Sunshine
On a vu avec I Dream of Jeannie qu'être astronaute permettait de faire craquer les filles (pour résumer), mais Defying Gravity voit les choses avec un tant soit peu moins d'optimisme. Retour aux affaires pour notre semaine spéciale astronautes, et un nouveau post La preuve par trois pour comprendre un peu plus ce qu'est l'essence de la conquête de l'espace...
Depuis quelques jours, les impressions que je lis sur Defying Gravity sont plus que tièdes. Et il y a de nombreux points sur lesquels je suis d'accord. Le plus évident, ce sont les amourettes entre les personnages. Qu'ils en aient, bon, ça semble inévitable surtout sur une série qui espère décrire une mission de 6 ans (à ce que j'ai entendu dire, 6 semaines ce serait déjà un miracle au vu des audiences), mais leur incorporation au scénario est épouvantablement cosmétique. Love interest, couple maudit, tout y est. Le ton général est lui aussi assez superficiel, preuve qu'il ne suffit pas d'un scénario relativement réussi pour accomplir le miracle d'un pilote impeccable. Et enfin, certains acteurs laissent fortement à désirer (et hélas, le personnage principal interprété par un toujours plus inexpressif Ron Livingston, en est le pire exemple).
Mais je vous propose de dépasser ces inconvénients, dont je ne nie pas l'existence ni le fait qu'ils nous gâchent un peu la nôtre, pour approfondir un peu ce que le pilote a à offrir sur notre thème de la semaine.
Le pêché originel.
Il en faut un. En fait on en aura vraisemblablement deux, mais le
second ne nous est pas dévoilé immédiatement ni frontalement. Ainsi
donc, notre Donner a abandonné l'amour de sa vie sur Mars, contraint et
forcé, et ne s'en est jamais remis. On a tout loisir de goûter sa
déchéance : c'est une homme plus bas que terre (mais son père, avec qui
il vit, creuse encore), il est au bout de sa carrière, il est désabusé,
sortez les violons. Il en faut un comme ça dans toutes les séries du
genre (voir aussi Armaggeddon, oui, le film, des fois je vois
des films), des losers au grand coeur, le mec qui a tout raté et qui
porte son fardeau. Car la conquête spatiale, c'est avant tout une
industrie, et même de la politique comme on le voit assez vite : les
astronautes ne vont pas simplement toucher les étoiles, ils ont des
comptes à rendre sur Terre en premier lieu, et ceux qui restent les
pieds cloués au sol n'hésitent pas à les briser si cela sert leurs
intérêts. Inutile de dire que la beauté de l'espace, elle passe
largement au second plan quand on s'est fait rompre comme une alumette.
Oui, ce que nous rappelle Defying Gravity, c'est qu'un astronaute reste un homme soumis à son humanité.
Le paradis perdu.
Le sort s'acharne contre l'équipage d'Antares et c'est normal, puisque
chacun défie sa nature, et certains ont même défié les lois de la
nature (et croyez-moi, ya un bébé qui n'est pas né et qui n'est pas
prêt à se laisser oublier si facilement). Quand pour le personnel de
l'expédition, tout cela était l'accomplissement d'un rêve,
l'aboutissement d'un engagement énorme, la récompense de sacrifices
immenses, la mission va en forcer plus d'un sinon tous à déchanter
progressivement. En dépit de toutes les comparaisons qui ont été faites
avec Grey's Anatomy, on est bien obligés d'admettre que la
situation même de cette expédition spatiale rend le contexte plus
complexe et plus sombre, la catrastrophe plus imminente pour les
protagonistes eux-mêmes. Ils ne risquent pas des vies, ils risquent
leurs vies, et on sent bien que c'est à tout les niveaux que les choses
sont fragiles : la santé, le mental, probablement aussi l'équipement.
Rien n'est acquis. Tout peut virer au cauchemar.
La rédemption.
S'il n'y est pas question de religion chrétienne, la religion et les
croyances ne sont pas moins présentes de ce pilote. Une opposition
entre ces convictions et la raison (Ajay était censé être le plus
solide mentalement de tous, et c'est lui qui pête un câble) soulève un
point essentielle de la conquête de l'espace : dans l'absolu, le projet
est un idéal de l'humanité, mais en pratique, seuls les cerveaux les
plus cartésiens peuvent réaliser ce rêve. Les autres sont voués au
rebut. Et pourtant au final, notre héros damné finit par rempiler pour
une nouvelle mission et est envoyé sur Antares en renfort. Le final de
l'épisode est empli de spiritualité, d'espoir, de foi, et les
contigences venues de la Terre s'envolent ; le voyage vers Venus peut
enfin commencer. Et comme dans toute série de science-fiction, si on ne
part dans l'espace, ce n'est que pour parler mieux d'humanité.
Je suis donc infiniment moins pessimiste vis-à-vis de cette nouvelle série que beaucoup que j'ai lus avec attention. Sur beaucoup de choses, je le répète, ils n'ont pas tort. Mais les défauts qu'ils attribuent à Defying Gravity ne me semblent pas venir de son scénario lui-même, mais plus de sa réalisation. Il me semble que dans les axes abordés lors de ce pilote, on trouve un grand potentiel, et une capacité à entrer dans l'abstrait qui est toute louable. Mais désormais, plus que la gravité, c'est la superficialité que la série va devoir défier, en évitant les écueils qu'une diffusion sur un network rend plus difficiles à éviter encore. Defying Gravity parvient en tous cas à laisser espérer un peu plus qu'un Grey's Anatomy dans l'espace, avec une mythologie du complot qui se met vaguement en place et surtout un sens de l'introspection dépassant largement les monologues creux d'un médecin névrosé. Je n'ai pas grand espoir de voir la série réaliser son potentiel, mais elle en a parce qu'elle a su capturer la substance de son sujet.
Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Defying Gravity de SeriesLive.