et amoureuse.

Personnage au départ introverti, Amir va également offrir de très belles scènes. C'est un homme profondément traditionnaliste, mais qui sort d'un divorce qui l'a profondément atteint. Il sert d'abord de serpillère à son colocataire Nati (il faut dire que ce dernier n'est qu'ego), avant de progressivement s'affirmer. Cela ne le mettre pas à l'abri des questionnements moraux, notamment lorsqu'il renoue avec son ex-femme...
Les dilemmes des personnages, même s'ils sont de toute évidence ancrés dans une culture qui nous reste un peu hermétique, sont finalement des représentations de questions universelles. Amir se retrouve seul, il ne parvient pas à se trouver quelqu'un parce que les divorcés sont quasiment des pestiférés sur le marché de la "drague" de Jérusalem, et même s'il ne remet pas en cause sa foi comme peut le faire Hodaya, il en teste aussi les limites à sa façon. A aucun moment il n'envisagera de tourner le dos à sa pratique religieuse, et au contraire, celle-ci lui offrira plusieurs fois la possibilité d'exprimer ce qui le tourmente, à l'instar de cette incroyable scène de chant avec des inconnus pendant shabbat, d'une grande force.

Forcément, dans Srugim, la religion est omniprésente, c'est clair. Et cela dérangera peut-être les plus anticléricaux, j'imagine, de voir les personnages prier dans presque chaque épisode, d'entendre des chants religieux, de voir des attributs religieux portés par quasiment tout le monde. Mais non seulement il n'y est jamais question de prosélytisme, sous aucune forme, mais en plus, elle prend une signification particulière dans le cadre de la vie des célibataires qui sont au centre de la série.
Car la religion représente aussi et surtout leur bagage dans la vie ; elle est à la fois ce qu'ils sont (leur éducation, leur culture), ce qu'ils font (les rites par lesquels la religion se manifeste), ce qu'ils pensent (leurs opinions politiques en découlent, par exemple), ce qu'ils sont prêts à accepter... Par-delà le socle commun, chacun a ses propres limites, sa propre interprétation de ce qui est acceptable ou pas, et cette limite bouge même en permanence pour les personnages qui sont le plus en proie au doute et à la remise en question. Déterminer où est la limite entre ce que l'on doit faire, ce que l'on veut faire, et ce que l'on refuse de faire, lorsqu'il s'agit de rencontrer l'autre : y a-t-il plus universel que cela ?
Et pourtant, j'ai l'impression que le thème n'a jamais été exploité de cette façon dans la plupart des séries parlant des célibataires, notamment aux USA où les questions amoureuses, sexuelles, et la peur de la solitude, semblent au centre des préoccupations.
Mais dans un contexte où le mariage est considéré comme une fin en soi, et la chose la plus naturelle et incontournable au monde, et où le divorce est encore accompagné d'un fort stigmate, il n'est pas très étonnant que des personnages qui savent qu'ils s'engagent pour la vie pensent plutôt à ce genre de choses qu'à des problématiques hédonistes, par exemple.
Mais pour moi qui suis si peu friande, vous le savez, de séries autour du domaine amoureux, j'ai eu l'impression de mieux comprendre et mieux ressentir ce qu'il se passait dans Srugim, parce que justement, il s'agissait d'aller un peu plus loin que les interrogations habituelles sur "cela va-t-il marcher"/"est-ce que je l'aime/il m'aime"/etc... Sans doute y a-t-il de la place pour les deux écoles, car il en faut pour tous les publics, mais celle-ci me touche plus.

Même si j'ai énormément de mal avec cette pression constante autour du mariage (les protagonistes répèteront en plusieurs occasions des phrases comme "on se connait depuis trois mois maintenant, il est temps" ; un épisode nous montrera une femme qui, fiancée et ravie de l'être, plaquera son promis pour un type qui la demande en mariage sur le champs...), qui sonne à bien des égards comme une aberration, je suis admirative par la façon dont les personnages conçoivent cet engagement. Pour eux, il faut le prendre, le plus vite possible, et presqu'avec le premier venu, mais il faut aussi ne pas se trahir et, partagés entre les deux, même dans la précipitation, je trouve leur cheminement plus profond que celui de beaucoup de personnages occidentaux sur le point de s'engager de façon similaire. La romance a toujours sa place, bien-sûr, mais elle n'est pas le conte de fées idéalisé non plus, et finalement, en étant plus pressés de se marier que leurs équivalents américains ou asiatiques, les personnages de Srugim font preuve d'une plus grande mesure.

Srugim-Candles

Et puis sur un plan plus téléphagique, j'ai vraiment eu la sensation de suivre une série au charme paisible, reposant... Jamais de cris. Une gestion incroyable des silences. Une bande-son modeste et douce. Une caméra qui opère un léger mouvement de balancier en quasi-permanence. Et une fois de temps en temps, des scènes d'une grande simplicité, mais merveilleusement belles et touchantes, inspirées.
Faire ce chemin en compagnie de la bande était un moment incroyablement stimulant, de par toutes les choses que j'avais à découvrir, à apprendre, à comprendre ; mais c'était aussi, en quelque sorte, un moment de recueillement, d'introspection, et pour l'athée que je suis, c'est toujours très impressionnant de se retrouver dans la situation où on a l'impression de toucher à quelque chose de religieux grâce à une série. La richesse spirituelle, le parcours intérieur que permettent des séries comme Srugim (ou Cloudstreet, dans un registre légèrement différent) fait bien plus pour élerve spirituellement le spectateur que toutes les prêches de 7 à la Maison.

C'est exactement pour des expériences comme celle-là que je regarde des séries, et à plus forte raison des séries venues des quatre coins du monde. Il s'agit là d'une véritable aventure, capable de combler sur un plan émotionnel, téléphagique, et intellectuel. Je crois qu'il est inutile de souligner combien je vais m'engager dans la deuxième saison de Srugim avec enthousiasme, d'autant le character development effectué dans la série me fait dire que ce ne pourra qu'être meilleur encore !
Un joli coup de coeur que cette série. Parfois, ça vaut vraiment le coup d'acheter un DVD à l'aveuglette !

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9 septembre 2012

Mazel tov !

Après vous avoir parlé du pilote de Srugim, j'ai reçu plusieurs réactions intéressées ; j'ai fini par proposer sur Twitter d'uploader le pilote de la série (avec sous-titres anglais) si au moins 5 personnes manifestaient leur intérêt pour cet épisode. Et vous avez été plus de 5 en à peine un après-midi ! Voici donc comme promis un post La preuve par trois sur ce premier épisode ; une catégorie de ce blog dont le concept est, pour rappel, qu'on y parle d'un épisode à l'aide de 3 captures-clé, et d'une petite surprise en fin de post.

A noter que la lecture de mon post précédent sur Srugim est recommandée pour remettre l'épisode dans le contexte de la série et avoir plus de détails sur ce pilote, mais pas non plus d'une absolue nécessité.

Srugim-1
Je crois que ça veut dire non.
Au-delà des questionnements de célibataires dont fait état l'exposition de cet épisode inaugural, c'est l'intrique de Reut qui entre le plus dans le coeur du sujet ; elle est d'ailleurs la seule à commencer la série en étant dans une relation. Cette relation en question a duré 5 mois, et son prince charmant, qui vient d'obtenir une juteuse promotion, décrète donc que maintenant serait le bon moment pour se marier. Alors, qu'est-ce qui vaut à Reut d'arborer ce magnifique sourire d'enthousiasme ? Eh bien, la seule raison pour laquelle il lui propose cela, c'est parce que dorénavant son salaire n'est plus supérieur à celui de son copain. Bonjour romance.
Clairement, ce n'est de toute façon pas l'Amour que cherchent les personnages de Srugim. L'épisode dépeint par petites touches un milieu culturel où le mariage n'est pas tellement un objet romantique, mais plutôt une situation sociale, et la confirmation qu'on a fait de sa vie ce qu'on était supposé en faire. Un peu plus tôt dans l'épisode, Nati se plaint par exemple que s'il avait laissé ses parents lui choisir une épouse, ça ferait 12 ans qu'il serait marié... Sauf qu'au 21e siècle, les préoccupations amoureuses et les critères sont différents. La force de Srugim sur ce thème, c'est qu'aucun des personnages ne remet fondamentalement cette culture en cause. Ils essayent au contraire d'empiler les valeurs religieuses rigoureuses de leur pratique, avec ses convictions personnelles, comme ici Reut et ses idées féministes.
A noter que Reut est la seule des 5 amis à gagner un salaire mirobolant (le double du salaire moyen à Jérusalem d'après ce que j'avais lu dans un article), ce qui explique qu'elle soit la seule à ne pas être en colocation. Glissé rapidement dans le pilote, cet axe prendra donx de l'importance ultérieurement.

Srugim-2
Voilà un très bon exemple de passages qui ponctuent la série (y compris au-delà du pilote) et qui nous sont parfois un peu obscurs pour nous autres goy. Les rituels de shabbat sont, évidemment, très importants dans la pratique du judaïsme, et évidemment, les orthodoxes y sont plus attentifs encore. Sauf qu'on en ignore les menus détails, comme par exemple celui-ci : Yifat a commencé sa prière du vendredi (celle qui précède le dîner), mais son téléphone portable sonne ; impossible pour elle de le décrocher (des actions sont interdites jusqu'à la fin du shabbat), elle est donc obligée de demander à Hodaya de décrocher à sa place, ce qui est d'autant plus agaçant pour elle que ce dîner est aussi la première occasion pour Yifat de passer du temps avec Nati et qu'elle est nerveuse.
Srugim parvient avec brio à insérer ces rites dans le quotidien de ses personnages, si bien que même quand on ne les comprend pas, on les ressent comme très naturels. Et puis, ils forment au bout du compte un contexte fort, qui rappelle combien la religion a une place importante dans la vie des protagonistes. Ils ne parlent jamais de religion sur un plan théorique, théologique ou politique, ce qui permet à tout le monde, athées y compris, de se retrouver idéologiquement dans la série ; en revanche, il est énormément question d'usages, de rites et d'interdictions dans cet épisode (et les suivants, puisque depuis mon post précédent j'en ai regardé 4 autres), et par ricochets, de la façon dont ceux-ci sont conciliables avec la quête amoureuse des personnages.

Srugim-3
Amené à devenir un rendez-vous régulier de la série, le repas d'erev shabbat (la veille de shabbat, soit le vendredi soir) est ici l'occasion de montrer comment une tradition religieuse devient aussi une tradition pour ce petit groupe de futurs amis. Puisque Reut a rompu avec son prétendant en début d'épisode, et que c'est lui jusque là qui disait la prière bénissant le dîner (kiddush, donc), il faut trouver un volontaire pour le remplacer ; les garçons, embarrassés (c'est le premier dîner de shabbat avec les filles), essayent de se refiler la responsabilité poliment, ce qui agace prodigieusement Reut qui est d'une patience limitée (vous pouvez presque voir sur la capture la fumée lui sortir par les oreilles).
A travers ce premier repas pris ensemble (et puisque shabbat est hebdomadaire, on devine qu'il y en aura d'autres), on sent que la tradition religieuse est sur le point de devenir une tradition plus intime pour ce groupe, qui cherche ici ses marques et son organisation. La suite du repas va d'ailleurs clairement établir la future dynamique interne, entre Amir qui se fait écharper vif par Reut, Yifat pour qui la soirée ne tourne pas comme prévu...

Après avoir vu plusieurs épisodes, je suis rétroactivement encore plus impressionnée par le style tout en nuances, en subtilité et en douceur dont Srugim fait montre dans le pilote.
L'exposition des personnages et des situations se fait avec une certaine brusquerie (rien n'est mis dans un contexte de façon explicite, comme si on prenait la vie des protagonistes en marche), et pourtant il se dégage une grande impression de fluidité de ce premier épisode, capable de jouer son exposition avec délicatesse, sans avoir l'air d'expliquer les choses de façon trop explicite, mais sans jamais nous montrer un monde dans lequel il serait difficile de pénétrer. Tous les ingrédients sont posés avec élégance pour avoir les bases des problèmes soulevés dans la série, tout en évitant les lourdeurs et les clichés. C'est très bien vu...

Voilà ! Maintenant, c'est votre tour, il ne vous reste plus qu'à !
Et j'espère que vous me ferez part de vos impressions en commentaire (sous ce post ou le précédent, à votre guise), ou que vous me fournirez un lien vers votre blog si vous en faites une review : je suis curieuse de croiser les points de vue !
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9 septembre 2012

Observe le jour du Sabbat

Srugim-logo

Cet été, j'ai fini par le faire.
Ca faisait deux ans que j'avais repéré les DVD avec sous-titres de Srugim, mais entre le prix et le fait que la série n'était pas finie, je restais hésitante. La première saison de Srugim était deux fois plus chère que l'intégrale de Mesudarim sur le site d'Israel-catalog, par exemple, un coup à vous dissuader même les téléphages les plus dépensiers ! Et puis, quand il a été clair il y a quelques mois que Srugim n'aurait pas de 4e saison, les choses ont commencé à être plus claires pour moi. Finalement, j'ai cassé ma tirelire le mois dernier pour m'offrir l'intégrale de la série.

Sur Srugim, j'avais entendu tout et son contraire. C'est que, il faut que je vous explique : c'est une série israélienne où il est fortement question de religion. Pour polariser les réactions, on imagine difficilement plus efficace. Régulièrement qualifiée de "Friends juive" (un qualificatif ridicule par essence vu qu'il s'agit d'une série dramatique) ou "Sex & the City juive" par plusieurs rédacteurs occidentaux qui visiblement se lisent les uns les autres avant d'écrire au lieu de regarder les épisodes (je n'ai pas fait exception), la série était auréolée d'un certain mystère, mais se montrait aussi alléchante de par son sujet particulier (surtout pour une goy), le fait que les personnages soient ouvertement très religieux (et sionistes), et le succès qu'elle semblait trouver.
Et puis, aussi j'avais cagoulé le générique, je le trouvais très doux et réussi, et vous savez ce que c'est, parfois un générique peut vous conquérir et vous rendre terriblement curieux.

Alors allons-y pour les présentations, histoire d'essayer de tous comprendre de quoi on parle. Srugim est l'histoire d'une bande d'amis (3 femmes et 2 hommes), qui sont tous des juifs orthodoxes vivant dans le quartier de Katamon, à Jérusalem, qui est apparemment devenu LE quartier où vivre pour les célibataires orthodoxes. On peut y vivre selon les rites exigeants de sa foi sans difficulté... tout en y cherchant l'âme soeur.
C'est en effet le problème essentiel de ces jeunes gens : dans une communauté qui accorde énormément d'importance à la famille, être célibataire est supposé être une situation temporaire, certainement pas un état et encore moins un mode de vie. Chacun ressent donc cette pression de devoir trouver la personne avec qui il ou elle passera sa vie. Il s'agit donc de rencontrer quelqu'un de l'autre sexe à tout prix, dans une culture qui pourtant ne favorise pas le mélange des sexes, et ce dans tous les sens du terme. Forcément, entre une pratique religieuse stricte et des aspirations de romance, l'équilibre est difficile à trouver.
La question est d'autant plus aigue qu'on est au 21e siècle, que les mariages arrangés sont tombés en désuétude, que les années d'étude repoussent d'autant l'entrée dans le monde adulte, et que les femmes ne sont plus autant soumises à leur époux. Autant de raisons qui font qu'il est plus compliqué pour cette génération de trouver chaussure à son pied, par rapport aux précédentes.

Cela rend d'ailleurs Srugim bien plus intéressant que la plupart des histoires de célibataires, ne serait-ce que par principe : la question n'est pas juste de faire des rencontres et de trouver quelqu'un (et d'essayer un temps, de voir que ça ne marche pas, puis de répéter la manoeuvre jusqu'à ce qu'enfin on finisse par se marier), mais bien de trouver quelqu'un qui partage les mêmes valeurs, et que ces valeurs se construisent à tâtons, en s'appuyant sur une croyance religieuse commune, mais que chacun développe ses propres critères personnels à partir de là.
Et dés le pilote, Srugim montre bien que finalement, la religion n'est qu'un outil pour faire le tri dans les opportunités qui se présentent, mais ne représente pas le critère unique à partir duquel choisir un ou une partenaire pour la vie.

Tout commence pour Srugim alors que Yifat et Hodaya, deux colocataires partageant un appartement entre filles (vivre avec un homme hors des liens du mariage est évidemment inimaginable), discutent au petit déjeuner. On ne comprend pas tout de suite de quoi elles parlent, mais ce qui est sûr, c'est qu'il est question d'un mec (et ça c'est clairement universel !).
Progressivement on comprend que Hodaya est retombée sur un type pour lequel elle avait le béguin plusieurs années en arrière, mais dont elle n'a finalement pas gardé un bon souvenir ; elle est retombée sur lui récemment et se demande si ça vaut le coup qu'elle le revoie, puisque, ne la reconnaissant pas, il l'a invitée à sortir. En attendant que Hodaya prenne sa décision, Yifat, elle, participe à une rencontre de speed dating, et y rencontre un type charmant, Nati, qu'elle avait rencontré brièvement quelques années en arrière lors d'un séminaire de Bnei Akiva. Le courant passe très vite entre eux et ils décident de s'éclipser pour aller prendre un café ; si sur le coup, le fait que Nati soit médecin était un bon point pour lui, manque de chance : il est bipé alors qu'ils n'ont fait que trois pas. Yifat invite alors Nati à venir pour le dîner du vendredi (erev shabbat), veille du samedi chômé et donc repas très important dans la communauté juive.
Cette exposition cède la place à celle de Reut, dont on ne comprend pas immédiatement en quoi elle est liée aux précédentes. Reut est en train de déjeuner avec un homme qui lui annonce d'abord qu'il vient d'être promu vice-président, ensuite qu'il a maintenant l'argent nécessaire pour se marier. Mais la belle Reut n'a pas l'air très émue par cet argument (et pas tellement plus par le "ça fait déjà 5 mois que nous sortons ensemble", ça nous faisait un point commun) et prend la mouche : ils avaient déjà l'argent de se marier, s'ils le voulaient. Son argent à elle. Mais le bellâtre a attendu de gagner autant d'argent que Reut pour faire sa demande. Le goujat sexiste n'aura pas le temps de récupérer sa mâchoire que Reut aura déjà refusé sa proposition de mariage et rompu avec lui. Visiblement, c'est le retour à la case départ.
Enfin, on apprend que Nati a emménagé avec son ami Amir. Ce dernier vient de divorcer et, étant d'un naturel peu affirmé, a laissé tout l'électro-ménager à son ex (mais fort heureusement, il a pu récupérer le Talmud, petit veinard !). Qui plus est, il est professeur de grammaire, ce qui tout de suite brosse un portrait d'homme réservé voire soumis...

Ce qui est fascinant avec les personnages de Srugim, c'est que bien que faisant partie d'une communauté ayant un socle de valeurs et bien-sûr de croyances en commun, ils ne sont pas taillés dans le même moule. Cela permet d'avoir des nuances intéressantes. Ainsi, avec son salaire apparemment élevé, et surtout sa petite pointe d'aggressivité, Reut est une femme très affirmée, avec beaucoup de répondant, et dont le regard lance de la foudre en quasi-permanence. On sent que de son côté, Hodaya est une femme très indépendante, qui prend du recul vis-à-vis de sa religion (elle est fille de rabbin mais spécialise son cursus universaire en "Biblical criticism") et peut-être même aussi certains préceptes ; elle n'est par exemple pas du tout choquée à l'idée de faire dormir un homme à la maison, même en tout bien tout honneur. A l'inverse, Yifat, sans être une romantique niaise, n'a de toute évidence qu'un objectif, rester aussi sage que possible en attendant de trouver son futur époux, et est très attachée à ses principes ; c'est une personne indépendante, mais elle a une forme de fragilité et d'insécurité qui la rend très touchante. Du côté des garçons, on aura l'occasion de brièvement voir quelques rustres machistes se faire éliminer rapidement de la vie des filles ; Nati, lui, est un type à qui tout réussit, qui ressent la pression du mariage, mais qui n'a pas l'air de comprendre qu'il souffle le chaud et le froid. Quant à Amir, c'est purement et simplement un paillasson, mais on sent qu'il a bon coeur et qu'il n'est pas totalement idiot, il est juste plus vulnérable suite à son divorce.
Là où, dans une série, on a souvent un personnage aux valeurs morales plus rigoureuses, ici, on en a donc cinq, et cela permet d'éviter la caricature, tout en abordant les problèmes de ces célibataires sous plusieurs angles.

Après l'exposition des personnages, qui passe par plusieurs autres scènes dont je vous fais grâce, mais qui ne font que confirmer nos premières impressions, Srugim se lance dans une longue soirée, celle du vendredi.
Yifat a en effet mis les petits plats dans les grands pour impressionner Nati (lequel a d'ailleurs demandé s'il pouvait amener Amir), et c'est là qu'on apprend donc que Reut participe également à ce repas du vendredi. Jusque là on ignorait qu'elle était amie avec les filles, mais elle se montre là encore très assertive, prenant la direction des opérations pendant les prières rituelles alors que les garçons n'ont pas trop l'air de savoir comment se comporter en présence des filles.

La séquence du dîner, si elle lançait quelques axes pour l'avenir (Yifat qui aimerait bien que Nati la réinvite, Nati qui en réalité a des vues sur Hodaya, Reut et Amir qui ne pourraient être plus différents et qui se prennent le bec...), m'a surtout rappelé la dynamique des dîners du vendredi de Gilmore Girls. En cela qu'on comprend que cela peut aisément devenir un rendez-vous, et donc un gimmick, permettant de régulièrement mettre les personnages ensemble, de faire éclater les conflits, bref, d'éviter que les choses marchent par tandem. La tentation serait grande, sans ce rituel de veille de sabbat, de se contenter de faire interagir Yifat et Hodaya, ou Nati et Amir, simplement parce qu'ils vivent ensemble, ou bien Nati et quiconque finira par sortir avec lui, simplement parce qu'il y a une relation amoureuse. Ce qui fonctionne comme une utilisation évidente du contexte religieux est donc un merveilleux outils pour les scénaristes, afin de forcer tout ce petit monde à se parler ensemble. Alors même que la culture de la mixité n'est pas très prégnante... C'est bien joué !

Srugim-promo

Le revers de la médaille du contexte si particulier de Srugim, puisqu'il s'intéresse à une communauté religieuse orthodoxe dont les usages ne sont pas forcément connus du grand public (et a fortiori du grand public non-juif), c'est qu'il nécessite une grande dose de concentration. Si vous n'avez aucune éducation religieuse juive, comme c'est mon cas (non, avoir vu l'intégrale d'Une Nounou d'Enfer huit fois ne compte pas), vous ne connaissez pas grand'chose des rites qui sont mentionnés ou montrés comme des évidences pendant l'épisode. De nombreux noms propres, également, se rapportant à la scène religieuse, à l'instar de Bnei Akiva que je citais plus haut, sont lancés hors de tout contexte (je suis bien contente de n'avoir jamais tenté la VOSTM, car la VOSTM marche essentiellement grâce au contexte !). De ce côté-là, le grand public en Israël n'était, je pense, pas trop perdu.
Mais ce qui est intéressant dans le succès de Srugim, c'est que même ce qui est propre aux orthodoxes ne fait l'objet d'aucune sorte d'explication. Et finalement cela rend les choses plus belles dans le déroulement des épisodes, et confère à la série une aura qui lui permet de sortir de la trivialité coutumière des histoires d'errances amoureuses.

En regardant Srugim, j'étais tentée parfois de tout mettre en pause pour aller rechercher un terme spécifique (beaucoup de mots d'origine religieuse ne sont pas traduits dans les sous-titres), et je ne savais pas toujours si mon handicap était dû au fait que je ne suis moi-même pas juive, ou au fait que la série a décidé de ne rien expliquer dans le domaine sacré. Finalement je ne l'ai pas fait, j'ai été au bout de l'épisode en acceptant qu'il y ait quelques petites choses qui m'échappent.
En fait, je crois que c'est aussi ce qui fait que Srugim fonctionne : l'universalité se loge dans le fait que même si dans la pratique, il y a des choses qui nous échappent pour tout ou partie dans la pratique religieuse de ce petit groupe, ils ont quelque chose de très accessibles sur un plan humain. La façon dont Hodaya remet en cause certaines choses, le petit côté féministe de Reut, la pétillance un peu triste de Yifat qui est tendue vers un seul but, la façon dont Amir s'excuse en permanence, ou la froideur de Nati, sont les meilleures portes d'entrées dont on pouvait rêver pour aborder la série.

Et puis, la série est incroyablement sereine dans son déroulement. Pas tellement à cause de l'angle religieux, mais parce qu'une grande importance est donnée à l'impression de naturel, et parce que même pendant les moments de crise il n'y a aucune sorte d'hystérie (c'est assez frappant sur la fin). Il se dégage de l'ensemble un grand sentiment d'équilibre, de calme, et de modération. C'est très appréciable (et confirme que la série n'a pas grand'chose de commun avec Friends et Sex & the City du côté du ton, du jeu ou des dialogues). On est dans un drama d'une grande sobriété, qui a donné la priorité à ses personnages mais qui ne veut pas les mettre en scène de façon théâtrale, et qui sait user des silences, des regards, et même (je crois que c'est le plus précieux), des dialogues prononcés d'une voix détendue.
Le monde de Srugim a quelque chose de très réaliste, pour autant que je puisse en juger, en tous cas d'authentique et de paisible, où les personnages apparaissent en fait comme des personnes. Ils ne sont pas écrits, ils respirent. Srugim pourrait presque être un documentaire, pour un peu.

A la fin de l'épisode, je me suis dit que ce serait sûrement très agréable de passer du temps avec ces cinq personnes, parce qu'ils ont l'air tellement normaux, tellement réels, tellement palpables, que je n'aurais presque par l'impression de regarder une série, mais juste d'être à leurs côtés. Et maintenant que j'ai l'intégrale, vous pensez bien que je ne vais pas m'en priver.
Ah non, c'est parfait ça alors, merci. Un coup de coeur en pleine rentrée US, vraiment ça m'aide beaucoup, tiens !

28 août 2012

[DL] Kathmandu

Eh non, ce n'est pas aujourd'hui que je vais vous proposer le générique d'une série népalaise, bien que, croyez-moi, je ne rêve que de ça. Bon peut-être pas que de ça mais vous saisissez l'idée.
Non, Kathmandu est une série israélienne, mais elle se déroule effectivement au Népal, où viennent d'arriver ses deux héros, un jeune couple de juifs orthodoxes "chabad" qui accomplissent leur shlichut, une période dédiée à des missions religieuses (souvent à l'étranger) afin de consolider sa foi. Ils sont, par un concours de circonstances, envoyés à Katmandou, où ils sont supposés se tenir à disposition spirituelle des juifs qui passent par là sur leur chemin vers l'Himalaya. Manque de chance, ils atterrissent deux jours avant le Seder de Pessah, ce qui complique encore leur arrivée dans ce nouveau pays.

Shmulik et Mushkie, ce sont leurs noms, sont arrivés à Katmandou à leur corps défendant (Shmulik n'y était pas opposé quand on le leur a annoncé, Mushkie y était plus réticente et a plus de mal à s'adapter en dépit de sa bonne volonté). Ils font leur shlichut sur recommandation de leur rabbi, donc de leur plein gré, mais la destination leur a été imposée au dernier moment alors qu'ils faisaient leurs bagages en pensant partir pour la Belgique.
Pour le jeune couple, il s'agit donc d'un défi dont ils n'avaient pas pris la mesure, mais c'est aussi l'occasion pour eux de découvrir une autre culture... et puis, être à des milliers de kilomètres de tous ceux qu'on connait, pour un jeune couple, c'est forcément une aventure !
Pour Shmulik et Mushkie, ce sera aussi l'occasion de rencontrer différentes personnes de passage : un adepte du new-age, un randonneur complètement stone, un Israëlien qui refuse de parler hébreu ("j'aime la langue, simplement je n'aime pas toujours ceux qui la parlent"), ou encore une femme partie dans les montagnes népalaises à la recherche de sa soeur qui a disparu.

Le tournage de Kathmandu comprenait deux mois au Népal, et la série est tournée à la fois en hébreu et en anglais ; on sent dans ce pilote qu'il y a une véritable envie de dépeindre un pays de façon réaliste, sans en laisser échapper la beauté. En cela, la démarche de Kathmandu m'a un peu rappelée celle de la série suédoise 30° i Februari (même si la série israélienne s'oriente par moments vers la dramédie). La démarche spirituelle, sans être la même dans les deux séries, ramène en tous cas à l'idée d'un voyage qui dépasse le simple kilométrage...

Les retours sont apparemment bons de la part de la communauté chabad, qui trouve que son mode de vie est plutôt bien rendu à l'écran, et la série a su trouver un public plus large, sur Reshet qui la diffuse, démontrant qu'il n'est pas besoin de faire partie de ce courant religieux pour apprécier la série. Et en effet, le pilote de Kathmandu, à mon avis, est assez universel, même si la fin de l'épisode était un peu exagérée (ne parvenant pas à entrer dans le bâtiment où on les a installés, Shmulik et Mushkie escaladent le mur de la propriété et se font emprisonner pour tentative de cambriolage) et conduit à un axe qui a l'air de vouloir se prolonger.
Comme 30° i Februari, l'avantage de Kathmandu est qu'elle est bilingue et comporte de nombreux dialogues en anglais (certes avec un accent népalais à couper au couteau) et se montre assez accessible pourvu de parler l'anglais. Du coup j'hésite presque à regarder la suite, je me tâte encore ; le problème étant plus mon planning de visionnage que la qualité de la série.

Bon, maintenant que les présentations sont faites, permettez que je vous propose le générique de Kathmandu ! Un petit clic et il est à vous...

Kathmandu
Note : lien valable 30 jours minimum. Je reuploaderai si le lien est mort, mais seulement si vous postez un commentaire pour me prévenir !

Pour ce qui est du générique à proprement parler, j'ai le sentiment qu'on y retrouve assez bien la sensation de désorientation de ses personnages, la dimension de rituel religieux, mais aussi un petit côté "auberge espagnole" à travers tous ces personnages si différents qui, loooin de tout, vous rencontrer des inconnus et sans doute aussi eux-mêmes...
La musique est rapide, le montage très efficace, et j'aime bien le contraste qui a été trouvé entre les rues un peu sales, en tout cas grises, et la lumière qui émane des plans sur les montagnes. Comportant de nombreux extraits des épisodes, le générique fonctionne également comme une très bonne bande-annonce augurant d'évènements à venir (ce petit pont de cordes au-dessus du vide, par exemple, il promet !).

Si tout cela vous a mis l'eau à la bouche et que vous voulez tenter l'aventure, vous pouvez trouver l'intégrale de Kathmandu en streaming sur le site de la chaîne. En effet, et si je ne me suis pas trompée (je maîtrise encore assez mal l'hébreu, je ne vous le cache pas), le treizième et dernier épisode a été diffusé hier.

Ah et j'en profite pour mentionner que j'ai reçu hier mon intégrale des trois saisons de Srugim, et que je compte m'y attaquer dans le courant de l'automne (je vais simplement laisser passer la grosse vague de pilotes de la rentrée histoire d'aborder la série sereinement). On va donc reparler très bientôt de séries israéliennes dans ces colonnes !

20 avril 2011

[DL] Blue Natali

On connaissait Matrioshka, voici Blue Natali. Encore plus honteux, quelque part, parce que vu non pas du côté des victimes, mais de celui des proxénètes, du moins en grande partie puisque, comme les plus curieux d'entre vous l'auront remarqué (ou vont le lire dans un instant en cliquant sur le lien menant à la fiche), cette série israélienne se penche sur la façon dont une famille a fait fortune grâce à un réseau de prostitution.

BlueNatali
Note : lien valable 30 jours minimum. Je reuploaderai si le lien est mort, mais seulement si vous postez un commentaire pour me prévenir !

Musicalement, c'est clair que c'est une toute autre ambiance que Matrioshka (tiens, faudrait que je le ressorte ce générique, ça fait quelques temps que je ne l'ai pas vu). Et je crois que ça restitue bien la révolte qu'on doit ressentir quand, comme le héros, on se retrouve dans une telle situation, à devoir compter sur un réseau de prostitution pour faire vivre sa famille. Visuellement, c'est finalement plus trash encore, puisque, plutôt que de voir simplement du cuissot onduler dans un bar, on voit la réalité de la prostitution sans faux-semblants, et pourtant avec une forme d'esthétisme qui est la seule raison pour laquelle on n'a pas envie de vomir. Ca, c'est du générique à la fois honnête et choc. Et pas mal foutu, ce qui ne gâche rien.

Quand le weekend dernier (alors que ce jeu devait au départ vous proposer le générique de Srugim), je suis tombée sur cette série en faisant mes recherches sur Mary Lou, je me suis fait la réflexion que vraiment, il se passait des trucs épatants en Israël. J'ai besoin de sources sur la télévision israélite, vraiment besoin, c'est vital, en tant que téléphage c'est nécessaire à ma survie. Je passe à côté de plein de choses, et ça me rend folle. Sans même parler des sous-titres. Vous vous rendez compte de l'ampleur de ce que nous ignorons ? Je crois que comme pour Mesudarim, je vais tenter le pilote de Blue Natali sans les sous-titres, tant pis. C'est trop attirant pour que je résiste bien longtemps.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Blue Natali de SeriesLive.

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3 août 2010

Engagé

Picture it : Sicile, 1927.
Euh, non, pardon. Je vous ai dit que je finissais Les Craquantes ces derniers jours ?

Picture it : déjeuner dominical avec mes parents.
Dimanche, donc. Histoire de ne pas être obligée d'aller les voir chez eux, je les invite au restaurant japonais (c'est toujours marrant de regarder mon père demander une fourchette pour ses sushis pendant que je mange mon riz avec des baguettes). Et en plus, ça évite de faire la vaisselle.

Bref. En ce moment, lady est juste un peu occupée par : son nouveau boulot, ses nouveaux collègues, ses nouvelles attributions sur SeriesLive. Donc bien que lady essaye de parler de plein de choses, à un moment, c'était inévitable, lady commence à parler de séries du monde... difficile de déterminer si c'était le wasabi ou le sujet qui ont fait s'étouffer mon père.

Comme souvent lorsque je leur parle des séries que je regarde, je leur sers grosso-modo un résumé de ce que j'ai pu dire dans des posts récents : le fait de l'avoir posé noir sur blanc aide bien à définir les informations-clé qui seront intéressantes à ressortir dans une conversation avec quelqu'un qui n'a pas du tout suivi ce que j'en ai dit récemment. Donc j'évoque chaque pays déjà traversé (et celui de cette semaine, mais, ah ah, surprise ! je n'en dirai mot ici), et lorsque j'en viens à Israël, naturellement, je ressors mon couplet extatique sur la façon dont on ne peut dissocier la fiction israélienne de l'histoire d'Israël. On ne peut pas juste la regarder comme une fiction, c'est forcément une fiction d'Israël.

Et là, ma mère me dit : "oui, c'est une fiction engagée". Hmmmmnon. C'est pas engagé, ya pas de message politique. C'est juste ancré dans la réalité du pays. "Oui, mais si : c'est engagé quoi". Mmmmmais non. Non, là ça donne un côté revendication qui n'est pas exact. Engagée ? Ayrilik est engagée. Pas Mesudarim ou Srugim. Pourtant ces fictions ne sauraient être vues sans une vague conscience de leur origine ; il me semblerait difficile de faire passer ces séries pour américaines si elles venaient à être doublées par exemple (et, oh, oui, s'il-vous-plaît ! Doublez Mesudarim !).

MesudarimMessage

Mais j'ai depuis repensé à la réaction de ma mère. Je crois qu'instinctivement, elle voulait qu'on puisse tirer un message de ces séries (et des autres dont j'ai parlé, oui nan mais j'ai vu ton sourire narquois quand j'ai parlé de Naznaczony, ça va hein). Qu'on en retienne quelque chose qui dépasse la série elle-même. Et ça me semble une approche erronée de la fiction, du moins si elle est appliquée de façon systématique.
C'est pour ainsi dire une lubie dans ma famille. Quand on regardait un documentaire, ou parfois un film, surtout si c'étaient mes parents qui l'avaient choisi (et c'était le cas à 99% jusqu'à ce qu'un jour, ma sœur et moi apprenions à faire du lobbying, plus ou moins avec succès), à la fin, mon père ne manquait pas de demander : "alors, qu'est-ce que tu en as retenu ?", et je retenais surtout ce que j'avais ressenti, et pas vraiment de grande leçon sur la vie, la morale ou la dangerosité du monde extérieur (parce que, quand on regarde des reportages sur la délinquance, la violence, la drogue ou le métier de flic quasiment chaque semaine, quand c'est pas le travail des enfants, on peut pas vraiment dire que le message soit super positif). Alors il s'énervait et à partir de là, la suite m'appartient.

Mais enfin globalement, ça me semblait étrange de toujours vouloir tirer une leçon de tout. Surtout en matière de fiction. C'est bien d'essayer de réfléchir un peu sur ce qu'on a vu, et je m'efforce de le faire (quoique je ne sois pas aussi capable qu'Adam de Blabla-Series d'en tirer un enseignement philosophique), mais le ressenti a toujours sa place, et parfois il faut admettre que certaines séries se prennent pour cela, pour le ressenti, sans chercher à vouloir élargir au-delà des personnages. C'est notamment vrai dans le cas des séries asiatiques, qui s'intéressent plus à l'exploration de leurs personnages qu'à une situation généralisable dont il faut tirer un enseignement moral quelconque (si on le prend comme ça, 1 Rittoru no Namida devient incroyablement gnangnan, forcément !).

C'est à rapprocher, pour moi, de ces gens qui voudraient absolument qu'une série soit "réaliste". C'est ridicule. On ne demande pas United States of Tara d'être réaliste sur les personnalités multiples, ou à Nurse Jackie d'être réaliste sur le métier d'infirmière (des attentes d'ailleurs vite déçues). Pas plus qu'on ne demandait à Prison Break d'être réaliste sur la vie en prison, et ainsi de suite. Le principe de la fiction est de justement aller au-delà, d'explorer, par des extrapolations, des exagérations et des retournements de situation improbables, des thèmes intéressants, juste pour curiosité intellectuelle.
Les propos d'une bonne sœur que Jackie rapporte dans le pilote ("the people with the greatest capacity for good are the ones with the greatest capacity for evil"), montrent bien que la profession d'infirmière n'est qu'une excuse pour délivrer un personnage tout en nuances, effectivement capable de soigner, mais aussi capable de causer beaucoup de tort. C'est un combat intérieur entre le bien, le mal, et la zone de confort individuelle, que traite Nurse Jackie. Ce n'est pas une chronique hospitalière, pour ça, voir Urgences, et encore, il y aurait long à dire sur les quelques libertés prises avec le réel. Mais c'est le principe, et c'est tant mieux.

HugeMessage

Et quand Eclair dit qu'il regrette que Huge n'aille pas plus loin dans son exploration des problématiques de l'obésité, je dis que ce que traite Huge, c'est indubitablement le ressenti d'un obèse, et pas la politique nutritionnelle des fast-foods. Si Huge passe autant par les regards et par le non-dit, c'est parce que son sujet, c'est l'obèse, pas l'obésité. Le regard des autres, et non un regard sur le sujet. En cela, Huge est une série extraordinairement puissante, mais voilà, si on voulait une série qui condamne les politiques publiques sur la gestion de l'obésité et de la nutrition aux États-Unis, il fallait regarder une autre série, pas Huge dont ce n'est pas le propos central. Peut-être Gigantic, dont je n'ai pas encore réussi à dégoter un épisode ?
De la même façon qu'on ne regardait pas Ally McBeal pour sa critique du système judiciaire. Évidemment, ce sujet peut être effleuré plus ou moins volontairement par la série en question, mais il est quand même préférable de regarder The Practice pour une approche plus précise de ces problématiques.

Une fiction engagée à tout prix. C'est un peu comme une série historique fidèle à la chronologie à tout prix. Ça n'a qu'une valeur vraiment moindre à mes yeux. Je n'attends pas d'une série qu'elle remplace la lecture de journaux, de livres, ou les expériences réelles. Juste qu'elle serve de complément, pour le ressenti et l'approche de sujets que je n'aurais pas abordés de moi-même (par exemple parce que je n'ai pas d'infirmière dans mon entourage).
Une série n'a pas besoin d'être engagée pour être bonne. Même si ce peut être un plus, ce n'est pas essentiel.

18 juillet 2010

Bouillon de culture

" Quel nom donneriez-vous à une communauté qui doit vivre avec l'idée que ses citoyens peuvent à tout moment être tués par une bombe en mangeant une pizza ?
- Israël."

(A la Maison Blanche - Isaac et Ismaël )

Et pourtant, ses citoyens continuent d'aller manger une pizza.
C'est très impressionnant d'étudier l'histoire télévisuelle d'un pays comme Israël. On ne peut pas penser qu'à la télévision quand on le fait. On ne peut pas prendre la télévision hors-contexte, on ne peut pas ne pas relire ses cours d'Histoire, on ne peut pas ne pas consulter une carte de la région, on ne peut pas éviter de lire ce qui se passe dans l'actualité. On ne peut pas oublier qu'avant d'être des spectateurs israéliens, ils sont des Israéliens.

Je ne sais pas si j'ai su retranscrire cela sans être trop lourde dans le nouvel article que vous trouverez sur SeriesLive aujourd'hui. J'espère en tous cas qu'il vous intéressera autant que les précédents.

Israel_MenorahTV
Shalom alekhem : la télévision israélienne pour les nuls

Le plus impressionnant dans un pays comme Israël, c'est que finalement, dans un pays qui semble, de là où je me trouve, constamment au bord du précipice, on trouve le temps de développer des trucs qui semblent, finalement, totalement futiles, quelque part ! La musique, le cinéma, la télévision... C'est vraiment impressionnant de se dire qu'une telle énergie créative existe dans un univers où la peur est loin d'être absente.
Quelque part ça tombe sous le sens : oui, un pays avec une histoire douloureuse a forcément besoin des arts pour explorer et/ou prendre de la distance avec ses préoccupations. Mais d'un autre côté, il faut un certain courage pour se divertir quand on vit dans pareil contexte.

On n'y pense même plus quand on regarde une série américaine ; on est tellement imbibés de bribes de culture américaine (très parcellaire mais on a si peu d'occasions de s'en rendre compte !) qu'on est convaincus qu'il n'y a aucun décalage, aucune spécificité L'impression de se plonger dans un monde où la fiction est le reflet d'une certaine réalité n'était pas aussi présente quand j'ai abordé les séries asiatiques, non plus. Même quand on les regarde pour la première fois, je crois qu'on n'imagine pas un instant que les séries japonaises ou sud-coréennes, dans leur immense majorité, s'inscrivent forcément dans une démarche globale de l'expression culturelle d'un pays. A l'exception de cas très rares, les différences culturelles sont juste vues comme exotiques, et c'est tout. Même quand j'ai commencé à frayer avec les séries indiennes, il y a trois ou quatre ans, je ne ressentais pas cette impression de devoir composer avec un certain nombre de réalités, même quand elles étaient abordées dans une série. Qu'une série soit un léger divertissement ou un drame intense, c'est assez rare qu'on se dise : merde, attends un peu, ça dit quelque chose sur le pays ; c'est notre désensibilisation à nous, téléphages, à force de regarder la fiction, on oublie de replacer dans la réalité ce qu'elle dit .
Mais intéressez-vous quelques heures à la télévision israélienne et vous ne pourrez plus la dissocier de l'actualité israélienne, de la religion juive, etc...

Dans un article comme celui qui est publié aujourd'hui, on a envie de compléter chaque information sur la télévision par une information qui lui est extérieure. Tout semble s'inscrire dans un contexte. Tout paraît avoir une portée allant bien au-delà de la création de la télévision, ou de la création d'une série.
En faisant mes recherches pour compléter un certain nombre de fiches faites pour l'occasion, je suis tombée sur des articles, des thèses, des videos qui m'ont profondément marquée. A un moment, il y a eu cette série turque, Ayrilik, dont les extraits sur la Palestine m'ont tellement bouleversée, qu'en 11 minutes je suis passée de "ah, super motivée pour faire des fiches pendant une heure ou deux !" à "je veux aller me rouler en boule dans mon lit et m'endormir en pleurant". Petite nature ; ah j'ai de la chance d'être née là où je suis née, je ne ferais pas long feu dans un pays comme Israël !

Non que la télévision israélienne soit glauque, ou focalisée en permanence sur les conflits passés et présents du pays. Pas du tout. C'est même fou le nombre de comédies qu'on y trouve. J'ai jeté un œil au pilote de Mesudarim, et bien que n'ayant pas de sous-titres, pendant les 5 premières minutes que j'ai regardées, j'ai ri deux ou trois fois. Pas d'un rire du genre "ahah c'est trop con" qu'on peut avoir devant Friends, mais plutôt le rire amer mais sincèrement amusé qu'on a devant, je ne sais pas, un épisode de Nurse Jackie par exemple. J'ai vu des extraits de Reviat Ran, Srugim ou encore Hakol Dvash, et on n'était pas dans quelque chose de pesant.
Mais j'ai aussi lu des tas de choses sur Hatufim (je suis en train de cagouler le pilote), et je ne doute pas qu'une série comme celle-là sera autrement moins drôle. J'ai d'ailleurs lu un résumé de la scène d'ouverture du premier épisode qui ne laisse que peu de doute à ce sujet.
C'est donc simplement que la télévision israélienne est plus ancrée que beaucoup d'autres dans la réalité du pays. On y pleure, on y rit, mais on n'y évite pas une certaine forme d'introspection.

Vous savez, quand je fais tous ces articles en espérant rendre les gens curieux... je crois que c'est quand même moi qui m'enrichis le plus de toutes ces découvertes. Si vous voulez, je vous raconterai à quoi ressemble mon "protocole" quand je bosse sur ces articles, ça se trouve, ça vous encouragera à faire quelques recherches aussi. Parce que lire les articles que j'écris sur SeriesLive (dans ce que Livia, et j'aime énormément l'expression, a qualifié de "tour du monde du petit écran", démarche que je n'avais pas pensé à formaliser de cette façon), idéalement, ce ne devrait être qu'un début.

Lancez-vous ! Avec des articles et des fiches, vous avez plus d'outils pour faire cette exploration que moi quand j'ai commencé...

AvodaAravit_logo HakolDvash_logo KrovimKrovim_logo Hatufim_logo
HaExHamitologi_logo Khatsuya_logo ReviatRan_logo MerchakNegiaa_logo__2_
HaShirShelanu_logo HaNephilim_logo Srugim_logo Ramzor_logo
Mesudarim_logo BeTipul_logo

D'ailleurs, à partir de maintenant, quand je vous parlerai d'articles faits pour SeriesLive, je vous indiquerai aussi les fiches que j'ai faites, comme ça, vous aurez un point de départ.
Ah punaise, plus je suis curieuse, plus ça me rend curieuse, et plus j'ai envie de rendre les gens curieux... je suis la seule à qui ça fait ça ?

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