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ladytelephagy
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9 mars 2012

[#Piemarathon] 1x02, dent-de-lion

BlackMarch

Le Piemarathon continue pour le plus grand bonheur de, euh, moi déjà, pour commencer. Mais je me régale pour douze, n'en doutez pas. Cette fois, adieu pilote vu à peu près cent fois (par an), on se lance dans la suite de la première saison, qu'en revanche je n'ai pas dû voir plus d'une demi-douzaine de fois, je sais, ça fait petit joueur.
Cette épisode a une double importance à mes yeux, car si j'avais aimé le pre-air, puis le pilote de Pushing Daisies, c'est la fantaisie de ce nouvel épisode qui allait finir de me conquérir. Si bien que mon fond d'écran (tant d'ordinateur que de smartphone) depuis lors en est tiré, et n'a plus jamais changé depuis l'annulation de la série ; évidemment, ce fond d'écran se nomme Pissenlee.jpg.

Piemarathon_1x02_Title
La magie continue donc. Mais l'air de rien, derrière ses jolis pissenlits souriants, cet épisode est quand même ultra-traumatisant.
Déjà, la violence du crime est atroce : faire exploser les gens ! Déjà que le pilote sous-entendait qu'un chien avait arraché un bout de joue à une victime, là on est dans l'ignominie la plus totale. Mais pire encore, on y trouve également des cadavres suspendus dans une salle, balançant légèrement dans le vide dans des combinaisons oranges ajoutant au sordide, comme issus d'un atroce film de science-fiction et/ou d'horreur. Le charnier des crash dummies est à peine plus réjouissant... Pour finir ce bien triste tableau, un personnage secondaire dont la boulimie est dépeint avec un luxe de détails dont très sincèrement on se passerait bien par moments.

Malgré tout cela, la magie opère vaillamment, donc.
Elle opère parce que la série élargit encore son registre, avec cette scène musicale fabuleuse et pourtant si drôle au cours de laquelle Olive tente désespérément de se la jouer version comédie musicale, sauf que l'univers persiste à l'interrompre à chaque fin de couplet ou presque, et qu'elle est frustrée même quand elle essaye d'exprimer sa frustration toute seule au Piehole. Pauvre petite Olive. Merveilleuse petite Olive.
Elle opère encore parce que d'une façon générale, l'épisode prend le temps de se poser un peu et de nous laisser un peu plus apprécier les décors du Piehole, par exemple, et que ce lieu est absolument fantastique, avec ses lustres en forme de cerise et ses banquettes vert émeraude.
Elle opère, enfin, parce que la relation entre Chuck et Ned vire ostensiblement au flirt et que leurs échanges sont pétillants à souhait. Pour deux amoureux transis, ils ne sont pas trop niais, s'envoient des petites piques avec plaisir, se décrochent même parfois des regards parfois exaspérés... Une relation qui date d'il y a un peu moins d'un épisode et qui pourtant connait ses hauts, ses bas, et ne nous enquiquine pas avec une sorte de lune de miel exagérément candide : je dis bon point.

Piemarathon_1x02
Il faut dire que le couple Ned/Chuck connait déjà ses premiers remous, puisqu'ils ne s'entendent pas très bien sur le degré d'honnêteté que leur relation doit afficher. Ned évidemment est dans une position intenable, il s'entête à prétendre qu'il veut préserver ses secrets alors qu'en réalité, il n'y en a qu'un qu'il souhaite continuer à dissimuler (la mort du père de Chuck). Quand à la jolie fille morte, elle se montre extrêmement insistante dans son besoin de fusion, ce qu'on peut cependant comprendre vu que, comme elle le dit, aujourd'hui Chuck n'a plus que Ned dans la vie. La mort. Enfin vous me comprenez.
C'est d'ailleurs très tendre cette façon pour aucun des deux de se dire que, s'il faut éviter de se toucher, et qu'en plus la pauvre Chuck est maintenant prisonnière de l'affection de Ned (qui n'est pas vraiment le gars le plus expansif du coin), alors peut-être que le mieux serait de partir au contraire à l'autre bout du monde et ça résoudrait tous les problèmes. Objectivement c'est probablement vrai, mais tous les deux sont trop enamourés déjà pour y songer seulement. La romance est donc présente, mais elle avance au lieu de rester figée dans les échanges de battements de cils et de rougissements.

La vraie bonne idée de cet épisode, c'est de faire en sorte que Chuck ne trouve vraiment sa place avec personne, en fin de compte. Avec Ned, évidemment les choses sont un peu compliquées, notamment parce qu'il y a cette histoire d'honnêteté totale, mais parce que vraisemblablement, Chuck est aussi du genre entreprenante alors que Ned suit mollement dans son sillon, l'air un peu béat mais ne sachant trop comment s'adapter. La sensation d'inconfort est bien vue même si, comme on l'a dit, leurs sentiments sont également très clairs.
On se doutait bien, aussi, que la jalousie d'Olive n'allait pas aller en s'arrangeant (et d'ailleurs, cette Olive-là est très touchante, bien plus que dans le pilote), mais qu'Emerson ne digère toujours pas trop bien la pilule, c'est extrêmement savoureux et ça permet d'avoir des échanges très sympathiques, comme par exemple dans la voiture devant la morgue. Chuck et Emerson ne sont pourtant pas en compétition, mais voilà, la petite demoiselle prend beaucoup de place en peu de temps et le contrôle qu'Emerson avait sur le cours des enquêtes s'en trouve menacé. Fort heureusement, notre bonhomme a encore de la ressource (il ne s'agirait quand même pas que l'arrivée de Chuck le réduise à un poids mort, surtout pas), et il le prouvera au moment le plus opportun, en gardant la tête froide pour aider le trio à se tirer d'un mauvais pas.
Chuck ne se laisse pas démonter pour si peu, mais ça lui permet d'avoir des échanges un peu piquants avec tout le monde, plutôt que de se trouver en opposition uniquement avec sa rivale, ou le partenaire de son Roméo.

Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer quelques adorables petites loufoqueries qu'on apprend dans cet épisode sur les personnages. Ainsi, Chuck parle un Japonais parfait (mais avec un accent à couper au couteau) et a appris plusieurs autres langues dont le Français, l'Allemand... (il faudrait qu'elle sous-titre des séries, ce serait parfait). Elle a également développé une connaissance des fromages du monde qui a de quoi laisser pantois.
Quant à Emerson, on lui découvre un cri de fillette à se tordre de rire, mais aussi sa fameuse passion pour le tricot.

Entre couleurs folles, excentricités, taquineries et morbidité ambiante, Pushing Daisies confirme ses objectifs : on a une série qui a décidé de cultiver sa différence en dépit de son côté vaguement procédural, et qui ne transige pas sur son grain de folie ou sa tendresse pour cela. Combien de séries procédurales peuvent se vanter de la même chose, hein ? Ne m'obligez pas à donner des noms.

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8 mars 2012

[#Piemarathon] 1x01, crème de la crème

BlackMarch

Saviez-vous que Pushing Daisies compte parmi mes séries préférées ? Non ? Je savais que j'allais vous surprendre. Il faut dire que je ne fais quasiment jamais référence à cette série sur ce blog depuis... mon Dieu, depuis bientôt 5 ans. Comme en attesteront, d'ailleurs, les très très rares posts que vous trouverez en suivant le tag au bas de ce post.
Et pourtant, en ce mois de mars un peu exceptionnel, comme en témoigne la bannière qui couronne chacun de mes écrits depuis environ une semaine, j'étais résolue à employer une bonne partie de mon temps à revoir la série, car en réalité ça fait longtemps que je ne me suis pas fait d'intégrale. Et par intégrale, je veux dire "tous les épisodes sauf le dernier", car je ne l'ai encore jamais vu à ce jour. A vrai dire, je ne suis pas encore décidée à ce sujet à l'heure actuelle.

Il m'aurait tout-à-fait été possible de passer ce marathon sous un relatif silence, comme je l'ai fait pour Wonderfalls qui n'a eu droit qu'à deux posts en 13 épisodes et 1 semaine de dégustation, mais voyez-vous, on parle de Pushing Daisies. L'une des séries qui fait battre mon coeur à la simple évocation de son nom. Donc non. Vous allez y avoir droit, les amis, une review par épisode, pour partager mon émerveillement, ma joie, mon délice, et mon émerveillement. Oui, je sais. Cette introduction étant également destinée à servir d'avertissement, passons donc au nerf de la guerre avec le premier des 21 ou 22 posts qui vous attendent pour ce Piemarathon.
...Ah, quel merveilleux mois de mars je vais passer en compagnie de ceux d'entre vous qui supporteront de me voir parler de cette série quasiment chaque jour !

Piemarathon_1x01_Title

Lorsqu'on aime une série mais qu'on accepte (moitié à contre-coeur, moitié parce qu'on ne peut quand même pas faire que ça) de ne pas la regarder pendant plusieurs mois, on court rapidement le risque de l'idéaliser, et d'oublier ses torts. Pour une pilotovore telle que votre obligée, évidemment, le risque encouru était bien plus grand avec cet épisode inaugural.
Et pourtant, bien malin celui qui me fera dire que j'ai été déçue ne serait-ce que la plus petite fraction de seconde par cet épisode.

Pushing Daisies est évidemment, d'abord et avant tout, une merveille sur le plan formel. Ses effets spéciaux ne vieillissent pas trop mal, pour le moment. Les couleurs sont toujours le même régal. La musique est un enchantement. Et son immense point fort narratif réside dans cette voix-off incroyablement parfaite, à une époque où pourtant la voix-off est suremployée jusqu'à écoeurement, preuve que ce n'est pas le procédé qui est en cause mais juste son usage massif et souvent médiocre.
C'est également très sophistiqué cette façon qu'a ce premier épisode de jouer avec les flashbacks (encore une fois, un outil qui n'a pas manqué d'être utilisé dans au moins la moitié des séries de ces dernières années) pour nous raconter à la fois cette histoire d'enfance perdue et d'amour retrouvé, sans jamais nous perdre dans la chronologie. On se rend vite compte combien ces aperçus du passé sont aussi nécessaires à l'épisode que peut l'être la voix off. Aucune gratuité dans les choix qui sont faits ici.

Piemarathon_1x01
Entrée en matière colorée, mais aussi morbide (bienvenue dans le Fullerverse), le pielette de Pushing Daisies est donc une véritable friandise dés ses premières secondes, au cours desquelles un petit garçon joufflu perd son chien (et puis non), sa mère (et puis non), et sa mère (et pourtant si), avant de perdre son premier amour.
Et puis non.
Mais outre l'évidente romance, et le tout aussi évident registre funéraire de cette intrigue (et, forcément, de celles qui suivront), il y a aussi quelque chose de terriblement déprimant qui va bien au-delà, dans ce qui se dit en filigrane. Comme les personnages féminins précédents de Bryan Fuller, Chuck a une vie mortellement vide de sens ; à l'instar de George Lass, qui n'avait rien fait de sa vie avant d'avoir l'opportunité de mourir, et Jaye Tyler, qui s'enfonçait volontairement dans le néant jusqu'à ce que des objets inanimés apportent un peu de fantaisie dans sa vie, la pauvre Charlotte Charles n'a connu que les livres et l'enfermement dans la maison de ses tantes. Quant à Ned le Piemaker, il s'en sort à peine mieux puisqu'il traine le poids épouvantable de ses "crimes" d'enfant dans une solitude dont on n'est pas sûrs de savoir qui elle est supposée protéger...
On ne va pas soumettre Fuller à une thérapie à distance ici et maintenant mais il faut quand même bien reconnaître que ses personnages sont morts à l'intérieur. En tous cas, jusqu'à ce qu'il intervienne dans leur existence.

Ce qui est appréciable c'est qu'en dépit du côté conte de fées de la série, personne ici ne se montre irréprochable. Dés qu'Emerson commence à parler de la "dead girl" avec Ned (et avant qu'il lui apprenne qu'il ne s'agisse de Chuck), notre Piemaker se montre très pragmatique et presque aussi sarcastique que son partenaire en affaires ; leur échange est très bon au niveau des dialogues (tous les dialogues sont impeccables de toute façon) mais surtout il souligne combien il n'a aucun cas de conscience à faire ce qu'il fait. De la même façon, Chuck n'est pas une princesse à secourir, et il est par définition trop tard, elle se montre aussi très entreprenante, limite agaçante dans sa façon de s'imposer dans l'enquête sur sa mort. Olive est à la fois une petite chose pétillante et un personnage visiblement bipolaire, comme le montre sa faculté incroyable à mitrailler du regard quiconque ne cède pas à ses caprices. Je préfère ce genre de configuration à une autre dans laquelle les personnages se seraient montrés uniquement charmants, drôles et pleins d'esprit.
En dépit du nombre d'occasions incalculable au cours desquelles je me suis mise devant le pilote, j'avais pourtant réussi à oublier quelques détails qui se sont avérés être de bonnes surprises. Ainsi, je me rappelais un Lee Pace plus minaudant, et je l'ai trouvé bien plus sobre que dans mon souvenir, bien plus sympathique aussi, paradoxalement. Le personnage d'Emerson est au contraire un peu moins cinglant que dans ma mémoire, mais on savoure déjà la moindre de ses interventions.

Ce qui est certain c'est qu'après pareil pilote, je sais déjà que je vais me régaler, et que pourtant j'ai plein de choses à redécouvrir. J'ai hâte de poursuivre, vous n'avez pas idée !

PS : si, comme moi, vous êtes curieux de savoir à quel point mon opinion sur ce pilote a changé avec les années, je vous propose si vous le voulez de relire le post sur le preair.

7 mars 2012

[#Ozmarathon] 4x15, the Irish connection

BlackMarch

Retour à Oz histoire de finir la 4e saison, même si le Black March va sérieusement nous ralentir ensuite. Savourez ce season finale, il n'y aura pas beaucoup de posts consacrés au Ozmarathon ce mois-ci.
Soyons honnêtes, à un épisode du final de la saison, ce n'est pas un grand épisode, et il n'est pas bon, non plus. Tout juste s'il est correct. Disons qu'il n'est pas mauvais, quelques scènes (souvent brèves) le sauvant des abysses de l'oubli auxquels d'autres épisodes sont promis en cette seconde moitié de saison. Si bien qu'on serait presque surpris de réaliser que l'épisode passe vite, tant on est habitués à avoir l'impression que le temps s'écoule plus lentement quand il ne se passe rien de captivant.

Ozmarathon_4x15

Parmi les intrigues qui ne font ni chaud ni froid, on découvre que Chico, dans l'ombre de tant de Latinos depuis des lustres, a une personnalité indépendante (et qu'il a tué Tyrion Lannister) ; voilà qui ne lui donne aucune espèce d'intérêt, si ce n'est que sa petite vendetta contre Omar White donne un peu d'action à ce dernier, qui est en chute libre. Son intrigue est pourtant mortellement banale, une sorte de Mobay sans la question de l'infiltration.
On se captive à peine plus pour le cas Clayton Hugues dont il est impossible de savoir s'il a un but dans l'existence ou si cela fait partie des intrigues de cette seconde moitié de saison qui sont ramenées à l'écran par manque patent d'idées de fil rouge.
La grand-paternité (?) de Schillinger ne nous mène pas non plus très loin. Un pas vers Cloutier, un pas en arrière, un pas vers Cloutier... C'était intéressant quand Vern s'orientait vers quelque chose de nouveau, mais entre son sens déplacé de l'honneur et les pulsions violentes qui animent la communauté des nazis, on a l'impression que c'est un peu un retour à la case départ...

Beecher et les scénaristes semblent quant à eux encore très partagés quant à cette histoire de libération sur parole. On dirait que le but du jeu est à chaque fois d'ouvrir un peu plus la porte de sortie, puis de les voir tous prendre un air renfrogné "bon Dieu de bon Dieu, il va finir par avoir une raison de sortir, ce con". Pourtant, la scène de rencontre avec les parents de sa victime était émouvante, quoique longuette, et la confession finale de la mère, qui avait pourtant sauvagement aggressé verbablement Beecher il y a quelques années, fait un bien fou. C'est rare, les gens sains dans leur tête, dans cette série, après tout, alors autant apprécier. Sauf que, nom de nom, Beecher va vraiment finir par se faire la malle si ça continue. Les scénaristes semblent pris dans leur propre intrigue, et Beecher fait de son mieux pour se faire rembarrer, mais rien à faire. Plus que pour la libération de Beecher, on s'inquiète de cette schizophrénie.

Outre persister à guider Beecher vers la sortie, alors que tout le monde (de part et d'autre de l'écran) la supplie plus ou moins explicitement de faire marche arrière pour le bien de la série, Sister Peter Marie semble également se dévouer toute entière à la cause de William Giles, dont, par contre, on ne demande qu'à se débarrasser. C'est l'occasion là aussi d'une courte bonne scène pendant laquelle la nonne rive son clou plus d'une fois au gouverneur Devlin, décidemment aussi increvable que la mauvaise herbe.
On se demande presque quelle est la relation de la chère soeur avec ce prisonnier, auprès duquelle elle se montre si attentionnée et même particulièrement... tactile. J'ai cru lire dans le regard de Williams qu'il avait envie de déraper, je ne me souviens pas trop de ce que ça donne, si ça donne quelque chose ; à la limite ça peut être plus intéressant que l'intrigue qu'on a eue jusque là entre ces deux-là.

Le match de basket a déjà perdu le maigre intérêt qu'il revêtait. Précédemment, il avait donné aux prisonniers de la prison (certes sous de bien maigres prétextes) l'occasion de se réunir dans un véritable esprit de plaisir en commun. A ce moment-là, McManus semblait être le mouton noir de l'intrigue, avec son besoin viscéral de mesurer ses attributs ; cette fois il est de nouveau l'aveugle qui mène le troupeau à sa perte, provoquant indirectement un échange violent entre prisonniers et gardiens, et conduisant même, par son esprit de compétition exacerbé, à une atroce mutilation de l'un de ses camarades CO, littéralement fauché à un moment où sa vie pouvait s'améliorer. On peut vraiment rien avoir, dans ce bordel.

La bonne nouvelle, c'est qu'il y a de l'action du côté de Kareem Saïd. L'homme succombe aux démons et cette fois, tout le monde peut y assister, là où précédemment son délire mystique comme ses manifestations d'ego étaient passées relativement inaperçues auprès de la majorité de ses pairs. Ce qui est bien c'est que, même si Saïd devient progressivement une bête sauvage, on ne cherche pas à le connecter au goût du sang qu'il pourrait avoir goûté en tuant Adebisi ; c'était une cause indirecte, mais on ne cherche pas à le ressortir sans arrêt et ça me fait plaisir. Je trouve ça plus prometteur que tourner toujours autour de cette question.

Oh, pendant que j'y pense, quelqu'un s'intéresse à la lutte de pouvoir entre Supreme Allah et Burr ? C'est ce que je pensais, on continue.

On compte en général sur Ryan O'Riley pour épicer un peu les épisodes les plus soporifiques, et notre Irlandais préféré ne manque pas à ses devoirs.
Il y a d'abord les entretiens avec sa mère. On ne se captive pas pour cette intrigue dramatique mais elle a le mérite d'être originale, à défaut d'être follement excitante, puisque maman a elle aussi un passé criminel et qu'elle pourrait finir à son tour en prison. Cela peut influer sur les plans d'évasion de Ryan, mais moins que la réaction que lui réserve Gloria (on va y revenir). Ce qui est certainement le plus intéressant, c'est combien tout ou presque chez Ryan est irlandais. Pas étonnant que ça fasse 4 saisons qu'il nous parle de Black Irish et toute cette sorte de choses, même les pans de son histoire qu'il ignore sont fondamentalement liés à la culture irlandaise.
Comme Claire Howell continue de rôder autour de Cyril, Ryan s'arrange pour qu'elle ait un, hm, accident. Certainement l'une des scènes les plus jouissives de cet épisode, Claire finit par se prendre un gros coup de karma dans la tronche, et se brise... le pelvis, punie par là où elle péchait. Ce qui ajoute au sublime de cette scène, c'est la façon dont le prisonnier qui donne un coup de main à O'Riley nous la joue soudain Debbie Jelinsky : "à l'aide", lance-t-il d'une petite voix qui ne trompe personne mais déclenche instantanément l'hilarité. Hey, c'est toujours bon à prendre.
Il ne chôme pas, Ryan, il doit éponger les dégâts de cet épisode rarement excitant. Il commence donc à envisager de faire un sort à l'Irlandais Connolly, avec ses méthodes habituelles. On se rappelle combien Ryan préfère garder les mains clean, et combien ses techniques pour intimider les gens peuvent être variées et originales ; il avait d'ailleurs trouvé à qui parler avec Stanislofsky, ça nous avait fait un très joli duel de cerveaux machiavéliques. Sauf que là, Connolly est un autre numéro, un rustre sans éducation qui ne prend aucun plaisir dans les entourloupes raffinées que lui prépare savoureusement O'Riley ("I get things done, that's my talent"). En répondant par des menaces physiques, Connolly prend (temporairement) le dessus sur Ryan : on est dans un autre registre, celui de la violence pure, et on sait que Ryan ne peut pas concourir dans cette catégorie (la seule fois où il l'a fait, il avait déjà un ascendant psychologique sur sa victime, ici il ne l'a pas). La ruse de Ryan ne lui suffira pas forcément à s'en sortir et c'est pas si mal de le pousser à renouveler ses techniques.
Enfin, après bien des tâtonnements, c'est surtout la relation avec Gloria Nathan qui s'affirme. Comme toujours pour Ryan, les choses relevant de l'émotionnel ne peuvent être indépendantes des choses utiles ; comme on l'avait vu avec la boxe et Cyril, il aime, mais il ne perd jamais de vue la colonne des bénéfices au long terme sur sa survie. Or, quand Nathan lui affirme qu'il existe un truc appelé éthique, qui l'empêche d'accepter sa proposition de s'enfuir avec les O'Riley, et que donc l'évasion tombe à l'eau, il ne reste plus à Ryan qu'à trouver un moyen de signer une trève avec Connolly...
Toutes les intrigues de Ryan se mêlent donc pour le conduire à un cliffhanger qui laisse craindre le pire. Pour lui. Pour tout le monde. Et là, on commence à discuter. En fin de compte, vivement le final de la saison 4 !

7 mars 2012

No wonder

BlackMarch

Rappelez-vous, c'était jeudi dernier, j'entamais un marathon Wonderfalls, nous étions alors jeunes et innocents, c'était le bon temps. Ma dernière intégrale pour la série remontait, selon toute vraisemblance, au moment où les épisodes non-diffusés se sont montrés, hm, disponibles, et depuis je n'en avais vu que quelques uns en dilettante. Autant dire que mes souvenirs étaient flous.

Et je les aimais bien comme ça, mes souvenirs. Je sais pas, ça avait quelque chose de presque romantique de penser à cette série que j'avais bien aimée et qui reposait là, quelque part, dans les limbes où reposent les séries jadis aimées et disparues si vite, trop vite. Se lancer dans une intégrale était, sans aucun doute possible, une initiative charmante, sympathique et tout ce qu'on veut, mais c'est un peu comme rouvrir une plaie parfaitement cicatrisée : ça relève quand même un peu du masochisme. Cette intégrale Wonderfalls m'aura rappelé à quel point j'aime l'univers de Bryan Fuller. Et à quel point celui-ci est fragile face aux questions d'audiences et de renouvellements. C'est ma faute, je n'avais qu'à tomber sous le charme de l'esprit de Jerry Bruckheimer après tout.

NoWonderWhytheWonderfalls
Malgré mon enthousiasme et ma tendresse pendant ce visionnage, je suis obligée de reconnaître que j'ai vu en Wonderfalls des défauts que je n'avais pas remarqués plus tôt, ou pas mémorisés peut-être. Il faut préciser cependant qu'assez peu d'histoires m'étaient restées en tête, au profit d'une simple sélection de scènes un peu plus marquantes que les autres.

D'abord, ce qui était assez dérangeant avec ce marathon Wonderfalls était l'impression d'avoir affaire à une série à la chronologie épouvantablement floue. Je passe sur le fait que mes épisodes, sur ma cagoule personnelle, n'étaient pas numérotés dans l'ordre apparemment officiel (tel que trouvé sur IMDb par exemple), puisque je me suis bien vite aperçue de la bévue et ai suivi ce guide à la place de ma numérotation. Mais même comme ça, l'enchaînement ne faisait pas beaucoup sens. On ressent de façon assez nette la dispersion des intrigues : alors que le pilote mettait en avant la façon dont Jaye allait se rapprocher de sa soeur Sharon, cette proximité allait vite être tenue pour acquise, avant de se tourner vers une complicité un peu plaquée au premier abord, mais beaucoup plus détaillée, avec son frère Aaron. Lequel se prend de passion pour les extravagances de Jaye sans vraiment bénéficier d'une storyline très stable, puisqu'à intervalles réguliers, ses interrogations métaphysiques et/ou sur la santé mentale de sa frangine sont balayées par les intrigues amoureuses de celle-ci. N'allez pas croire pour autant que cette intrigue aura toutes les faveurs des scénaristes puisque par exemple l'avant-dernier épisode, dans la réserve indienne, en fait totalement abstraction.
Cette inconstance est certainement, en partie, due au flou qui semble ou a semblé entourer pendant longtemps l'ordre officiel des épisodes, mais quand même les résumés des épisodes précédents et les références internes dessinent une chronologie de fait, il faut bien avouer dans ce cas que le problème ne vient pas simplement de l'ordre de visionnage. Contrairement à d'autres séries, Wonderfalls ne semble pas parvenir à avancer sur tous les fronts à la fois de façon régulière, et du coup c'est un peu inconfortable de voir une intrigue supposément capitale être reléguée plus ou moins temporairement.
J'ai peine à croire ce que je vais dire, mais dans ce cas il fallait peut-être se limiter à un formula show.

Il y a ainsi beaucoup à dire de la vie sexuelle de Sharon qui, même si on imagine que c'est en grande partie grâce aux exécutifs de la FOX, rompt avec sa petite amie, avant d'être mystérieusement en couple avec elle à nouveau quelques épisodes plus tard, et dont la vie amoureuse sombrera dans le chaos avant et après cela. De la même façon, difficile de comprendre comment le vol de la statuette de singe peut passer à l'as pendant autant d'épisodes avant d'être mystérieusement ramenée sur le tapis afin de consacrer un épisode au psy. Que n'a-t-elle pas été restituée entre temps par la mère de Jaye qui prétendait que le psy refusait de la recevoir tant que l'objet ne lui avait pas été rendu ? Sans parler de la femme de ménage qui surgit de nulle part dans le 5e épisode, soi-disant alors qu'elle a quasiment élevé les enfants de la famille Tyler, et qui n'a même pas la bonne grâce de réapparaitre ensuite...
A n'en pas douter, voilà des errances qui ont coûté cher à la série autant qu'elles ont probablement dû participer à sa quête pour la survie. Dans le cadre d'un marathon de moins d'une semaine, on recolle facilement les morceaux, le cerveau fait vite la gymnastique nécessaire pour réorganiser les choses à peu près chronologiquement ; pour les épisodes initialement diffusés (une minorité, il est vrai) à une semaine d'écart, c'était forcément un problème d'une toute autre ampleur.

Au milieu de ce chaos, on se prend, ou reprend, d'affection pour la plupart des personnages, même si Jaye quitte bien vite ses habits de grande sarcastique pour devenir une héroïne plus classique, notamment au cours de son intrigue amoureuse avec Eric. Son entourage est en tous cas solide, à commercer par Mahandra, parfaite en meilleure amie qui ramène les pieds sur terre mais n'existe pas qu'au travers de l'héroïne, de Sharon, grande soeur hilarante grâce au don inné de Katie Finneran pour la comédie (on ne le croirait pas aujourd'hui en la voyant se compromettre dans I hate my teenage daughter...), Aaron, le petit frère qui fouine partout mais qui n'est pas agaçant grâce à son air un peu dans la lune, inoffensif, et les parents, qui bien qu'en retrait, forment toujours un très bon tandem, efficace à merveille lorsqu'il s'agit de souligner l'absurde d'une situation.

Et l'absurde, Fuller s'y connait. Certains savent extraire l'humour de l'absurde, Fuller en tire de la magie. C'est d'ailleurs incroyable de voir à quel point Wonderfalls est le chaînon manquant entre Dead Like Me, déprimante et consacrée à un travail d'introspection jamais tout-à-fait noir (justement grâce à l'absurde), et Pushing Daisies, avec son grain de folie entièrement assumé et son univers définitivement fantasque. Ca commence à être particulièrement visible, et ce n'est probablement pas une coincidence, dans l'épisode au cours duquel Jaye tente de se porter au secours d'une nonne. On y retrouve l'envie de déconner comme la quête intérieure, qui sont des constantes dans l'univers de Fuller à ce jour (m'étonnerait un peu que Hannibal nage dans ces eaux-là ; Mockingbird Lane, si elle voit le jour, a par contre plus de chances d'être un nouveau maillon de cette chaîne), avec une véritable oscillation entre un propos ouvertement interrogateur sur la spiritualité (tendance introspective de Dead Like Me, donc) et situations rocambolesques laissant s'échapper une part indiscutable de tendresse véritable (plutôt du domaine de Pushing Daisies). Même quand c'est le bordel dans sa storyline, une série Fuller a toujours beaucoup de coeur et d'affection pour ses personnages, et c'est ce qui la sauve ; le petit truc en plus, c'est probablement qu'elle arrive à partager cette inclination avec les personnages les plus passagers, sans jamais les pousser à se prendre totalement au sérieux. C'est pour ça que ces séries marchent même quand elles sont un peu moins solides narrativement que d'autres.

Autre évolution naturelle, la réalisation elle aussi se déride avec la progression de la saison, et ça fait un bien fou. Là où au départ, le pilote de Wonderfalls s'entêtait à préserver le status quo entre les questions sur la santé mentale de son héroïne et les aspects fantastiques, la série s'autorise progressivement à se laisser gentillement interner à mesure que les intrigues se succèdent. Avec une inventivité sans cesse renouvelée, elle joue sur son principe, ses gimmicks, ses animations et ses personnages d'un jour, pour pimenter toujours un peu plus son univers. Et ça nous donne d'ailleurs droit à une palette de guests pas piquée des hannetons. Rappelons ainsi (je l'avais moi-même oublié) que l'épatante Rue McClanahan viendra par exemple y incarner une star de Niagara Falls sur le retour. D'ailleurs il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont la série tire admirablement partie de son contexte, de la richesse de son origine géographique, mais sans (et c'est ironique) donner dans la carte postale.

Cette intégrale Wonderfalls m'aura rappelé à quel point j'aime l'univers de Bryan Fuller ; sa loufoquerie sans clowneries, ses intrigues improbables, et pourtant toujours autant touchantes que perspicaces sur les tracas humains, et ses personnages attachants même si pas toujours très complexes. Ce n'est pas forcément la série que je considèrerai comme une perle, et en cela, l'émerveillement s'est parfois avéré limité, mais c'était quand même une semaine drôlement chouette dans le Fullerverse.

Chic alors, ça tombe bien, maintenant c'est une intégrale Pushing Daisies qui est au programme !!!
Dites-donc, je me tâte, je vous fais de la review au quotidien ou...?

6 mars 2012

Las tijeras del amor

BlackMarch

Avec toute la bonne volonté du monde, je suis incapable de trouver une telenovela qui ait des sous-titres.
Non, pardon, il me faut préciser : une telenovela qui m'attire et qui ait des sous-titres anglais. C'est plus honnête comme ça, reconnaissons-le.

Parce que des telenovelas avec des sous-titres, on en trouve par exemple sur Amazon (où une personne bien intentionnée a fait une liste probablement non-exaustive, par exemple) (n'oubliez pas, c'est Black March), mais le soucis c'est que ce ne sont pas là des séries qui m'attirent, et pour s'en assurer il suffit de lire les titres, ça marche dans 90% des cas pour connaitre le sujet de la série : s'ils contiennent les mots "amor", "pasion", "corazon" ou encore "destino", c'est que ça parle d'amour, de passion, de coeur, de destin, autrement dit c'est le cliché-même de la telenovela. Et dans ces cas-là, je n'y peux rien, j'ai un frisson désagréable qui me prend depuis les reins jusque dans la nuque, je me sens pas bien, j'ai le teint qui vire au vert, et je finis malade. On pourrait penser que j'exagère, sauf que j'ai déjà de gros problèmes avec les romances anglophones (ou sud-coréenne, c'est même ma grosse pomme de discorde avec ce pays), alors vous pensez bien que dans une telenovela...
Donc les amours impossibles, les triangles amoureux, les machins, tout ça en Espagnol que je ne parle pas, ça ne donne pas envie.

UnaMaidenManhattan
Actuellement, Una Maid en Manhattan, par exemple, diffusée par Telemundo, est l'exemple typique de série pour laquelle il faudrait me supplier pour que je regarde. On peut être curieux sans fouler aux pieds ses préférences personnelles, non ?!

Corazón Valiente, qui débute ce soir sur Telemundo également, ne trompe personne, en tous cas. J'avoue que j'ai jeté un oeil au pilote, disponible sur le site de la chaîne, et que j'ai eu l'impression que même la telenovela en espagnol était doublée en espagnol. Ca n'encourage pas à faire des découvertes ! L'histoire n'est pas très attrayante non plus, puisque les deux héroïnes, amies depuis l'enfance, deviennent gardes du corps, l'une tombant amoureuse de l'homme qui est sous sa protection (évidemment, il est marié à une pétasse insupportable, mais il a une fille avec elle et le sens du devoir donc ça va durer plusieurs dizaines d'épisodes), et l'autre qui se débrouille même pour tomber sous le charme du fils du trafiquant qui l'avait fait kidnapper quand elle était enfant. Il y a, certes, un peu d'action en perspective, mais qui semble plutôt vouée à servir ici de prétexte.

Je parle beaucoup de Telemundo parce que ça fait plus de 10 ans maintenant que la chaîne nord-américaine propose des telenovelas maison (au lieu de simplement rediffuser des séries achetées en Amérique latine), qu'elle les diffuse avec des sous-titres anglais, et pourtant c'est toujours la galère pour y avoir accès : pas de DVD, du streaming sans sous-titres, bref c'est infernal. Même par des moyens illégaux ! A désespérer des pirates.
Après on est d'accord que la qualité n'est pas absolument au rendez-vous ; entre le jeu des acteurs et la réalisation, on ne peut pas dire qu'on soit dans le haut du panier téléphagique, mais encore faudrait-il avoir accès à une variété décente de séries pour s'en assurer, et dans de bonnes conditions de découverte évidemment.

LaReinadelSur
C'est pour ça que j'étais quand même plutôt contente d'apprendre que France Ô avait fait l'acquisition de La Reina del Sur (ci-dessus), même si j'avais trouvé le pilote assez peu emballant quand je l'avais vu, à l'époque sans sous-titres ; à ce propos, je me suis aperçue en rédigeant ce post que les deux premiers épisodes étaient encore visibles en streaming, en VF et sans débourser un rond pendant 7 jours, à mon avis ça ne fonctionne donc plus que pour quelques heures, donc urgez-vous (moi-même je vais voir comment se passe le deuxième épisode par rapport au premier dés que j'aurai posté cet article). Hélas cent fois hélas, depuis que je n'ai plus de télévision, j'ai toutes les peines du monde à me discipliner pour allumer adsltv à une heure précise et à être au rendez-vous pour une diffusion. C'est un vrai problème et je me demande combien de téléphages pratiquant une consommation essentiellement basée sur le cagoulage partagent cette préoccupation, d'ailleurs : plus je cagoule, moins j'arrive à regarder mes séries à une heure imposée.
Sans compter qu'il y a le douloureux problème du doublage, déjà assez difficile à supporter en temps normal, mais qui confine à l'insulte dans le cas des telenovelas (et c'est pourtant quelque chose qu'on sait depuis la diffusion de Rubi par M6 ; las, le public des telenovelas n'est pas vraiment celui qui affectionne les sous-titres).
Dans ces conditions, j'ai fait une croix sur la diffusion de La Reina del Sur dés le matin du 1er mars, quand j'ai réalisé que, damned, j'avais ENCORE oublié de me mettre devant mon écran à l'heure dite, et que de toute façon, la version française n'est pas un moyen idéal pour découvrir une fiction sur laquelle on a quelques préjugés.

A tout prendre, le genre de série qui m'attire serait plutôt les "narconovelas" et assimilées : ce courant récent de telenovelas (une dizaine d'années environ) qui, même si inévitablement parlent de romance, laissent aussi la part belle à l'action, et même, à la violence.
Les histoires sont souvent dérangeantes, voire même trash (rappelez-vous de Sin Tetas No Hay Paraíso, qu'on a déjà évoquée) et là on commence à discuter. Instinctivement je serais tentée par ces séries, comme beaucoup de téléphages classiques, il me semble, pourraient l'être plus facilement que par une romance niaise. Si seulement on en avait la possibilité de façon décente.

Rosario Tijeras est l'incarnation de tout ce qu'un pitch de telenovela peut me donner envie de regarder, et c'est une série sur laquelle j'ai l'oeil qui traine depuis de nombreux mois, convoitant en secret ses épisodes, puis me ravisant chaque fois que je mets la main dessus. Car, sans sous-titres ? La VOSTM, ça va pour un pilote, mais sur 70 épisodes, euh...
Mais malgré ce, oh, tout petit inconvénient, rien ne m'attirera, je pense, autant que Rosario Tijeras, et il y a de fortes chances qu'un jour je succombe à la tentation. Aussi je vous en délivre le résumé.
Il s'agit de l'histoire d'une jeune fille qui a grandi dans un bidonville, qui est violée à 14 ans, et qui se sort de cette horrible expérience en, hm, Messieurs ne lisez pas la fin de cette phrase : en castrant l'un de ses agresseurs avec une paire de ciseaux. Je vous avais prévenus. Elle grandit avec, on s'en doute, un tout petit peu de haine, et se met à vouloir se venger des hommes... sauf que bien-sûr elle va en rencontrer deux, diamétralement opposés, et son coeur va balancer tout en les entrainant dans son sillon de destruction. Voyez comme tout de suite, avec une histoire pareille, l'intrigue amoureuse, on s'en tape un peu. Même si on n'y échappera pas, et ça fait partie des bases du genre après tout, on sent bien qu'il se trame quelque chose dans Rosario Tijeras qui n'est pas exactement le cliché de la telenovela romantique.
Et puis, María Fernanda Yépez sait se montrer convaincante, aussi :

RosarioTijeras Rosario Tijeras, qui fait très envie. Téléphagiquement, je veux dire.

Bien bien bien. Donc en fait, je voulais juste dire que, les telenovelas, cycliquement j'essaye de m'y intéresser, mais je trouve que pour le moment, on n'est pas aidés. Que les chaînes mexicaines, colombiennes, argentines et autres ne tentent pas de rendre leurs produits attirants pour le public téléphage, bon. Après tout ces séries se vendent très très bien à destination des ménagères, qui est son public-cible et qui permet à ces séries de s'exporter sans grande peine depuis des années (même si dans de plus en plus de pays, on constate un recul de la telenovela au profit... des romances sud-coréennes). Pourquoi les chaînes sud-américaines changeraient-elles une politique qui marche ? Pour intéresser les téléphages, au pire, elles ont de toute façon les nocturnas (genre Lynch qui commence bientôt et qu'on a pu évoquer ; gageons que celles-ci seront plus facilement prises en main par des fansubbers hispanophiles), et les vaches sont bien gardées.
Mais si les chaînes au moins nord-américaines ou françaises s'en donnaient la peine, et proposaient des telenovelas plus faciles d'accès pour un public plus exigeant, on pourrait peut-être enfin leur donner une chance ! Sans vouloir vous commander.

Je sais bien que mes protestations de téléphage resteront lettre morte. Dans certains domaines, je suppose que si on veut vraiment être curieux, on n'a qu'à pas être regardant, et pis c'est tout. Mais j'avais envie de râler, voilà.
Et, oui, je me sens mieux de vous avoir dit ce que j'avais sur le coeur, merci d'avoir demandé.

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5 mars 2012

Prison Breaking News

BlackMarch

La nouvelle de ce weekend, en Australie, est un projet de remake. Ca n'a l'air de rien, là, comme ça, parce qu'il s'agit d'un remake pour une série australienne que personne ici ne connaît, et pourtant, c'est d'un véritable morceau d'histoire télévisuelle dont je m'apprête à vous parler, ce qui ne gâche rien de ce nouveau post Love Actuality qui, outre vous parler d'actu, va également se montrer éducatif. 'Fin j'espère.

Cette série d'origine, c'est Prisoner, diffusée à partir de 1979 par Ten.
Alors, bon, non. Pas The Prisoner (plus connu chez nous sous le titre Le Prisonnier), série britannique internationalement reconnue, évidemment, ni sa version AMC de 2009, sans quoi ce serait trop facile, et pas non plus Prisoner, le dorama nippon de WOWOW, ce qui commence à faire beaucoup de séries de par le monde portant un nom insupportablement similaire.

PrisonerAU
Bien avant Bad Girls ou Capadocia, la série australienne Prisoner se déroulait dans une prison pour femmes. Le concept n'était pourtant pas nouveau déjà à l'époque : c'était déjà l'adaptation d'une série britannique nommée Within These Walls ; laquelle avait connu un succès modéré sur les ondes australiennes au moment de sa diffusion. Mais apparemment, ça suffisait à inspirer une version australienne. Inspirer seulement, car le modèle de Prisoner allait finir par être bien différent de celui de Within These Walls.

Prisoner commence comme une série hebdomadaire pourtant, comme Within These Walls, et à l'origine, le network Ten en commande 16 épisodes d'une heure. Ces épisodes sont des stand-alones, mais ça n'arrête pas le public, qui est très vite au rendez-vous : apparemment, le spectateur australien est extatique à l'idée de voir une prisonnière se pendre dans sa cellule ou de découvrir comment une autre a sauvagement poignardé son mari dans la douche (façon Psychose). Et je vous passe l'incontournable intrigue lesbienne. Prisoner est extrêmement violente et graphique, c'est clair, mais ça marche.
Le succès de la série est tel que cette commande initiale est rapidement portée à 20 épisodes, diffusés à raison de 2 par semaine. Et là forcément ça pose problème en matière de production, car aucune production australienne ne peut soutenir un tel effort.

On est à la fin des années 70 et, à ce moment-là, la télévision australienne est alors encore pas mal étouffée par l'importation de fictions britanniques et américaines. Même si dans les années 60, les autorités ont instauré des quotas de fiction nationale, cela ne change rien au fait qu'il est moins cher d'acheter les droits de diffusion d'une série étrangère que d'en produire localement. Alors, même s'il existe des séries au format hebdomadaire plus classique depuis un bout de temps, ces fictions ne sont pas la norme : le soap est en plein boom dans ces années-là, tout simplement parce que c'est moins cher à produire pour atteindre les quotas de production locale, il n'y a pas à chercher très loin.
A partir des années 70, la plupart des séries importantes et innovantes de la télévision australienne se calqueront donc sur le modèle de production et de diffusion des soaps, qu'il s'agisse de séries osées comme Number 96 et The Box (respectivement 1972 et 1794), de séries médicales comme The Young Doctors (1976), ou de soaps plus classiques mais définitivement marquants, comme le sera quelques années plus tard Neighbours (1985), qui est d'ailleurs encore à l'antenne aujourd'hui.

Alors, aussi étonnant que ça puisse paraître vu son sujet, Prisoner va devenir une série carcérale quotidienne. Et devinez qui a créé Prisoner ? La même personne qui a créé The Young Doctors et qui créera Neighbours : Reg Watson. La réponse était donc dans l'énoncé.
A l'issue de sa première saison, en 1980, Prisoner commence donc à passer au format soap, et survit incroyablement bien au changement de format ainsi qu'à l'hémoragie d'actrices qui en résulte. Il faut dire que plusieurs des personnages avaient commencé à quitter la série lorsque la commande avait été prolongée, à commencer par Franky Doyle (qui est restée l'une des figures les plus mémorables de la série), mais à partir de la saison 2, cela devient patent. Du coup toute une nouvelle génération d'héroïnes va arriver au coeur des intrigues, certaines ayant été jusque là des personnages secondaires. Parmi elles, Bea Smith allait devenir l'une des figures fortes de la série.
Je vous passe tous les détails de son évolution, mais en tous cas, Prisoner va s'achever finalement au bout de 8 saisons et pas moins de 692 épisodes ; et avec une vraie fin, en plus, la production ayant été avertie à l'avance.

L'histoire pourrait s'arrêter là mais Prisoner était devenu un véritable objet de culte.
Déjà, la série s'était très bien exportée, même si, en raison de son titre, elle sera rebaptisée Prisoner: Cell Block H pour les USA et la Grande Bretagne, Caged Women au Canada, et Kvinnofängelset en Suède (où apparemment une convention sur la série est encore organisée chaque année). Il y a eu un téléfilm faisant office de spin-off sur l'un de ses personnages les plus emblématiques (Franky Doyle, souvenez-vous), bon, classique, ainsi qu'un remake américain qui, hélas, n'aura duré qu'une saison en syndication, et intitulé Dangerous Women...
Mais, plus original, Prisoner a aussi été adaptée en pièce de théâtre et en comédie musicale ! Et je ne vous parle pas des bouquins, du 45 tours avec le générique de la série (devenu 1e des charts), et plus tard, des DVD.

Alors du coup, comment vous dire ? L'an dernier, quand le network Ten a lancé un projet intitulé Inside Out, supposé se passer intégralement dans une prison pour femmes, et qu'en parallèle, quand le groupe Foxtel a commencé à massivement rediffuser Prisoner (dont elle avait acquis les droits de diffusion)... les gens ont un peu fait la relation. Il allait clairement se passer quelque chose, sur un network ou sur le câble, mais quelque chose. Depuis le temps qu'on attendait un revival, un remake, un spin-off, un sequel ou quelque chose, ça devait arriver !
Pourtant, Ten a très vite mis son projet Inside Out entre parenthèses ; il devait être diffusé en 2011, et finalement on n'en a jamais vu la couleur. Les désaccords avec l'équipe créative étaient apparemments trop forts, car avec une commande de 6 épisodes, la production envisageait de faire une série bien à part, quand Ten voulait absolument en faire un dérivé de Prisoner. Du coup, Inside Out a fini au placard l'été dernier.

Par contre, hier, et ça c'est donc la grande nouvelle, Foxtel a annoncé avoir mis en chantier Wentworth (l'ironie de l'appellation de cette série n'aura pas échappé aux fans de séries carcérales), produite par la même société de production que Prisoner (aujourd'hui rachetée par Fremantle), et supposée être une version révisée et moderne de Prisoner. On devrait y assister à l'arrivée de Bea Smith en prison, et assister à sa montée au pouvoir au cein du fameux bloc H.
Le cast devrait être annoncé avant la fin du mois et le tournage, à Melbourne, commencer sans trop de délais, afin d'être diffusé sur W (la chaîne qui proposait déjà Spirited) avant la fin de l'année. Et sur le câble/satellite s'il vous plait, donc avec une certaine liberté.

Il faut cependant noter que, si les rediffusions de Prisoner, 30 ans après, continuent de faire des audiences très décentes, le public est forcément un peu réticent à l'idée d'avoir droit à un remake. La série marche donc sur la corde raide et est attendue au tournant.
Mais à l'heure où notre Ozmarathon est en pause (conséquence indirecte du Black March), je vous avoue que la perspective d'une nouvelle série carcérale me réjouit. Hélas, la conséquence directe du Black March, c'est que je n'ai jamais cagoulé d'épisode de Prisoner et que maintenant ça va devoir attendre le mois d'avril...

4 mars 2012

[DL] Miss Fisher’s Murder Mysteries

BlackMarch

Je confesse que, sachant que Black March imminent, je m'étais gardé quelques séries en réserve, et notamment des pilotes. L'idée était de ne rien cagouler de plus ou de moins, simplement de faire preuve de patience avant de déballer certains épisodes, histoire que la protestation ne se transforme pas en privation (le plus sûr moyen de ne pas tenir mes engagements).
C'est ainsi que Miss Fisher’s Murder Mysteries fait partie des pilotes dont j'ai bien l'intention de me régaler plus tard ce mois-ci, bien que la scène d'ouverture soit très sympathique, et le générique très alléchant.

MissFishersMurderMysteries
Note : lien valable 30 jours minimum. Je reuploaderai si le lien est mort, mais seulement si vous postez un commentaire pour me prévenir !

Et puis franchement, comment résister au charme d'Essie Davis ? Le générique montre clairement qu'une grande emphase sera mise sur la présence de cette superbe actrice ; outre l'ambiance musicale délicieusement cliché et le côté exagérément rétro, on sent bien que les images mettant en avant son regard bleu et ses pommettes saillantes virent quasiment au culte de la personnalité. Pas moi qui vais m'en plaindre.

En attendant de regarder l'épisode, donc, voici un plutôt bon générique à se mettre sous la dent.

3 mars 2012

We are the 80s

BlackMarch

C'est bien souvent pour des raisons assez fallacieuses (genre : pas de vraie source d'information sur le long terme) qu'on ne vous parle pas beaucoup de télévision russe. C'est un tort que je m'en vais aujourd'hui réparer, et profitez-en bien, on ne sait pas quand sera la prochaine fois.

Pour que des news nous parviennent au sujet de la fiction russe, il faut qu'il se soit VRAIMENT passé quelque chose. Des séries russes, il y en a, pourtant, comme vous le prouvera rapidement un clic dans les tags de ce post, se référant à Kak ia Vstretil Vashu Mamu, Interny, Maia Prekrasnaia Niania, Shkola... ou plus anciennement Vyzyvaem Ogon na Sebya. Je vous l'accorde au vu du nombre de tags que je peux vous suggérer, je ne parle pas de télévision russe souvent non plus. C'est un tort. Faudra que je tente un post sur le pilote de Tcherkizona un jour, tiens.
Le problème c'est donc que pour le moment, c'est pas facile-facile de mettre le grappin sur des infos les concernant, ces séries, même si elles existent, preuve en est faite. La Russie est un peu comme les pays arabes avec ses fictions : pas très motivée quand il s'agit de sortir de son cercle linguistique. Et entre nous soit dit, puisqu'on est en petit comité, le matériel promotionnel des séries russes est souvent très moche et pas très attractif (il parait que dans la plupart des pays occidentaux, le jaune est considéré comme une couleur cheap, eh bien en Russie apparemment non, à commencer par la chaîne STS). Et je le prouve.

Vosmidesiatye
Aujourd'hui on donc va parler de Vosmidesiatye (soit, donc, Восьмидесятые si vous savez déchiffrer le Russe ou que vous voulez vous y mettre, un titre de série à la fois ; eh, faut bien commencer quelque part), une dramédie qui, comme son nom l'indique, se déroule dans les années 80. Si je vous le dis.

Et si j'ai entendu parler de Vosmidesiatye, lancée le 30 janvier dernier sur STS (qui a diffusé ses 12 épisodes d'une demi-heure en quotidienne, à 19h30), c'est parce qu'elle a fait des audiences assez spectaculaires en prime time où elle a atteint des scores record le soir du pilote, du genre 23% de parts de marché en général, et 20% sur la cible ô combien privilégiée des 14-44 ans. La série a permis à STS de prendre la pôle position dans cette case horaire aussi bien sur la région de Moscou qu'au niveau national, et c'est apparemment un exploit parce que mes sources soulignent toutes ce fait (pour ce que j'y connais en audiences russes, hein, je vais pas m'amuser à contester...). Avec Dnievnik Doctora Zaitsevoi, une comédie romantique en milieu médical, la série a ainsi permis à STS d'améliorer sensiblement ses audiences de ce début d'année, notamment sur la tranche des 16-54 où la chaîne est passée 2e (il semblerait que la chaîne occupait la 4e place sur la même période en 2011).

Bon tout ça c'est bien gentil mais ça ne nous dit pas grand'chose de l'intérêt de Vosmidesiatye, à plus forte raison parce que Dnievnik Doctora Zaitsevoi se ramasse des remarques lapidaires sur l'une des rares sources anglophones que j'ai trouvée à son sujet, et que, de toute façon, c'est bien connu, les audiences ça ne nous dit rien sur la qualité intrinsèque d'une série. J'ai donc pris sur moi de cagouler le pilote de Vosmidesiatye, que je me suis ensuite mis sous le coude en attendant le Black March, et, eh bien, on est en mars.

Sur fond de bande-son très typique des années 80, limite stéréotypée, Vosmidesiatye suit Vania Smirnoff, un jeune étudiant qui, en 1986, quitte le foyer de ses très modestes parents, et commence à prendre son indépendance en s'installant dans le dortoir de son université. Outre le temps qu'il passe avec son copain Sergei et son nouveau camarade de chambre Boris, il y découvre aussi l'amour, ou du moins essaye, avec la très jolie (ce sur quoi je suis assez d'accord) Inga, une jeune femme un rien prétentieuse, mais pas méchante, venue d'un milieu aisé et qui a connu la vie à l'Ouest.
Evidemment ses sentiments ne sont pas partagés, sinon ce serait trop facile. Cela devrait se compliquer, à en croire le site officiel de la série, quand une dénommée Katia va débarquer dans la série, mais dans le pilote, pas de Katia en vue.
A la différence socio-culturelle, il faut ajouter que Vania est l'un de ces personnages qui cumulent maladresse et poisse. Dans le pilote, cela s'illustre par exemple alors que la fac entière se retrouve pour célébrer l'installation dans les dortoirs de l'université, et que notre Vania se retrouve coincé dans un ascenseur avec la gardienne de l'immeuble (aisément) quincagénaire, pendant que ce dragueur de Sergei approche Inga. On est pas dans la comédie grossière à laquelle on pourrait s'attendre dans pareille situation caricaturale, mais on ne peut pas dire que les troubles de Vania soient hilarants ou touchants non plus. Cela dit, la conclusion de la scène mettant en parallèle Vania tentant de sortir de l'ascenseur avec l'aide de la gardienne, et Sergei approchant Inga m'a fait sourire un instant.

Peut-être qu'en réalité, l'intérêt de Vosmidesiatye tient dans le fait que la famille Smirnoff ne se résume pas à Vania. On passe ainsi du temps avec ses parents, qui, tout en essayant de prendre leurs distances avec leur fils aîné qui le leur réclame de façon un peu violente (limite crise d'adolescence en retard), continuent leur petite vie avec leur plus jeune fils Misha, âgé d'environ 5 ou 6 ans. Ca n'a rien d'épatant en soi, entre le dîner avec Kolia (l'oncle de Vania) ou les aventures pour déménager les affaires de l'étudiant, mais ils sont assez touchants quand même, ces deux-là, et surtout, ils ont un côté ordinaire qui permet de se mettre plus facilement dans la peau d'un Russe des années 80.

Difficile de nier dans tout ça que Vosmidesiatye vaut principalement pour son côté nostalgique plutôt que par ses intrigues ; mais sa nostalgie, la série la tire de quelque chose de relativement réaliste, et c'est une plutôt bonne nouvelle. Le plus grand mérite de la dramédie est probablement d'essayer d'associer son propos un peu simpliste et idéalisé sur les années 80, auquel on s'attendait forcément un peu, avec une envie de ne pas non plus en rajouter dans les stéréotypes tels qu'une série américaine se plairait sans doute à les montrer, à grand renfort de couleurs flashys, ou de tenues et de coiffures impossibles. Il faut dire qu'évidemment, la situation des deux pays à ce moment-là n'est pas la même, mais enfin, idéalisme nostalgique pour idéalisme nostalgique, ça aurait quand même pu être pire.
Le choix de montrer des personnages en général pas très riches permet ainsi de rappeler des détails qui, à coup sûr, feront sourire les Russes qui, comme Sergei, ont eux aussi utilisé de l'eau sucrée pour remplacer le gel pour les cheveux, par exemple.

En cela Vosmidesiatye accomplit quand même bien sa mission de voyage dans le temps, et ça se sent au niveau de la photographie.

Pas facile d'avoir un peu d'intimité à la maison On est d'accord, donc : Inga est mignonne Sergei, charmant copain au demeurant, mais ptet un peu trop justement Vue de l'ascenseur Papa et Maman Smirnoff

Alors au final, Vosmidesiatye n'est pas une immense réussite qui va vous convaincre que la télévision russe regorge de merveilles (pourtant il y en a, forcément il y en a !), mais c'est quand même une petite série honnête, un divertissement familial pas abrutissant même s'il ne promet rien, au vu de son pilote, de révolutionnaire.
Suffisamment sympatique en tous cas pour faire des audiences extraordinaires, après tout, et finalement peut-être que, si ça ne nous dit rien sur les qualités d'une série en termes de narration, d'interprétation ou de production, ça signifie quand même un peu quelque chose.

2 mars 2012

Larmes de craie

BlackMarch

Cela faisait... pfioulala ! Tout ça ? Eh oui, un an, quasiment jour pour jour d'ailleurs, que je n'avais pas proposé de post Comme au cinéma. Mais Detachment étant le seul film que j'avais cagoulé récemment et pas encore vu, le mois de Black March semblait particulièrement propice à une découverte cinématographique, histoire de changer un peu. Alors allons-y.

C'est quoi le nom du film ? Detachment
C'est plutôt quel genre ? Agonisant
Qui on connaît là-dedans ? Derrière Adrian Brody, qu'on attend de voir un jour dans une série, et par "on" je veux dire moi (si possible sur le câble s'il vous plait merci), il y a un cast bien connu des téléphages, avec Christina Hendricks (Mad Men), Lucy Liu (Ally McBeal, Southland), James Caan (Las Vegas), Blythe Danner (Huff, Presidio Med), et même une ptit bout de William Petersen (Les Experts) et Bryan Cranston (Breaking Bad), essentiellement présents pour la beauté du geste.
Ça date de quand ? 2011
En résumé, de quoi ça parle ? D'un prof remplaçant qui arrive dans un nouveau lycée.

Henry Barthes, narrateur désabusé ou témoin blasé ? Le dernier coup de fil Directrice-caméléon Carnets de correspondance anonymes I go ahead and smile

En moins résumé, de quoi ça parle ? Henry Barthes est un enseignant en littérature qui doit faire un remplacement de quelques semaines à peine dans un lycée. Il est à un moment difficile de sa vie, ce que les joies du métier d'enseignant comme le hasard ne vont rien faire pour arranger.
Et ça finit comment ? Avec un happy end (et pour tout dire on n'y croyait plus).

Pourquoi c'est bien ? Parce que si même dans un film pourri (voir aussi : Splice), Adrian Brody est relativement bon, alors dans un bon film, vous pensez si on se régale ! Et puis surtout parce que le film évite de se percher du haut d'une boîte à savon pour prêcher la bonne parole, et essaye plutôt de nous plonger dans la réalité du métier d'enseignant en nous incitant à l'expérimenter de façon intime, en goûtant au dégoût montant de ses personnages, sans jamais totalement faire passer les étudiants pour des monstres, des étrangers ou des numéros. C'est donc un film profondément honnête ; il a un message, c'est évident, et il y a de la dramatisation, c'est sûr, mais il parvient, notamment parce qu'il joue également sur plein d'anecdotes et de petites chroniques (hélas) ordinaires, à ne pas tomber dans la caricature, ou très peu. Cela tient aussi beaucoup au fait que son personnage ne se prend pas pour Michelle Pfeiffer et ne se met pas en tête qu'il va sauver ses élèves. J'ai également beaucoup apprécié la réalisation, qui a un côté très observateur et neutre un instant, et plonge soudain dans des plans, voire même des effets de style, pour renforcer le côté subjectif de certaines scènes ; et en-dehors de ses tâches rouges comme autant de signaux d'alerte, la photographie reste aussi très sobre et froide. En somme, c'est un film qui parvient admirablement bien à mêler ses deux objectifs, à savoir raconter quelque chose de fictif, et le décrire de façon documentaire.
Pourquoi c'est pas bien ? Personnellement, l'intrigue de Barthes relative à sa famille, je m'en serais passée. Elle était bonne, en un sens, parce que bien écrite et bien menée, émouvante même, mais j'avais l'impression en voyant ces scènes que le script original avait forniqué avec n'importe quel autre scénario de film sur les douleurs de son personnage central, et que dans ces scènes-là, Detachment était leur bâtard. On s'en passerait bien. Ca ajoute de l'épaisseur au personnage bien-sûr, mais, limite, trop. L'histoire avec la jeune prostituée, oui. L'enfance, le suicide de la mère, le grand-père en fin de vie, pas trop, non.

Ah, les joies du cinéma ! Avoir 16 ans, auditionner pour un film se déroulant dans un lycée... et finir pute. C'est ça aussi, les joies du cinéma.
La réplique qui tue : "Some of us believe that we can make a difference. And then sometimes we wake up, and only realize we failed". Et ils reviennent échouer chaque matin. Mais au fait, c'est pas ça, la définition de la folie ?
La scène qui tue :
Il y avait pas mal de scènes de qualité dans ce film, dont j'aurais pu vous fournir l'extrait, avec des passages très pertinents, des analyses intéressantes du sentiment des professeurs, ou simplement des passages gorgés d'émotion (en particulier, une scène avec Lucy Liu m'a énormément touchée), mais finalement j'ai choisi celle-ci. Attention, elle correspond à un SPOILER, vous pourrez pas dire que j'ai pas prévenu. Mais un spoiler minime, je trouve.
La proviseur, Carol Dearden quitte son poste et quelqu'un d'autre va prendre sa place. Elle n'est pas spécialement aimée, ni par les élèves, ni par le corps enseignant qui en a vu défiler d'autres et qui ne croit pas plus en elle qu'en autre chose. Mais à l'heure du déjeuner, elle les a rassemblés dans l'auditorium pour un dernier speech, pendant que dehors, les élèves ont droit à une pause plus longue qu'à l'ordinaire. Alors ils sont là, ramassés dans cette salle mal éclairée, assis en silence, et ils attendent. Et j'ai trouvé ça incroyablement fort de les voir, comme réfugiés dans leur dernier bastion, ensemble, alors qu'on imagine le reste du bâtiment continuer de vrombir de l'activité de ses élèves, et ils sont là, bienveillants quand même, prêts à écouter sans trop y croire un discours supposément fort de cette femme à ses troupes, tel le général qui devrait leur parler d'avenir, ou leur rappeler les batailles menées côte à côte, et qui finit... bah, comme ça. C'est l'intégralité de la scène. Et c'est terrible.

Detachment___Extrait
Bon alors, Black March, machin, tout ça... donc exceptionnellement : Youtube.

Une note ? CagoulesCagoulesCagoules
Comme je n'ai toujours pas créé de demi-cagoule en complément (et, rendons-nous à l'évidence, ça ne se produira jamais depuis le temps que j'en parle), seulement trois cagoules sur cinq pour ce film (parce que sur l'échelle The Fall, il n'en méritait quand même pas quatre). Les quelques choses que j'ai à lui reprocher lui auront cruellement coûté, en dépit de ses grandes qualités.
Bilan : Je me rappelle avoir lu dans Tant qu'il y aura des élèves une réflexion qui en gros disait ceci : tout le monde s'autorise à disserter sur l'école, on se sent tous qualifiés pour en parler parce qu'on y a tous été. Et c'est vrai que les parents d'élèves, les élèves, les voisins, la boulangère, et évidemment les politiques, tout le monde parle de l'école, de l'éducation, du métier de profs, comme si on savait ce que tout cela signifiait. Tout le monde a une opinion.
Mais dans ce concert de doigts pointés et de yakafokons, de grandes réformes magistrales et de petites phrases, la voix qu'on entend de moins en moins, c'est peut-être celle des profs. Pas la voix dans le mégaphone les jours de manifestation (les médisants trouveront qu'entendre cette voix si souvent dans l'année, c'est déjà pas mal), mais la voix un peu éteinte de celui qui retourne faire son boulot tous les matins avec une boule au ventre. Detachment est cette voix-là.
Et ça se sent clairement, d'ailleurs, parce que le film, s'il a évidemment des aspects dramatiques évidents, flirte quand même énormément avec le documentaire, comme je l'ai dit.
Mais à la fin, le titre me pose problème. Détachement ? Pourtant, non, pas vraiment. Désenchantement, découragement, désoeuvrement : c'est certain. L'envie d'essayer de se détacher, peut-être, à la grande rigueur. Mais pas de détachement total. Ils n'y croient plus mais ils viennent encore, ils essayent encore ; certains jours plus que d'autres, certains jours en trainant plus la patte que d'autres, et probablement que ça ne va pas s'arranger avec le temps et les couloirs vides le soir des réunions parents/profs. Mais ce sont tous de braves petits soldats qui continuent de donner tout ce qu'ils ont, même s'ils ont de moins en moins à donner. Ils grognaient, mais ils enseignaient toujours.
Même le personnage de Brody, Barthes, qui semble tellement noyé dans ses propres douleurs et dans les questions qu'il essaye d'éviter de se poser sur ses origines, ne peut s'empêcher de prendre sous son aile une petite ado perdue, ou de consoler une autre qui a vraisemblablement besoin d'être écoutée. De se lancer dans un cours passionné, d'encourager le talent d'une jeune artiste. D'admirer le travail d'une collègue, de se lier à elle. De prendre sa sacoche et de tout recommencer dans un autre établissement dés la mission d'après.
Et non seulement les protagonistes ne sont pas dans le détachement, aucun, mais en plus il est impossible pour le spectateur non plus de ressentir un quelconque détachement. Tant mieux, c'est l'effet recherché. Si bien que le happy end (tout relatif, c'est vrai) du film parait déplacé vu le reste de son contenu. On a trop eu mal, on a trop été découragés, pour vraiment sourire totalement de bon coeur à la fin.

On ne vient pas pour qu'on nous dise que c'est bon, c'est réglé, quelqu'un a trouvé la solution. On vient pour réfléchir pendant une heure trente à ce qu'on sait de l'école, et vous savez quoi ? Bah on n'en savait pas grand'chose. Si, mais en fait, non. Une fois qu'on a ressenti ce désoeuvrement, difficile de revenir à la normale sans y réfléchir encore un peu. C'est en cela que Detachment n'est pas juste un film et que ses emprunts au genre documentaire (la réalisation, les apartés de Barthes...) lui donnent un côté si réaliste et nécessaire.
Mot-clé : nécessaire.

2 mars 2012

Black March : ah oui tiens, et, au fait, pourquoi ?

BlackMarch

Nan parce qu'on déconne, on déconne, mais le Black March c'est pas juste un défi, comme ça, pour voir si on a de la volonté, pour se tester et ne pas télécharger alors que c'est possible (ô combien). J'ai déjà tenté le défi du "nan mais je vais pas télécharger pendant une période définie", au fait. Je sais que je le peux (au moins une semaine). Je n'ai rien à prouver.

Sauf qu'il ne s'agit pas simplement de ne pas télécharger : il s'agit de ne rien acquérir, ni légalement ni illégalement. De refuser de consommer des produits culturels pour montrer qu'à un moment, ça commence à bien faire d'être pris pour des... nan mais vous savez quoi, on va rester polis, en fait.
Outre l'évidente diète que cela implique, surtout pour quelqu'un qui tutoie tous les vigiles de la FNUC du coin et qui passe plusieurs heures par jour à écrire et réfléchir sur ce qu'elle passe plusieurs heures par jour à regarder, c'est donc avant tout un acte de revendication. Ou de désespoir.
Ou des deux.

Concrètement, on pourrait réduire la problématique à la suivante : le téléchargement VS l'achat légal.
Ce n'est pas tout-à-fait ce que couvre le Black March, il faut le noter : il s'agit plutôt de manifester le mécontentement de consommateurs qui se sentent pris pour des vaches à lait sans option légale satisfaisante pour accéder à des contenus, et qui voient le système répressif s'accentuer sans contrepartie aucune. La nuance a son importance.
Mais la pomme de discorde peut en gros se résumer à ce problème de l'illégalité contre la légalité.

Evidemment le sujet du téléchargement est vaste. Et, même si j'ai pu l'aborder plusieurs fois par le passé dans ces colonnes, je voulais le faire de façon aussi complète que possible, car les débats récents soulevés par le Black March (de façon plus ou moins explicite), avec différents interlocuteurs et sur divers supports, m'ont fait réfléchir à ma position sur pas mal d'aspects du téléchargement, parfois pour la réviser... et souvent non, il faut bien le dire.
Alors pour évoquer cette question sous un maximum d'aspects, je me suis assuré l'aide d'un producteur de télévision qui interviendra au cours de ce post, j'ai nommé : feu Stephen J. Cannell. A charge pour lui de se faire (selon les points de vue) l'avocat du diable ou au contraire la voix de la raison.
J'espère que je n'aurai pas à payer de droits sur l'utilisation de sa photo, mais en même temps, vu que les lois contre le téléchargement se foutent comme de leur première lettre de mise en demeure des copyrights dans le domaine photographique, je ne me fais pas trop de soucis.

Mais d'abord, commençons par le début : pourquoi je télécharge ? Parce que, oui, j'achète, c'est sûr. Mais je télécharge aussi. Alors pourquoi ?

Je télécharge parce que je ne peux pas me permettre financièrement d'acheter TOUT ce que je regarde.

Cannell_1

Merci Stephen, c'est très vrai. Je me rappelle d'ailleurs qu'à l'époque où je n'avais pas d'argent pour manger, je m'en passais aussi. Comme quoi il n'y a pas de vrai besoin fondamental dans la vie, ce n'est qu'une construction de l'esprit.
Dieu merci aujourd'hui, je n'ai plus à faire ce sacrifice et je peux me payer un deux pièces pas dégueulasse en proche région parisienne (ça n'a l'air de rien mais ça coûte quand même un méchant bras), de quoi remplir un frigo rhétorique (parce qu'en réalité j'ai pas encore de quoi me payer un frigo, mais en tous cas je mange à ma faim), et 2 ou 3 DVD ou livres à la fin du mois quand ya pas eu de tuile. Je n'ai hélas pas souvent le budget pour plus. J'ai déjà de la chance, dans mon entourage tout le monde ne peut pas consacrer autant.
En fait je ne devrais pas appeler ça un "budget culture", mais plutôt "somme rescapée à la fin du mois", parce que si je veux être totalement honnête, entre une visite chez le médecin (plus les médicaments) par-ci, ou une facture un peu plus corsée que d'habitude par-là, mon "budget culture" se calcule en regardant le nombre d'euros qui me séparent du découvert à la fin du mois, quand le reste est payé. "Mon budget culture" a, soyons honnêtes, remplacé le concept d'épargne. En gros, je ne suis pas SI privilégiée. Mais voilà, j'aime bien acheter quand même, alors déjà, j'ai fait un choix. Je ne cherche pas les médailles en disant cela, mais c'est aussi ça la réalité du consommateur, Stephen, et c'est ptet pas complètement idiot de le rappeler. Oui, une Porsche à 10 000 euros, on peut considérer que ce n'est pas cher pour ce que ça vaut, mais c'est encore trop cher pour la plupart des budgets, si tu veux, et faire mine de l'ignorer, et exiger que les gens déboursent de l'argent qu'ils n'ont pas, ce n'est pas une façon de réfléchir qui fait avancer le Schmilblik.

Et pourtant je télécharge. Je télécharge parce que soyons honnêtes, je suis une passionnée et j'ai de GROS besoins, comme ces gens au métabolisme capricieux (j'ai une cousine comme ça) qui ont besoin de faire 5 repas copieux par jour, juste pour ne pas tomber d'inanition.

La vérité c'est que je pourrais consommer moins, évidemment.
Après tout, la passion pour les séries télévisées, ce n'est pas la même chose que la faim, la vraie. On peut comprendre qu'on vole à manger, mais voler de la culture ? La culture n'est pas une nécessité pour vivre, si ?
Mais c'est aussi là qu'on touche à quelque chose qui me semble important : la culture ne devrait pas être optionnelle.
Regarder des séries, cela ne forme évidemment pas l'alpha et l'omega de la culture, mais cela en fait partie (et puis c'est difficile de se poser en artiste volé si on n'accepte pas que la télévision soit de la culture, ya une histoire de beurre et d'argent du beurre, littéralement). Mais cela peut s'appliquer à tout ce qui est téléchargé : cinéma, musique, livres... et si on commence à dire qu'on n'a pas à espérer avoir accès à la culture qu'on ne peut pas acheter, on commence à tenir des propos qui me dérangent énormément, Stephen. Parce que sans téléchargement, on laisse quoi comme option aux gens ? Le bombardement par des chaînes comme TFhein d' "oeuvres" qui sont rentables, et donc par définition, s'adressent au plus petit dénominateur commun. Si on n'admet pas que les gens aillent chercher plus loin que ce qu'on leur enfourne dans le bec à coups de rotation lourde sur les stations de radio musicales, et de diffusion charcutée les grandes chaînes de télévision, on détruit même le concept de culture pour tous. On admet que la culture n'est pas accessible à tous. Et c'est une idée qu'on pouvait faire semblant d'accepter sur le principe jusqu'au siècle dernier, et avant internet, mais qui aujourd'hui n'est plus acceptable une seule seconde, parce qu'on sait qu'en téléchargeant illégament, on pourrait avoir accès à la culture. Alors pourquoi accepter de rester dans l'ignorance ? Que se passe-t-il, Stephen, si les séries qui passent à la télévision, je ne les aime pas ? C'est TFhein sinon rien ? Que se passe-t-il, Stephen, si la musique que j'aime, aucune radio ne veut la diffuser ? C'est Lady Gaga ou le silence ? Je me prive de télévision et de musique ? Parce que je n'ai pas l'argent de faire autrement ?
La culture, c'est une façon de s'éduquer au monde. Et l'éducation, on est tous d'accord pour dire qu'on devrait ne pas dépendre de ses ressources financières pour y accéder, non ?
La variété de l'offre culturelle devrait être inscrite dans la Constitution, selon moi. Mais on m'écoute jamais quand il s'agit d'amender la Constitution.

Et puis, pour être tout-à-fait honnête, Stephen, toi et tes congénères (les vivants, en particulier, qui manifestent une plus grande cupidité) n'avez pas vraiment envie que je consomme moins. Vous n'avez pas vraiment envie que je réduise ma consommation, particulièrement dans le milieu de la télévision ou, comme dans celui du tabac, on espère bien que je vais avoir envie de toujours plus de paquets de cigarettes par jour, quitte à taper une clope à droite ou à gauche, et certainement pas que j'apprenne à être une fumeuse occasionnelle.
Soyons francs : la télévision fait ses thunes sur la quantité d'épisodes vus et sur l'appel d'air que cela induit lorsqu'une série s'arrête et qu'une autre commence. Du jour où un fan de séries se dit "ouais, bah tu sais quoi, après Buffy j'ai jamais vraiment pu accrocher à nouveau à une série", il est perdu pour l'industrie ; quand une personne est prête à regarder toujours plus, c'est là qu'elle est intéressante, comme en témoigne la multitude de spin-offs pour des séries procédurales qui ont pendant une bonne et large décennie bien profité ouvertement de ce phénomène jusque là exploité avec plus de discrétion. De la même façon que l'industrie agro-alimentaire rajoute du gras et du sucre pour donner envie aux gens de plus de gras et de sucre, et les gens qui fabriquent des séries espèrent bien que mon appétit ne va pas être satisfait de si tôt, et que je ne vais pas un seul instant envisager de consommer moins.
C'est le jeu, Stephen. Je ne me plains pas. Je sais que je suis encouragée dans une certaine forme d'addiction et que ça fait tourner ton industrie. Je pars du principe qu'à ce stade, c'est un crime sans victime : toi et les tiens faites votre beurre, et moi j'ai mon content de séries, et c'est un de mes péchés mignons comme d'autres ont l'alcool ou le shopping, finalement. Nous sommes, sur le plan de l'encouragement à l'addiction, deux entités adultes et consentantes, bien qu'un peu co-dépendantes.

Le problème c'est évidemment que, toi, Stephen, tu as une super série à me vendre... mais que ton copain JJ aussi, et son colocataire Joss tout pareil, sans parler de leur voisin d'à côté Bryan, ou de la sympathique Theresa qui occupe la maison d'en face. Et je ne peux hélas pas subventionner tout le quartier. Je l'ai dit, quand j'ai un budget culturel à la fin du mois, il ne dépasse pas 3 DVD ou livres, et ça inclut alors tous mes loisirs... or il s'avère que j'en ai plusieurs : séries, films, jeux videos, autobiographies, essais et ouvrages divers, DVD de Jmusic (j'ai la chance de ne pas être attiré par les CD), entre autres.
Du coup je suis obligée de faire un truc qui vous déplait beaucoup, à toi et ton voisinage : je fais des choix. En avril ce sera un coffret de la série de James et Glenn, par exemple, pas la tienne. Tu n'es pas le centre du monde, Stephen, j'ai des préférences et des priorités, et tu n'étais pas tout en haut de ma (longue) liste de séries à acquérir. Je vais probablement télécharger ta série, du coup. Et ça, c'est autant d'argent que, de ton point de vue, tu n'auras pas. Je ne l'avais pas, Stephen, mais ça te fait enrager que tu ne le gagnes pas.

En fait, Stephen, tu ne veux pas que je "m'en passe", de ta série, surtout pas ; ce n'est pas très honnête de me suggérer de me passer de quelque chose que toute ton industrie met tellement d'énergie à me vendre (et je ne me lance même pas dans la question des produits dérivés que ça ne te dérangerait pas que j'achète en plus). Tu veux juste que je la paie légalement, ce que je conçois. Simplement je ne le peux pas, en l'état actuel des choses.

Mais il y a un autre problème, Stephen. C'est que ta série, pour les besoins de la démonstration, vient de commencer aux USA. Et que même si je voulais vraiment débourser une part de mon budget culture, il n'y a tout simplement rien à acheter. Je la télécharge parce que c'est, à ce jour, la seule façon de voir ta série.

Cannell_2

Stephen, c'est absolument vrai. Et largement commenté, là aussi, dans divers post de ce blog : internet nous a donné les outils pour prétendre que nous pouvons tout regarder à tout moment. Et encore, moi je télécharge mes épisodes, il y a des gens qui vivent encore plus dans l'immédiateté et qui regardent en direct et en streaming au beau milieu de la nuit (et c'est pas plus légal).
On vit tous à présent, ou presque tous, dans le mythe que si une envie nous tombe dessus de regarder tel ou tel épisode, c'est possible à peu près dans l'heure. C'est ce qui fait que certains ont décidé de ne pas suivre le Black March, d'ailleurs : il y a telle série qui passe et ils ne veulent pas avoir à s'en priver jusqu'en avril. Un mois leur semble insurmontable. Toute ton industrie tournée vers l'encouragement de l'addiction a donc très bien fait son job, Stephen, et j'en profite pour tous vous saluer.

Y a-t-il un manque à gagner pour toi ? Non. Est-ce légal ? Non plus. D'ailleurs ça peut rester vrai pendant des mois, comme le rappelle l'excellent comic dédié à Game of Thrones de the Oatmeal.
Et encore, Game of Thrones a été choisie pour arriver en France par une chaîne française. C'est effectivement une question de patience, après tout.
Mais qui a acheté les droits de Reed between the Lines en France ? Personne. Ce n'est pas la culte de l'immédiateté qui est le seul à mettre en cause.

Au final, on est tous bien emmerdés.

Peut-être que si je pouvais acheter à un tarif décent (voir aussi : "budget culture") des épisodes rapidement après leur diffusion aux USA, les choses seraient différentes. Je crois par exemple énormément dans la licence globale.
Rappelons, et ce n'est à mes yeux pas du tout anodin, que ce que l'on reproche aux mecs de MegaUpload, c'est d'avoir proposé la licence globale à toute la planète sans mettre les artistes dans la boucle ; en gros, les dirigeants de MegaUpload s'en sont mis plein les fouilles en faisant ce que les majors se refusent à faire depuis des années, alors que la licence globale, ça fait des années qu'on essaye de leur suggérer !
Parce que MegaUpload a compris qu'on ne peut pas faire comme si ce monde d'immédiateté, pourtant, n'existait pas. Et tu ne peux pas exiger de moi, Stephen, que j'ignore la possibilité de regarder ta série le lendemain de sa diffusion, et en VO, pour la modique somme de quelques heures d'électricité. Ce n'est peut-être pas légal, mais c'est POSSIBLE, et tu ne peux pas le rendre impossible. Mais le modèle de MegaUpload (ainsi qu'en attestent les listes, dressées avec un enthousiasme juste un peu pervers par les médias, de voitures et de demeures, comme si les patrons de majors ne vivaient pas dans un luxe similaire) prouve que nous ne cherchons pas à avoir tout de façon gratuite. Les consommateurs sont prêts à payer.
Simplement, ils sont de plus en plus nombreux à ne pas être prêts à payer les tarifs pratiqués par les majors, à l'unité, avec des catalogues restreints, et des DRM en pagaille comme si on pouvait acheter le droit de louer un épisode pour plus cher que si on achetait le DVD (qu'en plus on a de fortes chances d'acheter quand même ultérieurement). Peut-être que si le modèle de MegaUpload avait été adopté plutôt par Universal, mettons, on n'en serait pas là... et je ne parle pas de la situation de Kim Dotcom et de ses copains, mais bien de la nôtre, à nous tous.

Mais, Stephen, il y a encore pire.

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Si.
Parce que le téléchargement illégal a DU MERITE. Je sais, ça parait invraisemblable.

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Bon alors, là, non, je t'interromps, Stephen, c'est juste pas possible. Je peux pas te laisser dire ça. Le téléchargement n'est pas du vol.
Quand tu as une histoire dans la tête et que je t'écoute raconter cette histoire, et qu'ensuite je me répète cette histoire dans mon coin, je ne la vole pas. C'est le propre de quelque chose d'immatériel : cela t'appartient toujours, mais se transmet. Du moment que je n'en dépose pas le brevet ou que je ne la vends pas à un autre, je n'ai rien volé du tout et ton histoire est toujours ton histoire. Et tu peux la faire breveter, tu peux la raconter à quelqu'un qui te payera pour la raconter, tu peux l'écrire ou l'enregistrer puis faire payer pour le support écrit ou audio ou video, et d'avoir adopté cette histoire dans un coin de ma tête, de me la raconter pour me divertir, ce n'est pas du vol. Tu peux considérer que mon devoir est de ne me rappeler de cette histoire que tu as à raconter qu'en achetant le support sur lequel tu as trouvé le moyen de la commercialiser. Mais tu ne peux pas dire que je te vole cette histoire, c'est inexact.
On vole un DVD, un livre, quelque chose qu'on peut mettre dans une poche ou un sac. Pas une histoire, pas un fichier. C'est une contrefaçon, tout au plus.

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Une fois encore c'est entièrement vrai, Stephen. C'est tout justement là qu'on touche à un sujet compliqué. Le coeur du problème est évidemment là, dans les questions financières.

De l'argent, tu en as reçu, rappelons-le, avant même que la série ne soit diffusée dans ton pays d'origine, en réalité. Et si c'est compliqué, c'est parce que d'un côté, tu as déjà été payé pour ton travail, et que d'un certain point de vue, cela devrait suffire ; mais d'un autre côté, c'est vrai que si ta série remporte un énorme succès par la suite, c'est normal que tu touches de royalties après la diffusion, et sur les ventes de DVD notamment.
Tu as déjà été payé une fois, donc. Alors, pourquoi les royalties ? Pourquoi devrais-tu toucher de l'argent APRES avoir gagné la somme initiale stipulée par ton contrat initial ? On pourrait se le demander. De la même façon que mon boulot me paye à venir faire mon boulot, et rien de plus, on pourrait se dire que chacun a rempli sa part du contrat et que ça s'arrête là. Et que, si j'ai créé, mettons, un système d'organisation dont on se servira même une fois que j'aurai changé de bureau, eh bien c'est absolument le même tarif, et que c'est même dans l'ordre des choses. Je laisse à la postérité la joie de bénéficier de ce que j'ai créé pour une somme initiale non-renégociable.
Pourtant les royalties sont une bonne chose pour un artiste. Si le contrat d'origine stipule que tu gagnes, mettons, $5 000 pour créer ta série, et qu'ensuite, la série se vend incroyablement bien en DVD, Blu-ray et VOD, eh bien tu n'en vois pas la couleur, de tout cet argent. C'est le distributeur qui s'en met plein les fouilles, et ça, ce n'est pas juste. Je comprends donc le concept de royalties. Et comprends bien que, pour qu'il y ait des royalties et que le système fonctionne, il faut que les gens achètent le DVD, le Blu-ray, ou le fichier via la VOD.
Il y a un autre soucis d'ailleurs. Pour que tu sois payé lorsque tu signes ton contrat (les $5 000 de départ), il faut que ton industrie fournisse de l'argent pour ton projet. Et il faut que ton projet soit suffisamment rentable pour que quelqu'un investisse ensuite dans le projet suivant. Il faut bien qu'il y ait des rentrées d'argent. Et pour cela, il faut bien qu'il n'y ait pas que des gens qui téléchargent illégalement. Je le comprends tout-à-fait.
C'est bien pour ça que je dis que c'est compliqué.

Je ne prétends donc pas qu'il faille une gratuité totale. Je dis juste que l'offre n'est pas en adéquation avec la demande, ni avec les moyens financiers de la demande. Comment expliquer que, en une période de crise, il faille supplier les majors (qui pourtant peuvent plus se le permettre que les indépendants) de baisser leurs tarifs ? Pourquoi les prix ne baissent-ils pas, ou si peu, alors que le pouvoir d'achat est un problème dans la plupart des pays du monde ?

Le problème, c'est bien que les choses ne peuvent plus fonctionner comme avant internet et son maudit culte de l'immédiateté et de la variété de l'offre culturelle.

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Bah, mon Stephen, presque.
Parce que pour presque conclure (bientôt, promis) ce n'est pas du vol, quand je télécharge, c'est aussi souvent que possible, un emprunt. En fait, la valeur de test du téléchargement me pousse ensuite, j'ose le dire, à faire de véritables investissements. Je fais la démarche de télécharger non par pingrerie, mais, en grande partie, parce que la découverte me permet ensuite de faire la démarche d'acheter ce dont je n'aurais pas eu envie de faire l'acquisition autrement, n'en connaissant pas le contenu, la qualité, l'intérêt.

Parlons concrètement. Rien qu'en 2011, outre mes achats de DVD "normaux", j'ai dépensé un peu plus de 200 € dans des coffrets de séries qui ne sont pas, et ne seront probablement jamais, commercialisés en France. Nommément : Mesudarim, The Circuit, Capitu, Koselig Med Peis, et Yes, Minister.
Sans le téléchargement, je n'aurais jamais dépensé cet argent dans l'investissement de ces DVD. Tu n'imagines quand même pas, Stephen, que j'aurais acheté le coffret d'une série dont je n'ai jamais vu une image ? Si je n'avais pas téléchargé le pilote de ces séries (et bien souvent, c'est à peine croyable mais pourtant vrai, uniquement lui), je n'aurais pas fait ces achats. Ton équivalent brésilien ou norvégien ont ainsi gagné de l'argent en plus, sans avoir déboursé un sou en promotion dans mon pays. Alors évidemment ça te fait une belle jambe, Stephen. Ce n'est pas TA série que j'ai ainsi acquise. Mais les faits sont là, le téléchargement n'est pas QUE mauvais.
Et d'ailleurs, ta série, si elle me plait, je vais faire mon possible pour l'acheter en DVD en import, et ce avant même de me poser la question de savoir si elle sera un jour disponible en France. Parce que si ça me plait, je veux le coffret DVD (et lui aussi, de la façon aussi immédiate que mes moyens le permettent, et sous condition évidemment que le DVD existe). En tant que passionnée, ça me semble normal, et même, nécessaire. Simplement si ta série est une grosse bouse, eh bien non, je ne vais pas payer, et encore, il y a la question du prix psychologique, j'attendrai peut-être, comme je l'ai fait pour les premiers coffrets de Lost, une promo sur CDiscount. Tout n'est pas noir et blanc.

J'irai même plus loin. On a parlé du culte de l'immédiateté. On se garde bien de rappeler que le téléchargement, la culture, tout ça, ne concerne pas que des oeuvres pour lesquelles il suffirait d'attendre quelques mois pour qu'il y ait une diffusion en France (en version doublée, à des horaires pas possibles, mais je ne vais pas entrer dans ces débats corollaires). Le téléchargement illégal, c'est aussi quand je cherche par tous les moyens comment mettre la main sur le pilote de Run for your life, qui n'a jamais été rediffusé en France depuis l'ORTF. Et encore, c'est une chance, parce qu'il y a tant de séries, même américaines, qui n'ont jamais été diffusées en France, et ne le seront jamais...
La culture c'est aussi permettre aux gens d'accéder à des vieilles séries qui sont impossibles à voir autrement. Je serais prête à payer de l'argent pour ça. Mais Stephen, ton industrie ne veut pas de cet argent-là, et ne me propose pas d'option.

Bien-sûr que ces exemples sont radicaux, et bien-sûr que tout le monde ne regarde pas des séries étrangères ou anciennes (c'est dommage, et je m'emploie à ce que ça change, mais c'est pas la question). Mais Stephen, je n'ai jamais prétendu m'exprimer au nom de qui que ce soit, sinon moi. Je ne revendique rien d'universel. Je pose juste les raisons qui font que le Black March m'apparait comme la seule façon de protester contre un système dont je ne peux pas sortir gagnante si je joue selon les règles du jeu, et où il m'apparait que je suis perdante à bien des égards si je ne télécharge pas.

Toutes les raisons qui font que je télécharge, prouvent qu'il y a quelque chose qui cloche dans le modèle actuel. A l'heure du numérique, il devrait être possible de faire des abonnements à la carte plutôt que de payer au fichier, de proposer à des internautes de payer pour se faire éditer un DVD (sans package) de la série de leur choix, etc...
Tiens, pourquoi n'y a-t-il pas de DVD pour les 3 dernières saisons d'Une Nounou d'Enfer, nulle part ? Parce que ce ne serait pas rentable, probablement, comme pour des dizaines d'autres séries distribuées seulement de façon partielle. Pourtant s'il existait un service de type "Netflix permanent", alors sans débourser d'argent en termes de fabrication (il s'agirait uniquement de graver des DVD, un matériel qui pourrait très bien être mutualisé pour toutes les séries du catalogue), Sony Pictures Home Entertainment pourrait vendre légalement des DVD de la série à un prix raisonnable, et à la carte, au coup par coup, sans craindre de pertes, plutôt que de créer de la demande et pousser les gens à se tourner vers le téléchargement illégal des produits qui ne sont pas commercialisés. Mais non.

Alors, Stephen, on fait quoi, à partir de là ? Tu proposes quoi ? On change quoi ?

Cannell_0

Je vois. La réponse habituelle, donc.
Eh bien écoute, dans ce cas, je  m'en retourne à mon Black March.

PS : lecteur, je m'en remets à toi pour trouver ci-dessous uniquement des commentaires construits et civilisés. Comme partout ailleurs sur ce blog, mais enfin, ça va mieux en le disant.

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