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ladytelephagy
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10 juin 2007

Dommage collatéral

 Sur le papier, Traveler semblait assez classique : deux étudiants sont pris en chasse par le FBI pour un attentat dont ils ne sont pas responsables, mais dans lequel leur meilleur ami les a impliqués avant de passer de vie à trépas. Vous connaissez certainement autant de références que moi sur le thème du présumé coupable jusqu'à preuve du contraire qui s'enfuit tout en essayant d'établir son innocence, alors je vous épargne la liste de lecture ! M'enfin, que ça ne vous empêche pas de vous cultivationner un peu, hein ?!

Pourtant à bien des égards, c'est très osé, dans une Amérique encore traumatisée par le 11 septembre (oui je vais ressortir le couplet sur les traumatismes du 11 septembre !), de traiter de terrorisme, et détail morbide, de terrorisme à New York. Et dans le traitement de ce thème, Traveler s'aventure là où pas un de ses nombreux prédecesseurs sur le sujet ne s'était risqué, en affirmant comme postulat de base, que le terrorisme fait d'autres victimes que celles auxquelles on érige des stelles : ceux qui en sont accusés à tort, et qui subissent le climat de peur ainsi que la paranoïa qui de nos jours, fait irrémédiablement suite aux évènements graves. Jay et Tyler sont, à ma connaissance, les premières victimes télévisées avérées du dommage collatéral exercé par le terrorisme.

Jusqu'ici, les terroristes, bouh c'était pas bien, et le FBI, c'étaient les gentils.
Ca c'était avant. Dans Traveler, ya pas de méchant. Bon alors disons plutôt : pas encore. Enfin si, d'accord, il y en a un dont on est plutôt sûrs qu'il soit pas un gentil, mais il est cramé, comme ça c'est réglé. Alors qui est-ce qui reste ? Chacun est intimement convaincu d'être dans son bon droit.
Et en fait techniquement, tout le monde l'est. Peut-on reprocher à Tyler de chercher à parlementer avec le FBI en espérant dénouer le problème ? Peut-on blâmer Jay de penser immédiatement à la fuite ? Peut-on en vouloir aux gars du FBI de chercher à être efficaces ? Peut-on même leur en vouloir de faire du zèle lorsqu'il s'agit de brutalité vis-à-vis de terroristes ? Peut-on imaginer que le père de Jay ne fasse pas son possible pour que son fils s'en sorte ? Mais non, rien de tout cela. Chacun des protagonistes de notre affaire a sa conscience pour lui, en fin de compte.

Il n'est pas rare qu'un téléphage, surtout ces dernières années, soit heurté par la tournure manichéenne que prennent vite les séries se frottant de près ou de loin à pareils thèmes, à plus forte raison lorsqu'elles sont américaines (et en la matière, elles le sont toujours de toutes façons, vu qu'en France, on n'a encore rien compris à l'intérêt de la fiction). La seule qui à ma connaissance s'en soit tirée dignement, c'était A la Maison Blanche dans leur épisode spécial 11 septembre, mais ce n'était jamais qu'un seul épisode et puis bon, c'était assez rhétorique. Le reste du temps, sitôt qu'il s'agit de sécurité nationale, tout est permis, et le télespectateur n'est pas encouragé à prendre du recul et réfléchir à la situation et ce qu'elle implique d'un autre point de vue. Après tout, il faut soutenir le héros, c'est-à-dire, invariablement, celui qui agit au nom des victimes du terrorisme.

Tenez, dans Battlestar Galactica, sous prétexte que c'est la guerre, les têtes pensantes de la flotte des survivants ont un peu tendance à confondre état d'alerte et prise de décision exagérée. Ca ne les dérange pas de torturer, d'exécuter, de manigancer sous couvert de l'intérêt général. Et, l'attachement aux personnages ainsi que la pulsion naturelle qui pousse le télespectateur à espérer que les colons survivent au massacre perpétré par les Cylons, font qu'il est ultra-rare de se lever et dire : "bah merde alors, qu'est-ce qui est pire, déplaire à un Cylon ou à Adama ?!". L'état d'urgence ? La loi martiale ? Certes nécessité fait loi, mais les droits de chacun devraient réussir à être respectés, et ce n'est pas toujours le cas. Ce qu'on observe dans Battlestar Galactica dans ces cas-là, et sans réelle dénonciation de la part des scénaristes mais plutôt une certaine application à poursuivre dans cette voie et y "encourager" les personnages, c'est qu'en cas de panique, certains verrous sautent et que, la société se sentant en danger, elle se sent autorisée à prendre certaines libertés avec les règles qui la régissent et font d'elle une civilisation évoluée et juste. En cas de panique, tout semble soudain permis, sans restriction, sans faire de quartiers, sans poser de questions, sans se remettre en question. Le coup d'état militaire en saison 2 était même plutôt traité de façon flatteuse, voire normalisante !!!

Alors voir Traveler nous dire, ou en tous cas poser les éléments et amorcer un discours allant dans le sens de montrer que la chasse au terroriste ne terrorise pas que les coupables, c'est osé, et c'est très bien. C'est un peu ce qui manquait dans le panorama télévisuel : une série pour dire aussi que la peur ne simplifie pas les problèmes, elle en crée injustement à ceux qui n'ont normalement rien à se reprocher, et elle ne fait que rassurer illusoirement ceux qui ne tombent pas sous les coups durs aléatoires qu'elle provoque quand un évènement se produit.

En plus d'avoir un énorme autre inconvénient. Parce que, pendant que Jay et Tyler s'enfuient, mobilisant tous les efforts des cellules anti-terroristes, eh bien le vrai poseur de bombe, lui, on n'est pas sur son dos. Qui a monté cette machination, puisqu'apparemment des personnes haut placées sont dans le coup ? Eh bien personne au FBI n'a le temps de se poser la question puisque les étudiants ont été décrétés coupables ! Et c'est aussi ça que se dit le télespectateur pendant ce temps, que tous ces efforts, cette diplomatie, cette efficacité de la part du FBI pour arriver à mettre la main sur nos deux fugitifs, c'est bien, mais ce n'est pas le coupable qu'on pourchasse comme une bête, et que la lutte contre le terrorisme, elle se tire dans le pied !

Evidemment, Traveler fait aussi la part belle à l'action, avec des courses-poursuites (ce qui est plutôt logique pour des fugitifs) dans les rues de New York (avec quelques plans urbains très sympathiques), quelques flashbacks dont ce n'est forcément que le début, un peu de théorie du complot et ce qu'il faut de mystère et de suspense (combien de fois on vous a dit de ne pas faire confiance à William Sadler, c'est un monde ça, il a toujours été hautement antipathique pourtant, ça ne met la puce à l'oreille de personne de voir le sheriff Valenti simplifier la vie de son petit monde ?)... Bref, Traveler n'est pas à proprement parler une série sur le terrorisme, elle ne propose pas de mise en garde, elle ne traite pas du sujet de façon abstraite ou militante, elle ne donne pas de leçons. Mais son plot est, à la base, conçu sur le mode de la contradiction en ce qui concerne nos certitudes habituelles sur la place de la justice dans un monde où le terrorisme fait parler de lui chaque jour. Non, la lutte contre le terrorisme ne justifie pas tout, et si son but est nécessairement louable (quel pays veut que ses musées explosent à tous bouts de champs ?) ses moyens sont eux souvent contestables.

Traveler est certainement de ces séries dont l'intérêt mythologique est moindre (qui tire les ficelles, l'homme à la cigarette ???) et dont les rebondissements, bien que pour le moment limités à une poignée d'épisodes, ne sont pas exactement novateurs (un inconnu aide nos fugitifs mais ne leur explique rien... Mr.X où êtes-vous ?) mais qui sur le fond, a au moins cet avantage de ne pas avoir cédé... à la terreur. Et pour une série traitant aussi de terrorisme, c'est quand même pas trop tôt.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Traveler de SeriesLive.

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9 juin 2007

Résolution de début d'été

Si vous faites partie des rares visiteurs de ce blog qui n'ont pas été découragés par le mois et demi de silence qui vient de s'écouler... déjà, bravo pour votre persistance... et ensuite voilà une bonne nouvelle : j'ai décidé de m'astreindre à un minimum d'un post par semaine, que je publierai le vendredi.

Evidemment, ça ne m'empêchera pas de poster d'autres jours de la semaine, mais je me suis dit qu'un peu de rigueur ne serait pas un mal. En prime, ceux d'entre vous qui ne veulent ou ne peuvent se servir des flux RSS apprécieront d'autant ce petit rendez-vous !

Nan mais c'est vrai, s'occuper d'un site régulièrement, c'est pas la mort (j'estime en savoir quelque chose), mais un blog de téléphage a cette particularité : quand on s'occupe du blog, on n'est pas devant le bon écran !!! C'est d'autant plus gênant que regarder une série, à moins d'avoir un joli petit lecteur DVD portable hi-tech qui coûte la peau si délicate de votre arrière-train, vous ne pouvez pas le faire dans le train, ou entre midi, comme vous le feriez pour un bouquin ou un magazine, ou même un CD. Et même si vous aviez le matos ça ne ferait pas tout.

Il vous faut 45 mn, pas d'interruption pour ne pas perdre le fil (et parfois, l'intérêt) de l'épisode en cours, un minimum de calme autour de vous, et ensuite, il vous faut aussi le temps de digérer l'intrigue, produire une analyse qui aille plus loin que "trop nul" ou "trop de la balle". Ah non, un blog téléphagique, ça se tient pas comme on tient un skyblog ! La preuve, je ne connais aucun blog téléphagique sur skyblog !!!

Le pire c'est qu'en plus je bouillonne d'idées de posts, et ça c'est sans doute le plus agaçant. Il doit y avoir au bas mot 10 posts en brouillon qui attendent d'être finalisés et publiés... Nan n'insistez pas, vous ne verrez rien avant que ce ne soit prêt, ce serait comme, le matin de votre mariage, voir la future mariée au sortir de sa douche au lieu de la découvrir lumineuse dans sa robe blanche (la compariason est de saison). Et puis c'est le moment des actus, des pilotes comme je l'évoquais précédemment, et en plus je suis pas du genre à éteindre la télé si elle ne fume pas et ni ne dégage une odeur de caoutchouc brûlé, donc vraiment, c'est frustrant de manquer d'organisation quand ce blog pourrait être rempli quasi-quotidiennement. Mais si je fais ça, j'ai plus de vie ! Et donc plus de temps pour regarder la télé ! Et sans ma dose quotidienne, je deviens très dure à vivre... zêtes prévenus.

Si je tiens jusqu'en automne, je relèverai le niveau en octobre pour m'astreindre cette fois à un minimum de deux posts par semaine. Alors je compte sur vos encouragements !

8 juin 2007

Judging Army

Les pilotes de l'année prochaine commencent à être parachutés çà et là et c'est une bonne occasion pour faire un raid dans ce qui nous tombe sous la main, et ainsi se faire un avis. Histoire de se préparer un planning de rentrée en rang serré...

Army Wives est mon sitcom coup de coeur du jour. Les gars qui en ont eu l'idée n'ont rien inventé mais ont su repêcher les meilleurs concepts des séries drôles du moment ; on y retrouve une idée que je pensais voir se développer avec The Unit mais que l'abus de testostérone n'a jamais vraiment permis de voir se développer : la vie de ces femmes qui restent à la maison pendant que leurs maris se battent au loin. Ici on n'a pas l'air d'accorder de réelle attention à ce qui se passe dans ce fameux "au loin", en tous cas seulement par propos rapportés : pas de bravache, pas d'actions d'éclat. Nous vivons donc à temps complet sur la base avec toutes ces épouses (et un époux) de fringuants militaires.

Chaque femme de soldat apporte son lot de grosses rigolades, avec évidemment en star Roxy, la nana tirée du caniveau par son militaire de jeune mari, et qui débarque sur la base comme un chien dans un jeu de quilles. Elle n'était pas bien partie pour se faire des amies ; il faut dire que se ballader en string dans les toilettes d'une réception cossue dés son premier soir, ou travailler comme barmaid, ça donnait bien le ton et ce n'était pas exactement faire couleur locale. Mais Roxy ne s'embarrasse pas tellement de convenances. Ca vaut mieux pour elle.

On trouve aussi Denise, femme d'un officier extrêmement sévère et qui présente de curieuses marques de violence... Mais évidemment ce n'est pas son mari qui la bat, ç'eut été trop facile. Au lieu de ça on aborde un autre tabou : celui des ados qui battent leur mère. Si on ne riait pas aux éclats devant les ventouses usées de Catherine Bell, on pourrait éventuellement prendre au sérieux ce sujet mais il n'en est rien, car son jeu d'actrice confine au pathétique ce qui devrait être poignant et douloureux. Cela dit elle est vite reléguée au second rôle par son amie Claudia Joy.

Claudia Joy qui se révèle être une grande dame du monde, habituée à recevoir, sauf qu'elle a un gros défaut : elle est terriblement ambitieuse et arrogante. Ce qui pour l'instant, ne lui amène pas trop de soucis, mais ça ne saurait tarder puisqu'elle s'en prend frontalement à une femme très importante qui ne le lui envoie pas dire. Gags à venir dans cette direction également.

N'oublions pas le double quota de service : Roland, qui n'est pas militaire mais époux de militaire, sa femme venant juste de rentrer de mission. Il est psy ? Ca va servir ! Sa femme a justement du mal à vivre le retour au pays, et pire encore, à assumer ses actes en terre étrangère. C'est également une bonne pâte toujours gentil avec tout le monde et serviable. Bah oui, quand t'es black et que c'est ta femme qui porte la culotte, tu la ramènes pas quoi...

Et enfin, last but not least puisqu'interprétée par la plus ravissante des comédiennes méconnues (ou disons, dans mon Top10), la jeune Pamela remporte la palme du personnage inventé en salle de rédaction un jour de beuverie. Tenez-vous bien : une ex-flic qui a arrêté de travailler pour suivre son mari sur la base, et qui pour ramener de l'argent à la maison, devient mère porteuse ! Jackpot !

Ce qui manque à Army Wives ? Une cure de désintox. Car beaucoup d'idées dans ce drama sont très culottées et tiennent, en environ 40mn, de la surenchère la plus basurde, se concluant, désolée de vous spoiler, sur un accouchement exécuté en toute hâte sur un billard -le jeu, pas la table médicale. C'est sur cette scène proprement surréaliste (avec quelques détails dont, tout de même, je vous laisse découvrir tout le croustillant) que se clôt ce pilote tiré par les cheveux.

Ah, au moins, Army Wives n'est pas de ces séries aseptisées prêtes à redorer plus que nécessaire le blason proprement lustré de l'armée américaine. Mais c'en devient presque dommage, car les rares histoires dramatiques sont complètement survolées (la femme battue par son fils, la militaire qui a du mal avec la teneur de son job...) pour s'apesantir sur le côté complètement loufoque des intrigues à la mords-moi le noeud qui vous font vous tordre de rire.

A l'heure actuelle, je ne suis pas certaine qu'Army Wives fasse exprès de faire rire à ce point : on dirait plutôt qu'il y a eu volonté de sortir d'un certain nombre de poncifs, mais sans réussir à tous les éviter, et de proposer des personnages un peu nouveaux, dans des intrigues un peu nouvelles. Le résultat tient, je le répète, de la surenchère, et confine au ridicule par moments. Reste à voir si Army Wives, et c'est finalement un joli défi, parviendra à mieux concilier expérimentations scénaristiques et réelle dramaturgie, comme certaines séries dont elle pourrait se réclamer l'héritière, Desperate Housewives par exemple.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Army Wives de SeriesLive.

7 juin 2007

La démission du révérend Camden

D'accord, des guily pleasures où les larmes sont bradées et les rires sont bon marché, j'en ai des tas dans mes réserves, et j'en ai déjà abordés quelques uns ici, mais je n'avais pas encore osé lever le voile sur une de mes pêchés mignons : 7 à la Maison.

Pour ceux qui ne savent pas, 7 à la Maison est l'histoire de deux américains très moyens sûrs de leurs valeurs inébranlables ou presque, et qui décident d'élever un cheptel d'enfants très politiquement corrects qui assureront la survie de concepts aussi ineptes qu'archaïques. Ils commencent la série avec 5 enfants, mais comme les acteurs qui jouent les gosses, et qui grandissent, hélas, en ont vite marre de se faire bourrer le mou par leurs aînés, nos deux éleveurs conçoivent une nouvelle portée amenée à permettre aux mêmes intrigues de se reproduire avec quelques saisons d'intervalle. Le public de cette série-là ayant très peu de mémoire, ou la bonne grâce de faire semblant. Comme moi !

Bref, 7 à la Maison, c'est un peu une photographie d'un monde qui vit hors du monde mais qui essaye vraiment de faire ce qu'il peut pour croire, mais croire très fort, que vraiment, ils comprennent les problèmes de ce même monde, et qu'il y a de fortes chances pour que leur solution permette à chacun d'y vivre mieux. Alors que, répétons-le, ils ne connaissent pas le monde tel qu'il est, car le leur est infiniment aspetisé, et naturellement, stéréotypé à l'extrême. Parfois on se demande même si les scénaristes (un bien grand mot vu la teneur de certains épisodes, ne parlons même pas de bon nombre de dialogues) ne sont pas en train de se moquer de nous. Il m'est arrivé plusieurs fois de me dire "la vision à long terme de 7 à la Maison, c'est de démontrer que ces valeurs-là, elles ne tiennent pas dans la réalité telle qu'elle est, et au final ils vont céder". Mais force est de constater qu'avec les années, 7 à la Maison a tenu bon et n'a pas renié ses beaux principes, s'attachant, encore et toujours, à nous dire qu'avec une bonne dose de foi et en demandant conseil au révérend Camden, tout peut toujours s'arranger au plus près du politiquement correct.

Sauf que non.

Je n'avais pas regardé la série depuis quelques saisons, mais il y a trois semaines, je suis tombée sur la diffusion de TF1 qui, si j'en crois SeriesLive, est la saison 10. Que je regarde encore de temps à autres, parce que ça faisait un bail (je ne m'apesantirai pas sur les raisons qui font qu'une personne ayant tout de même un peu d'estime pour elle-même finisse par regarder assidûment les saisons 1 à 5 de cette série, ce serait revenir sur des années de thérapie qui m'ont permis d'occulter ce lourd passage de ma vie), et que quelque chose a attiré mon attention lorsque j'y ai glissé un oeil amusé il y a donc trois semaines environ.

Dans cet épisode, Ruthie était confrontée à une dure réalité (normal, c'est la structure régulière de cette série) : l'une de ses camarades ne mangeait pas à sa faim. Je vous épargne la scène en plan-séquence où plusieurs élèves du lycée de Ruthie expliquent sur un ton presque documentaire qu'eux non plus n'ont pas à manger et les conséquences que cela a sur leur vie d'ado (c'est dans ces cas-là qu'on regrette de n'avoir pas préparé de pop corn), je passe directement à la scène finale, que dis-je, le feu d'artifice final, où Ruthie, 16 ans et toujours le rôle de la gamine qui sait rien de la vie (rappelons quand même qu'à une époque elle allait dans une classe pour enfants très doués, mais bon, infantiliser c'est toujours de bon ton dans ce genre de séries bien-pensantes), demande à son père avec ses yeux de cockers (mais comme elle a 16 ans, c'est un cocker maquillé comme une voiture volée) : mais comment se fait-il qu'il y ait tant de gens qui aient faim alors que nous vivons dans un pays si riche ? Son révérend de père de lui expliquer : eh bien, oui, mais le monde est mal fait, ce n'est pas simple. Ruthie récidive : mais comment aider tous ces gens ? Papa révérend rétorque : eh bien, c'est difficile de les aider, tu comprends, parce qu'ils ont honte et qu'ils ne veulent pas que ça se sache et donc ils ne veulent pas qu'on les aide, alors tout ce qu'on peut faire c'est prier pour eux et espérer qu'un jour les choses soient plus faciles... (j'ai évité les guillemets car évidemment je ne me suis pas encombrée le cerveau avec les vraies répliques). Bref, frappée de stupeur, j'essaye d'assimiler ce que papa Camden vient d'expliquer à Ruthie : que les gens pauvres ne veulent pas qu'on les aide (bon alors je veux bien que l'assistanat aux States et en France ne soit pas du tout vu de la même façon m'enfin, ne pas vouloir être aidé, c'est pas pareil que d'avoir honte !), et que tout ce qu'on peut faire pour eux, tenez-vous bien, c'est prier ! Rien d'autre ! Peut-être un jour mais là, non, on reste tranquillement à la maison et on attend que les choses changent ! Je ne sais pas moi, que la faim dans le monde, ça n'existe plus. Voilà, c'est tout. C'est simple en définitive !

J'étais sciée. Le révérend Camden venait de déclarer forfait. Trop d'années dans son bureau mal éclairé avaient eu raison de son éternelle bonne volonté, sa croyance qu'on (enfin, surtout lui) peut toujours faire le bien, améliorer la vie des gens... C'était quand même pour cette même dose culottée d'espoir inébranlable que je regardais cette série ! Mais là non, le révérend Camden a rendu les armes. Mais bon, la journée avait été dure (vous avez peut-être remarqué que ces derniers temps, il ne se passe pas un épisode sans que la journée n'ait été dure ? Il vieillit ce pauvre homme) alors admettons.

Hier, je me cale les fesses devant un autre épisode, dans l'espoir de recevoir ma dose de pensées exagérément positives du jour. Hélas, encore une fois, chou blanc. Au menu du jour, un mari épouvantablement volage, un lycéen bientôt père indigne, et un enfant illégitime au bord du suicide.

Procédons par ordre : le mari épouvantablement volage, c'est le mari de Lucy (ne m'obligez pas à retenir aussi lesp rénoms des pièces rapportées), ex-flic devenu père au foyer après s'être traumatisé lui-même en se servant de son arme. Le gentil pôpa va aux réunions de mamans pendant que sa belle travaille à l'eglise avec son père (elle ambitionne en effet de devenir révérend elle aussi... c'est bizarre, papa Camden n'est jamais à l'eglise, il fait en moyenne deux offices par saison, ya déjà à peine du oublot pour un alors pour deux... mais admettons). Bien-sûr Lucy culpabilise comme une folle de ne pas passer plus de temps avec son bout de chou de fille (après tout sa propre mère à elle n'a jamais rien eu d'autre dans sa vie que ses gosses... je n'ai aucun souvenir qu'on lui ait expliqué un jour ou l'autre qu'il existait une alternative et qu'on pouvait être une bonne mère ET travailler). Et comme elle a un caractère de cochon, hypra-jaloux, depuis toujours, elle préfèrerait aussi ne pas être par monts et par vaux toute la journée et garder un oeil sur son mari. Mari qui, eh, c'est un Camden par alliance, aime bien aider son prochain, et là il a eu pitié d'une mère célibataire et donc ils promènent leurs enfants ensemble, et il lui prodigue quelques conseils parce que, bah, elle, elle travaille, donc elle ne sait pas s'y prendre avec son propre gosse. Mais Lucy est bien-entendu furibarde après son mari parce qu'il voit une femme célibataire, et qu'appremment, il compte remettre ça. Furieux, le mari claque la porte (à la Camden) et s'en va demander conseil chez beau-papa révérend, comme tout le monde en cas de panne de cerveau. Et alors là, ya même pas débat : en une phrase, le révérend résoud son problème : tu vas t'excuser auprès de ta femme. Ah bon mais révérend, ai-je envie de dire, qu'en est-il du respect de la vie de chaque époux ? Ces épisodes où vous encouragiez votre propre femme à reprendre ses études et voir du monde en dépit de votre propre jalousie car vous voyiez bien que sans ça elle allait péter un câble ? Non ? Pas un mot à ce sujet ? Ah, bon.

Deuxième étape, l'adolescent qui va être papa. J'ai certainement loupé toutes les étapes pendant lesquelles il a reçu la leçon sur "pas de sexe avant le mariage" (dommage parce que ce running gag là est vraiment leur meilleur), pour en arriver directement au moment où il ne veut rien avoir à faire avec la maman ni le futur-bébé, et où, côté Camden, personne ne lui fait la leçon, en fait la seule qu'il aura viendra de son propre père qui lui dit juste de se comporter comme un homme et faire un choix, ce à quoi l'adolescent en chaleur répond à son père qu'il a été élevé par sa mère et qu'en fait de lui faire la leçon sur être père, son interlocuteur peut toujours parler. Après quoi le pater en question déclare forfait et se tire chez les Camden, panne sèche de matière grise j'imagine. Révérend Camden père et fille s'escriment, en parallèle, à avoir un entretien avec les parents de la future-maman (faut suivre), mais en quelques répliques cinglantes, ils font savoir qu'ils ne veulent rien avoir à faire avec leur fille, ni l'éventuel rejeton de cette dernière. Et que quand il naîtra, pas la peine de les déranger, ils s'en foutent. Papa et fifille Camden laissent faire. Mais enfin quoi ? Pas de réplique sur "vous allez passer à côté de votre propre petit-fils" ? Pas une phrase pour marquer l'importance fondamentale de la famille dans la vie ? Pas même une tentative, même ratée...? Rien ? Ah, bon.

Troisème étape, le summum de la démission. Le révérend Camden apprend qu'il a été conçu hors-mariage. Ce qui lui fout sa journée en l'air, et on le comprend, apprendre ça à 50 ans et de poussières, c'est rude, surtout quand on croît fermement à la chasteté jusqu'au mariage et qu'on s'est crevé ces 10 dernières années/saisons à faire appliquer ce principe à la lettre à sa progéniture (avec un succès plutôt relatif pour certains...). Mais plutôt que de mettre cette expérience au service des intrigues qui l'entourent (sans même parler de remettre en question ses convictions, faut pas rêver), tout au plus aura-t-on droit à une légère petite phrase sur la fin, à notre pauvre adolescent après tout, ya des tas de gens de par le monde qui ont des enfants sans sem arier, et ils ont l'air de ne pas s'en sortir si mal que ça, et ça donne des gens pas si mauvais. Quoi ? C'est tout ? Pas de prêche dans le sens du mariage malgré tout, pas une petite pichenette en direction du bon ordre moral, du bien-être de l'enfant, rien ? Ah, bon.

Mais alors, c'est bien ça, tout concorde. Le révérend Camden a laissé tomber. Ce n'est pas la série qui s'est tirée du politiquement correct, c'est juste le révérend Camden qui se rend. Ce type était de tous les combats ! Ce gars était là pour remettre toute sa marmaille et celle des voisins dans le droit chemin ! Et là quoi ? Et là plus rien. Il n'a plus de jus le pauvre révérend Camden.
Le monde a gagné. Et c'est finalement une victoire bien amère...

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche 7 à la Maison de SeriesLive.

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