Angleecismes
Rha, la déceptiooooooooooon ! J'espérais trouver dans la saison japonaise du printemps une série parfaite, mêlant comédie musicale et Yuuki Amami (si, absolument, Yuuki Amami est un genre à elle seule, parfaitement), et je me retrouve avec... une version japonaise de Glee.
Mais avec Yuuki Amami. Hm. Bon. Tout n'est pas perdu.
Et d'ailleurs Kaeru no Oujosama n'essaie même pas de maquiller le crime : on va y parler d'un choeur en pleine déchéance, avec très peu de membres qui tous sont des losers en puissance, et qui tentent tant bien que mal de former un ensemble solide.
La nuance qu'apporte Kaeru no Oujosama, qui reste une dramédie nippone avant toute chose, c'est qu'on ajoute un enjeu supplémentaire, plus social : le choeur de losers n'est pas là pour reporter une bête compétition, ce serait trop simple ; non, il a pour tâche de prouver que la salle de concert de Yume ("rêve", admirez la subtilité), une petite ville à l'abandon, ne devrait pas être détruit afin de construire une station de traitement des déchets à la place. Oui, c'est un tout petit peu ridicule, mais pas plus que Glee, hein.
Pour cela, l'ancienne directrice musicale de l'endroit appelle Mio Kurasaka à la rescousse... ou plutôt l'attire sous un faux prétexte. Mio, qui parce qu'elle a fait partie de l'ensemble dans une représentation d'A Chorus Line, s'imagine qu'elle est une star de Broadway, se prend pour une personne importante ; alors qu'en réalité son agent l'a envoyée à Yume pour s'en débarrasser, car à 40 ans et alors qu'elle n'a jamais vraiment connu la gloire, elle est devenue impossible à caster à Broadway. Mais ça, Mio n'en a pas vraiment conscience.
Yuuki Amami campe donc avec Mio une pseudo-célébrité excessivement sûre d'elle-même, un peu méprisante pour ce petit patelin bien éloigné de ses ambitions américaines, mais qui cependant est bien obligée de prêter main forte à son ancienne directrice parce que celle-ci lui a prêté de l'argent lorsqu'elle a démarré sa carrière. Le problème c'est que, comme Mio n'a pas vraiment d'autre boulot à l'horizon, elle ne peut rembourser cet argent dans l'immédiat ; la perspective de coacher la chorale de Yume à l'oeil pendant un mois lui permettrait donc d'éponger sa dette sans perdre la face. Une façon élégante de mener Mio par le bout du nez, donc, et ça marche : Mio commence à prendre en charge la chorale, non sans constater que celle-ci, même en recrutant un peu, n'est qu'une belle brochette de femmes aux foyers et autres reliquats d'une société provinciale qu'elle tient déjà assez peu en estime.
Comme presque toujours dans une série japonaise ayant ce genre de configuration, les membres de la chorale sont interprétées de façon caricaturale par une pléiade d'actrices (et un acteur) manquant dramatiquement de subtilité, de charisme et même de sympathie tant le jeu du cast est épouvantable. Celle qui va s'opposer le plus souvent à Mio, Chuuko (qui est accessoirement fille du maire le plus sexiste et rétrograde de l'histoire de la télévision), a un profil de première de la classe, austère et jamais contente, qui lui aussi relève de la caricature, mais qui au moins ne dépend pas de ressorts comiques pitoyables comme certaines autres membres de la chorale. On peut également mentionner Mahiru, une jeune fille timide (elle est incarnée par une idol, Yuuko Ooshima, déjà vue dans Majisuka Gakuen) qui évidemment est très optimiste, positive et travailleuse, et qui naturellement va se révéler grâce à l'expérience au sein de la chorale. Bref, rien que l'on n'ait déjà vu cent fois en pareilles circonstances dans une dizaine de dorama passés.
Dans tout ça, Yuuki Amami, avec un personnage éminemment antipathique (même quand elle est supposée faire preuve de bons sentiments !), a bien du mal à sauver les meubles. Elle a plus de subtilité que toutes les autres actrices de la distribution réunies, mais son personnage est insupportable quoi qu'elle fasse. Les dialogues l'ont en plus affublée d'anglicismes permanents, l'habituel cliché supposé prouver qu'elle a vécu aux States, qui lui font émailler son discours de termes qui, bien que prononcés correctement (c'est déjà ça), n'apportent rien.
A l'instar de Glee, la chorale dirigée tant bien que mal par Mio (plutôt mal que bien pour être honnête, on se demande d'où lui viennent ses techniques d'apprentissage !) va décider de s'éloigner des chansons typiques de chorales, pour mieux adopter des chansons plus populaires. Le pilote nous propose une interprétation d'une chanson de folk, mais d'après le trailer, il faut s'attendre à des titres plus pop par la suite, sans pour autant être de haut profil comme ça peut l'être pour Glee. Le principe ici n'est pas d'essayer de faire une série à buzz comme la consoeur américaine de Kaeru no Oujosama, mais simplement de faire une divertissement grand public. Peut-être que dans le fond il aurait mieux valu, en fait. Une comédie musicale pourrie avec un cast miteux qui interprète des hits de Jmusic, c'est toujours mieux qu'une comédie musicale pourrie avec un cast miteux qui chante des chansons méconnues, non ? Mais pas de beaucoup, je vous l'accorde.
Alors au final, il n'y a pas grand'chose pour donner de la valeur à Kaeru no Oujosama, où la pauvre Yuuki Amami ne peut pas accomplir de miracle. Mais au moins elle essaye, c'est déjà bien gentil de sa part, de donner un peu de coeur à l'ouvrage bien maladroit qui, parti d'une idée de copie officieuse, et en s'appuyant sur une structure usée jusqu'à la corde à la télévision japonaise, ne parvient à rien apporter, même pas sur un plan humain.
Ah, et si vous voulez une dernière preuve de l'inspiration américaine de Kaeru no Oujosama... La série a son propre Kurt Hummel !
Le problème, c'est que si j'ai arrêté Glee, il y a une bonne raison. Certes, Glee n'a pas Yuuki Amami au générique. C'est LE gros atout de la série japonaise sur son modèle américain. Mais sur le reste ? Euh, difficile de trouver des raisons de regarder Kaeru no Oujosama. Et la meilleure preuve, c'est que ce post n'en contient pas une seule.